Alors que le coût du transport maritime s’est envolé partout dans le monde depuis le début de la crise sanitaire, cette hausse touche plus durement l’Afrique et l’Amérique du sud. Une récente note* de la Cnuced (la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) livre quelques explications.
Le phénomène a pris tous les acteurs du fret maritime de court. Au début de la pandémie, tous les observateurs anticipaient une contraction du commerce maritime sous l’effet de mesures strictes de confinement. Un an plus tard, les tensions qui se sont accumulées sur le fret ont atteint leur paroxysme. Une situation que la Cnuced explique par une demande de biens de consommation qui augmente fortement depuis la fin 2020.
Au troisième trimestre de l’an dernier, l’assouplissement des confinements, la reprise de certaines économies, les mesures locales de stimulation de la consommation et la reconstitution des stocks en prévision d’éventuelles nouvelles vagues de Covid-19 ont en effet sursollicité toute la chaîne du transport maritime. Et donné lieu à des situations surréalistes comme ce cargo chargé de décorations de Noël mouillant encore en février au large de la côte Ouest de l’Amérique du Nord faute de place dans un port…
Entre la fin 2020 et début 2021, les taux de fret maritime ont ainsi augmenté de 63 % sur les liaisons entre l’Asie et la côte Est de l’Amérique du Nord et de pas moins de 443 % entre la Chine et l’Amérique du Sud.
Autre région du monde concernée par cette envolée stratosphérique des tarifs : l’Afrique. Les routes les reliant à l’Asie étant plus longues, elles nécessitent un plus grand nombre de navire pour assurer un service hebdomadaire, induisant un plus grand nombre de conteneurs bloqués.
Pourquoi un tel déséquilibre ? Plusieurs explications sont avancées par la Cnuced.
Dans un contexte de pénurie de ces « boîtes » un importateur travaillant dans l’une de ces zones importatrices doit prendre en charge le coût d’entreposage de conteneurs vides, ce qui renchérit ses frais et l’incite à réduire ses opérations. Par ailleurs, les taux de fret sont plus volatiles sur ces routes maritimes, moins fréquentées que les voies Est-Ouest.
Enfin, souligne la Cnuced, les autorités de la concurrence dans ces pays en développement manquent d’efficacité ouvrant la porte à des politiques tarifaires abusives de la part des transporteurs.
Le blocage en mars, pendant presque une semaine, du canal de Suez par le cargo Ever Given et les perturbations supplémentaires qu’il a provoqué sur toutes les routes du commerce maritime viennent compléter ce sombre tableau qui ne devrait pas s’éclaircir de sitôt. Les analystes de la Cnuced estiment en effet que ces tensions sur le fret maritime devraient perdurer tout au long de 2021.
Sophie Creusillet
*Container Shipping in time of Covid-19 : why freight rates have surged and implications for policymakers. Unctad, Policy Brief n° 84, april 2021? Pour accéder à la note de la Cnuced en anglais, cliquez ICI