Toujours champion d’Europe des investissements directs étrangers, l’Hexagone a cependant perdu de son avance sur l’Allemagne et le Royaume-Uni. L’édition 2021 du rapport d’Ernst&Young sur l’attractivité de la France l’explique par sa dépendance plus marquée au marché européen.
Cocorico ! En 2020, avec 985 annonces d’investissements directs étrangers (IDE) enregistrées en 2020, la France demeure la première destination des IDE en Europe devant le Royaume-Uni (975) et l’Allemagne (930). Une bonne performance obtenue dans le contexte de la crise sanitaire mondiale, qui, comme dans d’autres pays européens, tient à la crédibilité du plan de relance économique.
44 % des dirigeants d’entreprises étrangères interrogés par E&Y jugent en effet le plan de relance français plus performant que celui de la plupart des autres pays. De même, le passage de l’impôt sur les sociétés à 25 % à compter de 2022 et la baisse programmée des impôts de production (20 milliards d’euros sur 2021 et 2022) sont bien accueillis par les investisseurs étrangers, souligne l’étude.
Cependant, à regarder de plus près, les chiffres sont moins enthousiastes. Le nombre de projets d’investissements d’entreprises étrangères, qui représentent un tiers du commerce extérieur tricolore et emploie 2,3 millions de personnes, a baissé de 18 % par rapport à 2019, soit une baisse plus importante que le Royaume-Uni (-12 %) et l’Allemagne qui, malgré une année qui a rebattu les cartes du commerce mondial, a vu ses IDE fléchir de seulement 4%.
Seulement 8 % des IDE proviennent de pays émergents
Hors conséquences de la crise sanitaire qui s’est emparé du monde il y a plus d’un an, comment expliquer cette perte de vitesse ?
Les analystes d’Ernst & Young expliquent ce décalage par une moindre attraction des investisseurs non-européens : « 60 % des projets ayant atterri en France sont européens (contre 41 % pour le Royaume-Uni). Seuls 8 % proviennent de pays émergents ou en développement, moins sévèrement touchés par la crise en 2020. En comparaison, 17 % des IDE viennent de pays en développement ou émergents au Royaume-Uni, et 25 % en Allemagne ».
En outre, le rapport estime que la carte fiscale, longtemps jouée par les gouvernements pour attirer les entreprises, devrait perdre de sa valeur : « Avec la réforme fiscale proposée par Joe Biden et notamment le projet d’impôt minimum sur les multinationales, le paramètre compétitivité-coût devrait toutefois être apprécié de manière différente par les investisseurs. Selon nos experts, la fiscalité des entreprises devrait être plus neutre dans les choix d’implantation ».
Pour autant, toute baisse d’impôt ne peut être perçue que comme un atout par un investisseur. Tout comme la stabilité des mesures mises en œuvre par l’État pour juguler les effets d’une pandémie mondiale qui traîne en longueur.
La transition verte : nouvelle attente des investisseurs
Pour rassurer les entreprises étrangères, les analystes d’Ernst & Young préconisent un « écosystème fiscal, réglementaire et normatif évolutif et incitatif qui favorise le développement des secteurs d’avenir, tels que la transition écologique ».
Les tensions sur les chaînes d’approvisionnement, le fret, l’organisation des entreprises présentes à l’international, leur culture de travail, la gestion des ressources humaines, les attentes des consommateurs… Cette crise a en effet changé la donne et mis sur le devant de la scène la nécessité d’enclencher une transition verte et de développer les secteurs et les entreprises qui la font vivre.
Ainsi, pour les dirigeants internationaux, les trois facteurs déterminants pour déclencher un projet d’investissement dans les trois prochaines années seront : « l’image de marque et le rayonnement international », « l’inclusion et les politiques sociales » et « les politiques environnementales ».
L’importance des questions environnementales auprès des investisseurs, des États et des consommateurs, s’accompagne d’une autre grande tendance : la réorganisation de la production.
Si l’étude d’Ernst&Young ne rapporte pas de vague de relocalisations en France, la question peut se poser. Est-il encore judicieux de produire à l’autre bout du monde dans le contexte actuel ? Un redéploiement du Made in France est-il possible ?
Il est peut-être trop tôt pour le dire. Quoiqu’il en soit, on peut se réjouir que les entreprises étrangères ont confiance en l’appareil productif tricolore : 34,6 % des projets d’IDE en 2020 concernaient des activités de production, dans la logistique et l’industrie.
Sophie Creusillet