Faut-il que la France se contente de la deuxième place ? Depuis que l’Italie s’est hissée au premier rang des fournisseurs de la Tunisie en 2017, la Chine et la Turquie ont également gagné du terrain. Toutefois, pour l’instant, la France reste bien accrochée à sa seconde place.
Ainsi, l’an dernier, d’après l’Institut national des statistiques (INS) de Tunisie, les importations en provenance d’Italie se sont élevées à 2,77 milliards d’euros. Deuxième fournisseur, devancée de peu avec 2,52 milliards d’euros, la France tenait à distance la Chine, avec 1,68 milliard, et l’Allemagne, avec 1,34 milliard. Suivaient, enfin dans un mouchoir de poche, la Turquie, l’Espagne, l’Algérie et les États-Unis, avec autour de 760 millions d’euros. D’après les Douanes françaises, la France a livré pour 3,3 milliards d’euros de marchandises en 2018 (+ 1,68 % sur 2017), principalement des machines, équipements électriques, mécaniques et des matières plastiques.
Doubler les investissements avec du codéveloppement
Mieux encore, les opportunités ne manquent pas pour que la France remonte en haut du podium. Avec la visite officielle d’Emmanuel Macron en janvier 2018, Paris avait repris les chemins de la diplomatie économique. Un Haut conseil de coopération franco-tunisien, en particulier, avait été créé.
Le président français avait alors fixé comme objectif de doubler les investissements français d’ici à 2022 et « pas seulement dans la sous-traitance », insistait Jean-Pierre Sueur, le 14 février au Sénat. Le président du groupe interparlementaire d’amitié France-Tunisie s’exprimait ainsi, lors d’un forum auquel participait le Premier ministre Youssef Chahed, en visite officielle en France (13-15 février). « Il faut, ajoutait-il, de vrais investissements, de la co-traitance, du codéveloppement ». « La France doit faire de la Tunisie son partenaire industriel », renchérissait le chef du gouvernement tunisien.
D’ici 2020, les investissements de l’Hexagone devront ainsi se monter à 2,8 milliards d’euros, tandis que dès 2010, « l’Agence française de développement (AFD) apportera un milliard d’euros », a annoncé, de son côté, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances.
Lors du 2e Haut conseil de coopération, qui s’est tenu à Matignon le 13 février, cinq accords de coopération, impliquant notamment l’AFD, ont été conclus.
Les Français s’étendent et s’implantent toujours
En 2017, d’après l’Agence de promotion tunisienne des investissements (Fipa), la France était le premier pourvoyeur d’investissements directs étrangers, avec 45,6 millions d’euros. Selon le ministre du Développement et de la coopération internationale, Zled Ladhari, « en 2018, il y a eu 147 extensions d’entreprises françaises et la France représentait 40 % des sociétés étrangères ».
Lors du forum d’affaires franco-tunisien, Foued Lakhoua, le président de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CFTCI), indiquait que les 140 membres français de la CFTCI, non seulement n’avaient pas quitté la Tunisie en raison des évènements et l’instabilité politique, mais avaient « réinvesti une partie de leurs bénéfices ».
Selon lui, les investissements français se répartiraient aujourd’hui entre les extensions, pour deux tiers, et les créations, pour un tiers, notamment dans de nouveaux métiers à forte valeur ajoutée dans l’aéronautique, l’automobile, la recherche.
Tout récemment, l’équipementier automobile Vernicolor, spécialisé dans les composants plastiques, a annoncé l’ouverture d’une usine à El Fejja (Manouba) en septembre 2019, représentant un investissement de 8 millions d’euros et la création de 600 emplois.
Le tourisme et les transports repartent
Malgré l’instabilité politique et les questions de sécurité – la Libye est toute proche – le tourisme est reparti à la hausse, avec 8 millions de personnes en 2018, dont 800 000 Français contre 570 000 en 2017. Autre signe favorable, « le transport de remorques a augmenté de 4 %, de conteneurs de 14 % et de conteneurs frigorifiques de 35 % en 2018 », rapportait Georges Serre, conseiller institutionnel de CMA CGM.
Si la priorité est aux transports publics, les grands ouvrages ne sont pas oubliés. A Paris, le ministre des Transports, Hichem Ben Ahmed, a affirmé qu’à une centaine de kilomètres au sud de Tunis « les travaux pour le port de transbordement en eau profonde d’Enfidha vont débuter pour un montant de plus d’un milliard de dollars d’ici la fin de l’année ». De même, le chantier des quais 8 et 9 du port de Rades, à Tunis, serait lancé vers avril-mai.
Par ailleurs, des consultations seraient entamées pour porter la capacité actuelle de l’aéroport international Tunis Carthage – qui est déjà dépassée – de 5 à 7,5 millions de passagers. Parallèlement, mais « ce n’est pas la priorité », a tenu à préciser Hichem Ben Hamed, une étude est lancée pour un nouvel aéroport.
Quant au tram de Sfax – appelé métro léger en Tunisie – le projet devait être finalisé en 2030 avec une première phase en 2022, comprenant une partie de la première ligne de tram, avec cinq lignes de bus. Systra mène des études.
Les Français à fond sur les énergies renouvelables
Un des secteurs les plus dynamiques à l’heure actuelle est l’énergie. L’objectif de Slim Feriani étant de parvenir à un taux de 30 % d’énergie renouvelable, le ministre de l’Industrie, de l’énergie et des PME a fixé à 1 900 Mégawatts (MW) la première phase d’un programme de 3 500 MW au total.
Des appels d’offres ont été lancés et les résultats devraient être connus dans quelques semaines. « Nous avons constitué une short lis de 1 000 MW, 50 % dans le solaire, 50 % dans l’éolien », a dévoilé le ministre. Pour le solaire, il y aurait 16 soumissionnaires, dont cinq Français. S’agissant de l’éolien, ils seraient 12, dont cinq Français.
Parmi les projets suivis par l’AFD en Tunisie, l’installation de 400 000 compteurs intelligents dans le gouvernorat de Sfax bénéficie d’un financement de 120 millions d’euros. Ce projet de réseau intelligent électrique vise à limiter la demande d’énergie et à en renforcer l’efficacité.
François Pargny