Face au blocage résultant du bras de fer entre le gouvernement d´Alassane Ouattara, reconnu président ivoirien par la communauté internationale depuis la présidentielle du 28 novembre, et le président sortant Laurent Gbagbo, les PME françaises présentes en Côte d’Ivoire se trouvent dans une situation de plus en plus difficile. Depuis la fermeture des banques étrangères et notamment des deux grandes banques françaises BNP Paribas et Société générale, « il n´y a plus de liquidités, on ne peut plus travailler », s´indigne Michel Tizon, président de la Chambre de commerce et d´industrie française en Côte d´Ivoire (CCIFCI) interrogé aujourd’hui au téléphone par Le Moci. « C´est une véritable économie de guerre et nous qui ne disposons plus de liquidités sommes obligés de revenir au troc », poursuit-il.
Il ne s’agit cependant pas pour Michel Tizon d’abandonner le terrain. « Les nombreux chefs de PME ont tous leurs avoirs ici, on ne va pas partir, on vit ici. (…) Ceux qui ont quitté la Côte d’Ivoire sont essentiellement des expatriés de grands groupes comme Total qui menaient bon train en Côte d´Ivoire. Alors que nous, nous sommes assimilés aux Ivoiriens », poursuit Michel Tizon. Selon un sondage réalisé début février par la CCIFCI, juste avant la fermeture des banques, 73 % des expatriés travaillant dans les entreprises sont encore en Côte d’Ivoire, contre 60 % en décembre, et le nombre de chefs d’entreprises présents reste constant à 88 %.
En tant que chef d´entreprise d’Afrique chimie pour industries et collectivités (ACIC), Michel Tizon s´inquiète de la situation. « Les banques sont parties avec nos deniers, on va être obligés de licencier et de mettre au chômage technique nos employés. » Selon lui, ceux qui profitent de cette situation finalement, ce sont les pays voisins. « Le Mali, le Burkina, la Guinée, et le Ghana ont des liquidités en franc CFA, ce qui leur permet d’acheter du matériel et des denrées à bas prix et en informel », affirme t-il.
Le bras de fer entre Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo continue de peser lourdement sur l’économie du pays. Le gouvernement d’Alassane Ouattara a annoncé le 22 février la prolongation jusqu´au 15 mars de son interdiction des exportations de cacao, un moyen de pression pour épuiser les ressources du régime de Laurent Gbagbo. Cette mesure avait été instaurée le 24 janvier et a été respectée par les grands négociants et chocolatiers. Elle a abouti à faire grimper les cours du cacao. Ceux-ci ont atteint hier leur plus haut niveau depuis 32 ans : la tonne de cacao pour livraison en mars a atteint hier 3,666 dollars. Pour Michel Tizon, cela ne concerne pas les entreprises françaises, car 90 % de la production est destinée aux Américains et Hollandais. « Les Français sont loin d’être majoritaires dans la filière en Côte d’Ivoire, c´est une affaire ivoiro-ivoirienne, on a tort de s´en mêler ».
De son côté, Laurent Gbagbo a riposté à la fermeture des banques. Il espère remettre sur pied le système bancaire ivoirien en nationalisant la Banque internationale pour le commerce et l´industrie en Côte d´Ivoire (Bicici), filiale de la BNP, et la Société générale de banque de Côte d´Ivoire (SGBCI), filiale de la Société générale. Selon le site Jeune Afrique.com, en s´appuyant sur le personnel ivoirien de ces institutions financières, notamment les informaticiens, le ministre du Budget Katina Koné souhaite une réouverture au public de la Bicici et de la SGBCI « d´ici la fin de la semaine ». Le système financier du pays est quasiment à l´arrêt depuis que Laurent Gbagbo s’est vu retirer la signature du compte de la Côte d’Ivoire à la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). L´enjeu politique est grand : le salaire des fonctionnaires, s´il n´est pas versé fin février, pourrait déstabiliser Laurent Gbagbo.
Alix Cauchoix