GTT (Gaztransport & Technigaz), belle ETI française de l’ingénierie spécialisée dans les systèmes de confinement à membranes pour le transport du Gaz naturel liquéfié (GNL), affronte depuis peu l’Autorité de la concurrence sud-coréenne, la KFTC (Korea Fair Trade Commission), qui vient de boucler une enquête sur ses pratiques commerciales. Avec en toile de fond un enjeu autour de la maîtrise de sa précieuse technologie.
L’affaire n’est pas banale alors que le transport du GNL est promis à un bel avenir dans le cadre des engagements climatiques mondiaux, ce carburant étant moins émetteur de CO2 que le pétrole. Dans ce contexte, cette technologie française présente un bel enjeu. La Corée du sud est leader mondial dans la construction navale, et abrite les trois principaux chantiers de méthaniers : DSME (Daewoo), HHI (Hyundai) et SHI (Samsung). GTT, un leader dans sa technologie, y réalise 80 % de ses contrats : que la KFTC s’y intéresse n’est donc pas anodin.
La KFTC s’est auto-saisie en 2016, date du début de son enquête, alors que GTT travaille avec les chantiers sud-coréens de plus longue date. Le verdict a été rendu récemment et annoncé par la KFTC dans un communiqué le 25 novembre, après une audition des responsables de GTT en octobre.
Selon un communiqué de GTT qui relate brièvement l’affaire, la KFTC « considère que certaines pratiques commerciales de l’entreprise française enfreignent les règles de la concurrence coréennes depuis 2016 et demande à GTT de permettre aux chantiers navals coréens qui en feraient la demande, d’effectuer tout ou partie des services d’assistance technique actuellement inclus dans la licence de technologie ». Elle inflige en outre une amende administrative d’environ 9,5 millions d’euros à l’entreprise française.
Concevoir et assister durant la construction
Concrètement, quelles pratiques commerciales sont-elles mises en cause par l’Autorité de la concurrence coréenne ?
Le fait que GTT intègre donc dans son offre la licence technologique et l’assistance technique pour la mettre en œuvre. Précisément, selon les compléments d’information fournis par GTT, les contrats que la société française signe avec ses clients sont des Technological assistance licence agreement (TALA), accords qui comportent un volet technologique et un volet assistance technique. C’est son mode opératoire sur le plan commercial et juridique depuis toujours.
La démarche est logique dans la mesure où cette activité fait appel à des savoir-faire ultra sophistiqués et techniques, et que la pépite de l’ingénierie française est le leader mondial de cette technologie de pointe que constituent les systèmes de confinement à membranes. Ces derniers ont le vent en poupe : les cuves des méthaniers équipés de ce système permettent un transport plus sûr en soute, à – 70 degrés, avec moins de risque d’évaporation de gaz, que la technologie concurrente de Moss et ses sphères montées sur les navires.
Lorsqu’elle signe avec un chantier, GTT vend donc à la fois la conception des cuves grâce à sa technologie, que réalisent ses ingénieurs à Paris, et, sans frais supplémentaires selon elle, l’assistance technique nécessaire sur place pour la mettre en œuvre lors de la phase de construction. Au cours de l’enquête, armateurs et affréteurs de méthaniers auraient d’ailleurs validé la démarche de GTT auprès de la KFTC.
GTT fera appel
« La licence de technologie et l’assistance technique constituent une prestation indissociable, garante de l’intégrité de ses technologies, dont la séparation pourrait être préjudiciable à l’ensemble de l’industrie des méthaniers » insiste GTT dans son communiqué. Elle précise qu’elle « conteste les fondements de cette décision et, à réception de la décision écrite, en fera appel, avec une demande d’effet suspensif, auprès du tribunal compétent de Séoul (High Court) ».
Son P-dg Philippe Berterottière confirme sa détermination : « Nous sommes convaincus que nos pratiques commerciales sont conformes aux règles de la concurrence coréennes et que la structuration de notre offre, qui contribue depuis des décennies au développement sécurisé du transport maritime de GNL, permet de fournir à nos partenaires chantiers navals des technologies toujours plus sûres, innovantes et performantes, au bénéfice de l’industrie tout entière.»
La société, qui est cotée au SBF 120 et est en forte croissance avec un chiffre d’affaires de 306 millions d’euros sur les neuf premiers mois de l’année 2020, en hausse de plus de 53 % sur 2019, indique ne pas anticiper d’impact financier ou industriel significatif à court ou moyen terme. « Selon les conclusions de la procédure d’appel, elle en réévaluera les conséquences sur ses activités » souligne-t-elle dans un communiqué.
A suivre…
C.G.