📌L’essentiel : Qista, PME des Bouches-du-Rhône, a développé des bornes anti-moustiques, alternatives aux insecticides chimiques. Son produit, innovant, séduit à l’international, en particulier dans les pays les plus exposés aux moustiques. Mais avec des moyens dimensionnés à l’échelle d’une entreprise de 60 salariés, elle a commencé par exporter par opportunisme, avant de construire pas à pas un réseau de distributeurs et de muscler son organisation interne pour installer sa croissance internationale dans la durée.
🔑Les clés du succès :
–Un produit innovant sur le marché porteur de la lutte anti-moustique
–Avoir su saisir des opportunités de commercialisation export et validé ainsi son potentiel sur les marchés étrangers
–S’être doté d’une stratégie de développement international volontariste mais prudente s’appuyant sur des compétences dédiées et des outils juridiques appropriés
Temps de lecture : 6 mn
L’HISTOIRE
Un produit innovant ayant acquis une notoriété en France
Créée en 2014 par Pierre Bellagambi (notre photo en couverture) à Sénas, dans les Bouches-du-Rhône, Qista commercialise des bornes anti-moustiques présentées comme une alternative à la démoustication traditionnelle chimique.

Cette technologie, brevetée et récompensée au CES de Las Vegas en 2018 mérite qu’on s’y arrête : elle reproduit la présence humaine via la dispersion de dioxyde de carbone recyclé imitant la respiration humaine, associée à un leurre olfactif reproduisant l’odeur corporelle. Attirée à proximité, le moustique femelle est aspiré dans la borne et détruite. Le tout, sans insecticide donc, et en épargnant à 99 % les autres insectes.
En parallèle, Qista a développé des outils de monitoring permettant de quantifier le nombre de moustiques piégés et de déterminer les espèces présentes dans les environs. Des données précieuses pour les autorités locales, en matière de suivi et de prévention sanitaire. La PME a déjà vendu quelque 14 000 bornes, installées dans 36 territoires géographiques (incluant plusieurs DOM-TOM, français donc).
Positionnée sur un marché porteur, tiré par un réchauffement climatique favorisant la croissance des populations des différentes espèces de moustiques, Qista a doublé, chaque année, son chiffre d’affaires sur les trois dernières années. Celui-ci a atteint 7 millions d’euros en 2024, dont près de 30 % à l’export désormais. Qista estime qu’à horizon 2028, son chiffre d’affaires devrait dépasser les 15 millions d’euros, dont 70 % seront réalisés hors de France.
Des jackpots au bout d’opportunités

Initialement, la priorité de Pierre Bellagambi était plutôt centrée sur la France. Mais les opportunités export n’ont pas tardé à se présenter d’elles-mêmes avec, pour certaines, des petits jackpots à la clé. Stéfania Juan, la responsable du service export de Qista (ci-contre), fourmille d’exemples.
C’est l’histoire de ce partenariat exclusif conclu en 2024 avec le groupe émirien Al Kharyyat Investment (AKI) aux Émirats Arabes Unis (EAU), qui lui a, d’emblée signé une commande ferme de 520 bornes anti-moustiques pour des hôtels et sites touristiques locaux. La PME n’avait alors procédé à aucune démarche de prospection en ce sens, c’est un salarié d’AKI qui a fait les présentations… Celui-ci connaissait Qista pour lui avoir acheté une borne quelque temps auparavant afin d’équiper une maison lui appartenant en France.
Le partenariat avec ce distributeur s’est avéré extrêmement porteur puisqu’ensemble, Qista et AKI ont déjà vendu 720 bornes (appel d’offres concernant Abou Dabhi au lancement de la collaboration pour 520 machines auquel s’ajoute un appel d’offres concernant la ville d’Al Aïn pour 200 bornes). Une équipe de Qista s’est rendu sur place pour former les techniciens du distributeur et les partenaires installateurs de celui-ci.
De fil en aiguille, les bases d’un réseau de distribution
Quelques années plus tôt, c’est aussi sa notoriété dans l’Hexagone qui lui avait permis de signer avec son premier distributeur, un partenaire local en recherche d’une solution de démoustication. C’était à la Réunion, en 2018. Et rebelote, aux Baléares et en Espagne, en 2023. « C’est un utilisateur final qui avait déjà acheté la machine pour son compte personnel, il était alors en phase de reconversion professionnelle et a estimé que la distribution de notre borne, dont il était très satisfait, pouvait constituer une nouvelle voie pour lui », raconte Stéfania Juan.

Début 2024, Qista a validé un autre partenariat de distribution, en Suisse cette fois. « Là encore, c’est notre notoriété française qui nous a permis de signer avec ces distributeurs. Ce sont plutôt eux qui sont venus à nous », confie la responsable export.
A la Réunion (2018), l’Angola (2023), la Suisse (2024), l’Espagne (2023), les Émirats Arabes-Unis (2024), la PME vient d’ajouter à sa liste de territoires couverts par un distributeur local Saint-Barthélemy et Saint-Martin dans les Caraïbes. Encore une fois, grâce à un client particulier intéressé par une installation de la borne Qista à son domicile. « Ce client avait déjà une activité autour de l’IT, il est implanté depuis 20 ans sur la zone. De fil en aiguille, nous en sommes arrivés ensemble à nous dire qu’il pourrait distribuer nos produits sur place », explique Stefania Juan.
Qista compte donc désormais six distributeurs, de bonnes bases pour s’installer durablement hors des frontières.
Des ventes directes, y compris via des appels d’offres
La PME ne néglige aucune opportunité. En parallèle de ce réseau de distributeurs locaux en construction, Qista commercialise également ses bornes à l’étranger via des ventes directes à des particuliers ou des entreprises ainsi que via des appels d’offres de gouvernements et autorités sanitaires locales.
Quelque 80 machines ont ainsi été vendues en direct pour équiper des résidences royales sur le continent africain. Citons encore cette collaboration grandissante avec le Club Med, notamment en Asie, où Qista a fourni des bornes pour des villages vacances à Bali, en Indonésie, ou encore en Thaïlande.
C’est encore ce projet financé par un Fasep -du nom d’un programme du Trésor français visant à financer des démonstrateurs et étude de faisabilité à l’export- décroché en 2020 au Sénégal pour l’installation de 104 machines dans un village infesté de moustiques. Avec son distributeur, Qista s’est positionnée sur un autre Fasep d’envergure, en Angola cette fois. « Au-delà du chiffre d’affaires, il est important pour nous de lutter dans ces pays contre le paludisme, la dengue etc., tient à souligner Stefania Juan. Le moustique véhicule des maladies graves ».
Vigilance contractuelle

Le développement de son réseau de distributeurs construit jusqu’ici plutôt sur des « demandes entrantes », n’oblitère pas Qista d’une vigilance pointue sur la qualité de ses partenaires. « Plusieurs des partenaires opèrent déjà sur des activités en lien avec les nuisibles. Ils sauront assurer notre notoriété sur leur territoire », précise la responsable export.
Côté juridique, celle-ci travaille dans un cadre bien défini. Elle s’appuie sur un contrat type, construit avec l’aide d’un cabinet spécialisé, permettant de verrouiller juridiquement la relation.
Ce contrat type, elle le décline en deux versions principales : une pour les contrats B2B et une autre pour les commandes publiques. Dans ce dernier cas de figure, le contrat prévoit par exemple un paiement de Qista par son distributeur à hauteur de 70 % à la commande et 30 % un mois après la livraison.
« Nous avons réfléchi à ces modalités, nous avons envisagé de les modifier. Car pour une PME comme nous, ces 30 % réglés un mois après la livraison, cela peut être lourd pour des commandes importantes de plusieurs centaines de machines. Nous avons pris conseil auprès de nos banques, de la BPI et de notre actionnaire : nous avons finalement décidé de rester sur ce modèle pour le moment », détaille Stefania Juan.
Fixer des priorités stratégiques
Qista veut désormais ouvrir une page plus volontariste et structurée de son parcours international. En s’appuyant, prioritairement pour le moment, sur des distributeurs. « Nous disposons du budget d’une PME, explique la responsable export. Dans ces conditions, pour nous développer à l’international, le recours aux distributeurs est très pertinent. Cela nous permettra d’aller beaucoup plus vite. Les distributeurs locaux connaissent leur marché, les contraintes réglementaires, etc ».
L’idée, désormais, est de cibler les priorités d’implantations de façon plus stratégique. « Nous allons mener des opérations de prospection locale, selon notre stratégie propre » confirme Stefania Juan.
Dans la ligne de mire 2025 : les pays scandinaves et les pays du Golfe. Un commercial, en cours de recrutement, sera chargé prochainement des pays scandinaves pour une prospection tournée vers des distributeurs et les professionnels du tourisme en tant que clients finaux. « Nous travaillons à cibler les bons salons sur place », glisse Stefania Juan.
Autre priorité : le continent américain. Avec des enjeux majeurs pour la PME, qui confie avoir déjà équipé aux États-Unis la résidence d’une personnalité politique très importante. En revanche, les perspectives de réussite seront probablement concrétisées à des échéances plus lointaines que sur les pays scandinaves et les pays du Golfe.
« Bien que nos produits ne soient pas toxiques, ils sont catégorisés avec les pesticides puisque nous tuons l’insecte, explique la responsable export. Nous avons démarré une procédure d’homologation au Canada mais les lobbys locaux de la démoustication traditionnelle sont très présents. Nous espérons aboutir en 2026 ou 2027 ». Dans cette démarche, Qista se fait accompagner par un cabinet d’avocats canadien spécialisé.
Le travail est également entamé aux États-Unis. L’objectif serait d’ouvrir, à terme, une filiale au Canada ou aux États-Unis avec, éventuellement, une unité d’assemblage sur place pour approvisionner le continent américain. « Cela permettrait d’éviter des droits de douane, notamment en Amérique du Sud où le pouvoir d’achat est plus faible et où ces droits de douane nous font perdre des marchés ».
L’appui d’un actionnaire ambassadeur
Qista peut s’appuyer sur un soutien de poids dans ce projet de croissance internationale à petits pas : son actionnaire principal depuis 2023 est en effet Thierry Dassault, via TDH, sa société d’investissement. « Cet actionnariat nous apporte indiscutablement une crédibilité à l’international. Les interlocuteurs sont rassurés, même si Qista est une petite entreprise », raconte Stefania Juan.
Dans l’opérationnel aussi, Thierry Dassault constitue aussi visiblement un allié précieux. « C’est un excellent ambassadeur pour nous, il nous met en avant dans tous ses déplacements, dans ses réseaux, etc. ». Sans compter, les mises en relation avec des professionnels bien ciblés. Par exemple, dernièrement, avec le cabinet d’avocats canadien accompagnant Qista dans sa démarche d’homologation.
Structuration d’un service export
Pour atteindre ses objectifs à l’international, Qista structure en parallèle son service export. Créé il y a 6 ans, et composé jusqu’à peu de trois personnes (dont deux alternants), il va désormais se renforcer avec le recrutement d’un commercial parlant anglais et allemand et d’une assistante pour l’administration des ventes.
Car en plus de la partie développement/ventes, le service export se charge des aspects réglementaires et de la logistique. Il vient en revanche de se décharger des questions d’homologation, désormais confiées à un tout nouveau pôle R&D.
📖✨🧠Les leçons
- Qista a su être à l’écoute des demandes et sollicitations entrantes de potentiels partenaires distributeurs
- La PME a capitalisé sur son innovation et la qualité de son offre. Sa notoriété solide en France lui a permis de toucher, sans prospection, des partenaires étrangers attirés par la performance des produits et d’installer sa croissance à l’international.
- L’appui de l’actionnaire de Qista, Thierry Dassault Holding, est déterminant dans le développement de la PME à long terme : crédibilité, réseaux, connaissances etc. Lors d’une levée de fonds, l’apport de l’actionnaire, autre que financier, doit être examiné en détail.
Stéphanie Gallo