Jérôme Frantz préside la Fédération des industries mécaniques (FIM) et dirige l’entreprise familiale Frantz Electrolyse, spécialiste du traitement de surface des métaux. Dans un entretien exclusif accordé au MOCI, il se déclare « partagé » au sujet de la régionalisation du commerce extérieur. Favorable à priori à la réforme de Nicole Bricq, il demande, néanmoins, à l’État un effort de « cohérence », qui se traduirait par un « pilotage administratif » par Ubifrance permettant d’assurer une bonne gestion des aides aux entreprises dans les régions.
Le Moci. Quelle est la position de la Fédération des industries mécaniques (FIM) sur la régionalisation du commerce extérieur ?
Jérôme Frantz. La Fédération est partagée. Nous-mêmes mettons en place des comités de la mécanique en région. Historiquement, le premier comité mécanique a été implanté en Franche-Comté en 1996. Sept autres comités ont ensuite été mis en place (Rhône-Alpes, Nord-Pas-de-Calais, Pays-de-la-Loire/Bretagne, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Franche-Comté, Ile-de-France, Alsace et Picardie). A la fin de l’année, nous atteindrons dix comités, ce qui nous permettra de couvrir toutes les grandes régions mécaniciennes. Ce dispositif est essentiel pour piloter et monter des actions collectives d’accompagnement au développement des entreprises.
La régionalisation est une nécessité et nous comprenons donc la politique de l’État quand il décide de se rapprocher des acteurs du terrain concernés par l’internationalisation de l’activité, qu’il s’agisse d’export ou d’implantation. Et si cette régionalisation s’accompagne d’une mise en commun des compétences de tous les acteurs, pourquoi pas ? Toutefois, pour que la régionalisation du commerce extérieur réussisse, il faut de la cohérence et je ne peux m’empêcher de penser qu’un risque existe, si l’on confie la totalité des pouvoirs en matière d’aide aux entreprises à des acteurs régionaux, notamment celui que des présidents de Région se fassent concurrence.
Le Moci. Comment parvenir à cette cohérence que vous évoquez ?
Jérôme Frantz. Par une centralisation de la politique industrielle du pays. Il faut qu’Ubifrance assure le pilotage administratif en cohésion avec le ministère du Commerce extérieur ou le ministère du Redressement productif.
« L’ambition de la Fédération est d’être un laboratoire au service de l’industrie »
Le Moci. Le comité mécanique en région est un acteur de plus. Comment sont-ils organisés ?
Jérôme Frantz. Il s’agit d’un guichet unique composé par la fédération et ses différents syndicats, le Cetim – Centre technique des industries mécaniques – voire un autre centre technique dans un métier spécifique comme le décolletage, l’UIMM – Union des industries et des métiers de la métallurgie – qui possède une assise régionale, les compagnies consulaires qui ont une compétence à l’international et parfois même les Régions comme dans les Pays de la Loire. L’ambition de la fédération est d’être un laboratoire au service de toute l’industrie. Ainsi, dans notre esprit, ces comités pilotés par la FIM doivent devenir des comités du GFI ou Groupe des fédérations industrielles, comme c’est déjà le cas dans le Nord-Pas-de-Calais et en Bretagne. Ces deux comités GFI sont déjà bien identifiés par les pouvoirs
publics locaux.
Le Moci. Le Conseil national de l’industrie (CNI) travaille sur différentes filières industrielles, comme l’agroalimentaire qui va bénéficier d’un guichet unique au sein de la Banque publique d’investissement (BPI). La mécanique est la grande oubliée…
Jérôme Frantz. Nous ne sommes pas oubliés, mais contrairement à l’agroalimentaire et à d’autres secteurs, la mécanique est transversale. A ce titre, elle intervient dans toutes les filières. C’est par exemple la mécanique qui fournit à l’industrie agroalimentaire ses fours, ses machines d’emballage, ses pompes, mélangeurs qui vont lui servir elle-même à produire. La mécanique n’est donc pas identifiée comme une filière mais intervient dans toutes les filières, de l’aéronautique à la santé, en passant par les chantiers navals et l’automobile.
C’est pourquoi il est très important que d’ici trois à quatre ans tous les dispositifs tels que les comités mécaniques en région soient bien identifiés des interlocuteurs locaux. S’ils sont agréés, alors les comités deviendront des points de passage importants permettant notamment l’insertion de la mécanique dans les filières autant dans les aspects innovation qu’internationalisation. Pour nos professions, ils doivent devenir des guichets uniques. Les comités doivent ainsi favoriser la création d’un tissu mécanicien, aider les entreprises à structurer leur offre et à répondre à des projets industriels que seules elles n’ont pas la capacité de réaliser.
« Il faut qu’on se batte sur ce qui fait notre différence…l’amour du métier et la passion »
Le MOCI. Que faut-il pour changer l’image de la mécanique, la rajeunir et valoriser vos métiers ?
Jérôme Frantz. J’essaie de mettre en avant deux idées, que j’ai soumises à la fois au GFI et auprès de l’équipe du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg. D’abord, valoriser les compétences et l’excellence de toutes les entreprises qui participent, dans la chaîne de valeur, à l’élaboration des meilleurs produits qui représentent la France dans le monde. Par exemple, la cuisine française a une formidable réputation, l’idée est de profiter de la perception de cette excellence pour valoriser les métiers de l’industrie qui interviennent en amont : ceux qui fabriquent les fours, les cuisines, ceux de toute la filière agroalimentaire qui fabriquent les produits de base, etc.
Le luxe et le vin nous paraissent aussi bien adaptés à une telle démarche, car ces deux secteurs portent l’image très positive de la France dans le monde. Il faudrait montrer tout les savoir-faire qui concourent à la réalisation par exemple d’un parfum : des chimistes aux verriers qui font le flacon et au traiteur de surface des métaux qui colore le bouchon.
Ensuite, en termes d’image, la qualité allemande sera toujours perçue comme meilleure, même si ce n’est pas toujours le cas. Je pense donc qu’il ne faut pas se battre sur ce terrain, mais sur ce qui fait notre différence, ce qui nous caractérise, c’est-à-dire l’amour du métier et la passion. Il y a chez les mécaniciens une vraie passion pour leurs produits et leurs machines. Il faut que l’on structure un argumentaire dans ce domaine avec l’État, les régions et les organisations professionnelles.
Propos recueillis par
François Pargny
