Pour Bpifrance, la relance à l’export est bien partie et se traduit par une forte hausse de toutes ses activités export. Lors d’un entretien exclusif au Moci, Pedro Novo, directeur exécutif export, dévoile les principales tendances. Il annonce également sa volonté de continuer à mobiliser les PME et ETI françaises sur les opportunités à l’international, salue l’initiative du patronat français pour redynamiser la francophonie économique, et garde un cap solide sur l’Afrique.
Les exportations françaises ont connu un fort rebond au premier semestre, avec une progression de + 18,4 %. Et cette onde positive se propage jusque chez Bpifrance, dont les activités export sont reparties sur les chapeaux de roue depuis le début de l’année.
10 milliards d’euros de contrats déjà pris en garantie
A fin août, le niveau des prises en garantie en assurance-crédit export – produit phare pour le soutien au contrats commerciaux- dépasse déjà 10 milliards d’euros (Md EUR), en hausse de 121 % sur la même période de 2020 en volume et aussi 16 % en nombre de projets pris en garantie, soit un niveau bien supérieur aux années précédentes, selon les chiffres fournis par la direction export.
L’assurance prospection est sur la même dynamique avec 800 opérations signées à fin juillet, 100 de plus que l’année précédente à la même période. La nouvelle assurance prospection accompagnement pour les TPE monte en puissance : une centaine de contrats en cours d’instruction depuis son lancement, en début d’année, sur un objectif total de 150 sur l’année 2021.
Côté financement, le prêt croissance international, destiné à financer des dépenses immatérielles liées à une expansion internationale, a retrouvé des couleurs après une chute de près de 30 % de l’activité en 2020 : 350 M EUR de Prêts ont déjà été signés par Bpifrance à fin juillet pour plus de 300 bénéficiaires. Même tendance pour les cautions, qui enregistrent une croissance de 12 à 15% chaque mois, signe que les PME se sont remis à répondre à des appels d’offres internationaux.
« On enregistre un niveau d’activité historique depuis le début de l’année, on n’a d’ailleurs jamais connu de rebond aussi fort lors des dernières crises, on a déjà retrouvé et dépassé le niveau d’investissement d’avant crise, il avait fallu 7 à 8 ans lors de la dernière crise, se réjouit Pedro Novo, le directeur exécutif export de la banque publique. C’est évidemment le résultat de l’action décisive des pouvoirs publics pour soutenir l’économie dans cet épisode si particulier de crise sanitaire mais également le résultat de PME et ETI françaises qui sont arrivées dans cette crise sur bien des aspects avec une dynamique positive et ont maintenu leur confiance en jouant le jeu des plans de relance mis en force ».
Assurance prospection : 70 % du portefeuille renouvelés
L’Assurance prospection, qui bénéficie depuis l’an dernier d’une enveloppe budgétaire d’un milliard d’euros sur trois ans dans le cadre du volet export du plan de relance, reste le produit de soutien export phare pour les PME, qui a bénéficié de simplifications et d’une meilleure distribution sur le territoire ces dernières années. « Nous avons renouvelé 70 % du portefeuille depuis le transfert des garanties de Coface à Bpifrance et nous atteindrons cette année les 300 millions de contrats signés attendus » se félicite Pedro Novo.
Signe que de nombreuses PME ont décidé de renforcer leur présence sur les marchés étrangers, la nouvelle Garantie de projet international (GPI), qui permet de soutenir des investissements d’implantation, décolle à plein régime : 90 contrats signés à fin juillet, en hausse de 17 % par rapport à l’an dernier.
L’élargissement du champ d’application de la GPI à la zone Europe (elle était auparavant ouverte qu’aux pays tiers), ouverte en juillet dernier, devrait encore doper cette activité. « Nous avons beaucoup de projets en stock qui concernent des consolidations ou des investissements d’implantation ou d’acquisition » souligne Pedro Novo.
Un calendrier de rentrée sous le signe de la relance et de l’Afrique
La rentrée pour Bpifrance à l’export est donc sous le signe de la relance alors qu’une prolongation des mesures du volet export du plan de relance (chèque relance export, chèque V.I.E…) est sur la table, avec le soutien du Parlement.
L’heure est donc à la poursuite de la mobilisation des entreprises sur l’export. Après le succès du « BIG Tour » de l’été 2021 et ses 25 étapes à la rencontre de plus de 18 Millions de Français, tant en présentiel qu’en digital, dont plusieurs étapes avec des ministres ou le Président de la République lui-même à La Londe Les Maures (Jean-Yves Le Drian, Franck Riester, Agnes Pannier-Runacher, Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Michel Blanquer …), le gros rendez-vous de rentrée sera l’événement BIG (BPI Inno Génération) à Paris le 7 octobre.
La séquence sera à nouveau très africaine sur l’export, puisqu’en amont de BIG, où se rendront plusieurs délégations africaines, se tiendront les rencontres Ambition Africa de Business France les 5 et 6 octobre, avant le Sommet Afrique-France de Montpellier, le 8 octobre, pendant lequel une large place sera laissée au secteur privé et aux entrepreneurs de France et d’Afrique.
Parallèlement, Bpifrance et Business France ont commencé le recrutement des PME de la troisième promotion de l’accélérateur international avant de lancer une prochaine édition de l’accélérateur Afrique.
Surfer sur la vague de la francophonie économique
La banque publique devrait pouvoir surfer sur la nouvelle vague lancée dernièrement par le patronat français, avec l’initiative LaREF (La Rencontre des entrepreneurs francophones), organisée par le Medef à l’occasion de son université d’été, et qui a rempli l’Hippodrome de Longchamps de délégations de patrons venus d’une trentaine de pays de la galaxie francophone, Africains en tête.
Pedro Novo applaudit cette initiative venue du secteur privé, et qui devrait donner une nouvelle substance, davantage orientée sur l’entreprise, à la francophonie.
« J’y souscrit pleinement, c’est une excellente initiative car il n’y a pas eu depuis longtemps de véritable stratégie en matière de francophonie économique, contrairement à sa dimension culturelle, développe-t-il. Cela complète les approches en la matière trop souvent macro-économiques menées par les Institutions internationales d’une déclinaison micro-économique, avec des thématiques de culture des affaires, d’accès aux financements, de pratiques bancaires ».
L’Afrique, là encore, est en haut des radars : « la francophonie, avec l’Afrique qui constitue le plus important gisement de croissance des prochaines décennies, incarne une réalité économique et culturelle évidente jusqu’à présent pas assez mise en relief ou assumée, probablement du fait d’un passé sensible dont la mémoire n’exclue pourtant pas le désir renouvelé d’un destin commun », estime le directeur exécutif export de Bpifrance. Et pour lui, clairement, « le français doit devenir une langue des affaires décomplexée et revendiquée ».
Doubler l’impact de Proparco
Et Bpifrance compte bien y jouer son rôle, en commençant par faire mieux connaître ses financements export aux entrepreneurs africains.
« Après avoir intégré avec succès le paysage des financeurs de souverains et secteur public, naturels donneurs d’ordres et clients de nos entreprises exportatrice sur le continent africain, notre priorité, sans ambiguïté, c’est de faire connaître nos solutions aux acteurs privés de cet espace francophone, explique Pedro Novo. Trop d’entre eux, notamment sur le continent africain, ignorent qu’ils peuvent avoir accès à des financements attractifs que nous proposons en matière de crédit export, pour réaliser leurs investissements dès lors qu’ils nouent des partenariats avec des PME françaises »
La nouvelle dynamique de coopération et de synergie avec le groupe de l’Agence française de développement (AFD), notamment sa filiale dédiée au financement du secteur privé Proparco, devrait permettre de doper les soutiens aux investissements en Afrique.
« On se voit au cœur de cette ambition de nouveau récit voulu par le Président de la République et au côté des acteurs déjà en place, notamment en Afrique où Bpifrance pourrait rapidement compléter par exemple, le nombre de prêts directs aux entreprises que réalise Proparco en doublant cet impact », expose le directeur exécutif export.
A fin juillet, soit sur huit mois, Bpifrance avait déjà signé 20 accords de crédit export (crédits acheteurs, crédits fournisseurs) pour un montant de 200 millions d’euros. Le ticket d’entrée pour ses prêts est généralement plus faible que celui de Proparco, 1 millions d’euros contre 5 millions d’euros, et donc complémentaire. En année pleine, la filiale de l’AFD affiche entre 30 et 40 opérations de prêt direct aux entreprises pour un montant moyen annuel de 630 M EUR sur les 5 dernières années.
De quoi alimenter de nouveaux projets d’investissement privés pour les entrepreneurs africains et leurs partenaires français.
Christine Gilguy
