Première région de France en termes de commerce extérieur, la région capitale a un rôle particulier à jouer pour atteindre l’objectif national des 200 000 exportateurs fixé par le gouvernement à l’horizon 2030, puisque seulement 10 % de ses entreprises exportent. Alors que l’événement annuel de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Île-de-France (CCI Paris Î-d-F) « Faites de l’international » bat son plein, son président Dominique Restino, explique comment la Team France Export (TFE) régionale se met en ordre de marche.
Le Moci. L’Île de France représente un tiers du PIB de France. Quelle part le commerce extérieur, et notamment l’export, prend-elle dans cette performance ?
Dominique Restino. Cette part est importante et plutôt dynamique. Nous sommes bien sûr en tête des régions exportatrices. Quelques chiffres concernant les échanges de biens : sur un an glissant entre fin juin 2022 et fin juin 2023, les exportations de la Région représentent 25 % du total national, les départements les plus exportateurs étant Paris, les Hauts-de-Seine et le Val d’Oise. Si au niveau national, les exportations ont progressé de 15 % durant cette période, à 587 milliards d’euros, la hausse a été de + 28 % pour l’Île-de-France, à 147 milliards.
10 % des entreprises franciliennes exportent mais une donnée intéressante montre qu’il y a une certaine concentration de cette activité au sein des grosses PME et ETI : ce sont les entreprises de plus de 250 salariés, soit 5 % du total, qui assurent 70 % des exportations en valeur. Mais le dynamisme se vérifie aussi dans l’évolution du nombre de ces exportateurs : hors services, il a augmenté de +13 % depuis 2019, soit au même niveau que la progression nationale (+ 14 %). Les exportateurs étaient 37 000 en 2019 en Île-de-France, ils sont 41 000 en 2022. Au niveau national, les opérateurs étaient 129 000 au niveau national en 2019, et 147 000 en 2022. L’objectif fixé par Olivier Becht, le ministre en charge du Commerce extérieur, dans son plan « Osez l’export » est 200 000 en 2030.
« Le principe de la Team France Export (TFE) est un très bon principe »
Le Moci. L’appareil exportateur francilien est en forme. Mais ne subit-il pas les effets du ralentissement général de la croissance que l’on ressent aujourd’hui ?
Dominique Restino. S’il y a une tension, une inquiétude, elle est récente. Elle ne se voyait pas dans les données recueillies auprès des chefs d’entreprises que nous avions jusqu’à présent.
Le Moci. Pour la Team France Export (TFE) francilienne, dont la CCIP I-d-F est un des piliers avec Business France, Bpifrance et la Région, c’est plutôt une bonne nouvelle…
Dominique Restino. Le principe de la Team France Export (TFE) est un très bon principe, c’est ce qui permet de travailler mieux ensemble au service des entreprises et au service de l’exportation. Il faut saluer cette démarche de la TFE.
C’est facile pour moi de dire cela, l’Île-de-France a retrouvé sa place de leader, nous avons de très bons résultats, même si c’est perfectible et que nous allons toujours chercher à progresser. Mais en même temps, nous venons de recruter de nouveaux collaborateurs car nous sentons qu’il y a un potentiel de croissance. Nous allons le vérifier. Comme je l’indiquais, le ministre a fixé un objectif de 200 000 exportateurs en 2030, on essaye de se mettre en ordre de marche pour atteindre cet objectif.
Le Moci. Combien de recrutements sur la TFE francilienne précisément ?
Dominique Restino. Deux collaborateurs supplémentaires. Entre la CCIP I-d-F et Business France, nous avons un effectif de conseillers TFE qui va passer de 24 à 26 collaborateurs, dont 7 pour Business France et 19 pour la CCI. Cette équipe, qui partage les mêmes bureaux à la CCI, est placées sous la supervision de notre directeur général adjoint en charge de l’international, Pierre Mongrué.
« Environ 8000 PME et TPE sont suivies par nos conseillers »
Le Moci. Et quel est le bilan de la TFE francilienne en termes d’accompagnement des PME ?
Dominique Restino. Environ 8000 PME et TPE sont suivies par nos conseillers depuis le commencement de la TFE et nous en accompagnons environ un millier par an. Je précise que d’après les enquêtes de satisfaction, leur taux de satisfaction est de 87 %.
Le Moci. La Région Île-de-France est l’une des dernières à avoir signé une convention avec la TFE, en novembre 2022. Entre le dispositif national et les programmes de la Région, comment s’organisent les aides à l’export pour les entreprises franciliennes ?
Dominique Restino. Cette convention prévoit que la Région joue un rôle renforcé dans le pilotage de l’ensemble du dispositif avec des réunions régulières qui incluent les représentants de la la CCI, les représentants régionaux de Bpifrance, les CCEF, la douane, tous les acteurs qui sont soit le cœur de la TFE, soit ses partenaires.
En termes d’accompagnement des PME et de subventions, tous les programmes « Up » du conseil régional destinés à faire croître les entreprises se poursuivent, intégrant des volets sur l’international.
Parmi les nouveautés, un nouveau programme est déjà en route et marche très bien : la participation subventionnée de PME à des délégations d’élus à l’étranger organisées par le Conseil régional, dans le cadre d’un programme qui nous a été confié en tant qu’opérateur. Nous avons déjà fait quatre de ces missions en Australie, au Sénégal, au Québec et, tout dernièrement début novembre, au Japon. Cette dernière mission est exemplaire avec la participation de la présidente du conseil régional Valérie Pécresse, la vice-président Alexandra Dublanche qui préside l’agence d’attractivité Paris Choose Région, bien-sûr la CCI et la TFE. Quatorze PME accompagnées par la TFE ont participé à cette dernière mission avec un programme spécifique de rendez-vous BtoB.
Enfin, on travaille avec la Région pour mettre en place de nouveaux financements dédiés au soutien à l’export, mais ce n’est pas encore d’actualité.
Le Moci. Toujours pas de financement dédié du Volontariat international en entreprise, comme cela se fait dans d’autres Régions ?
Dominique Restino. Non.
Le Moci. Donc pas de ticket à attendre de la région pour le nouveau dispositif VTE export (Volontariat territorial en entreprise) introduit par le plan Osez l’export ?
Dominique Restino. C’est une mesure très récente, nous n’avons pas encore interrogé la Région sur ce sujet. Mais ses priorités budgétaires actuelles sont plutôt orientées sur le financement transports et les lycées. Quoiqu’il en soit, la subvention de l’Etat au VIE est déjà très conséquente.
«L’international est un vecteur de croissance »
Le Moci. Vous êtes vous-même chef d’entreprise. L’appareil exportateur francilien est conséquent, mais encore beaucoup d’entreprises n’exportent pas. L’un des objectifs du plan export, outre d’atteindre 200 000 exportateurs en 2030, est justement d’augmenter le « réflexe » export. Qu’en pensez-vous ?
Dominique Restino. Depuis 20 ans, je prône le fait de faire grandir les entreprises et les entrepreneurs, notamment avec le mentorat. Aujourd’hui, on se rend compte que celles et ceux qui font de la croissance le font très souvent avec du développement à l’international. L’international est un vecteur de croissance, c’est comme cela qu’il faut le penser.
Concernant la situation francilienne : est-ce suffisant ? Evidemment non. Faut-il renforcer ? Evidemment oui. Faut-il mettre davantage de moyen et de focalisation ? Il me semble que oui, car c’est comme cela que l’on peut obtenir des percées et créer une certaine dynamique.
L’enjeu en Île-de-France, c’est d’atteindre les 50 000 exportateurs d’ici 2030, 9000 de plus qu’actuellement, c’est jouable. Nous allons davantage travailler à la sensibilisation des entreprises, y compris celles qui se créent et on du potentiel dans ce domaine. C’est tout une acculturation qu’il faut faire pour que les entrepreneurs acquièrent ce réflexe export.
Le Moci. Quelles mesures du plan export vous intéressent plus particulièrement ?
Dominique Restino. Sur les treize, toutes nous paraissent intéressantes, que ce soit le VTE, le volet international de France 2030, l’augmentation des subventions à la participation aux salons, l’organisation de visites d’acheteurs étrangers sur les salons étrangers, la création de l’académie… La CCIP I-d-F est en première ligne avec deux importants volets de ses activités : le volet éducatif avec les 14 établissements dont elle est actionnaire (HEC, ESCP, Gobelins, Ferrandi…) et leurs 75 000 étudiants ; et le volet congrès et salons avec Viparis et Comexposium. Concernant la formation, par exemple nous allons recenser toute l’offre intéressant l’international pour la faire connaître sur la plateforme de l’académie. Concernant les Congrès et salon, nous pourrons participer à l’organisation des programmes d’acheteurs étrangers.
Le Moci-Et concernant la TFE, comment vous mettez-vous en ordre de marche ?
Dominique Restino. J’ai déjà mentionné le fait que nous allons nous focaliser sur la sensibilisation, l’acculturation des entreprises aux opportunités de l’export. Notre événement annuel « Faites de l’International » à destination des PME et TPE, qui se décline dans tous les départements, fait partie des nombreuses actions que nous menons dans cet objectif.
Un autre volet qui est au cœur de notre mission au sein de la TFE, c’est la préparation des entreprises en vue de les projeter hors des frontières : l’international, c’est quelque chose qui se prépare avec l’entreprise, un travail de fond. La préparation, c’est 80 % de la réussite d’un projet !
J’ai déjà évoqué les nouvelles missions internationales de la Région, auxquelles nous préparons les entreprises. Nous préparons également un nouveau programme d’accompagnement « Road To export », un « Booster » que nous comptons lancer début 2024. Il consiste à aider l’entreprise à structurer sa stratégie et son business plan. Par ailleurs, depuis quelques mois, nous aidons les PME à monter leur dossier dossier de demande d’assurance-prospection auprès de Bpifrance. Au cours de la phase de test, nous avons ainsi traité 15 dossiers en 6 mois, tous ayant abouti à un avis favorable. Bpifrance apprécie d’ailleurs beaucoup ce travail de « filtrage ».
Propos recueillis
par Christine Gilguy