Il y a bel et bien un marché pour l’automobile en Inde. Mais il n’est pas facile, y compris pour les constructeurs locaux. Ce secteur est emblématique de la nécessité de s’adapter au marché, et non l’inverse…
Les bons chiffres de la Society of Indian Automobile Manufacturers (SIAM) sont là : lors de l’exercice fiscal en cours (mars 2010-mars 2011), l’industrie automobile indienne devrait progresser de 25 % à 35 % dans un pays où seulement 8 habitants sur 1 000 disposent d’une voiture (production : 2,1 millions d’unités prévues en 2011). Un cabinet indien, JD Power, estimait, mi-mars dernier, que l’Inde deviendrait le troisième marché mondial de l’automobile particulière en 2020, avec une production de 9,3 millions d’unités.
En attendant, s’adapter à un marché aux attentes complexes, sans céder aux mirages de la « classe moyenne indienne », relève de la gageure pour les constructeurs. À commencer par les Indiens. C’est le cas de Tata, plutôt un poids lourd dans les bus et les camions, qui s’est laissé piéger avec sa Nano. Début décembre 2010, seules 71 300 unités étaient vendues alors que la voiture est disponible depuis un an et demi et qu’un rythme annuel de 250 000 était prévu dès 2010. A la suite d’une série d’imprévus (dont le transfert du projet d’usine du Bengale au Gujarat suite au refus des paysans locaux de céder leurs terres, mais aussi à la hausse du coût des matières premières), le produit, vendu actuellement au prix de base de 3 342 dollars, est finalement trop cher pour les ménages modestes, et trop bas de gamme pour les ménages plus aisés. Du coup, Tata prévoit de développer une nouvelle automobile qui se situerait entre la Nano et le coupé Indica.
Les constructeurs français ont eu l’occasion de se frotter à ce marché difficile. À l’instar de Renault. Au départ, la firme française pensait dupliquer son modèle Logan en Inde en partenariat avec l’indien Mahindra & Mahindra. Or, la Logan s’est avéré être trop chère pour l’Inde, notamment depuis l’augmentation d’une taxation de 20 % sur les véhicules de plus de quatre mètres, introduite en 2009. Du coup, Renault a mis fin à son premier partenariat indien et a dû élaborer une nouvelle stratégie, multiforme, en s’appuyant cette fois sur Nissan. Sur une plate-forme industrielle commune avec son partenaire japonais, à Chennai, le constructeur envisage de lancer cinq petits modèles entre mi-2011 et mi-2013, estampillés Renault et vendus à prix « compétitif ». Les deux premiers seront le 4×4 Koleos et la Fluence. L’objectif de ventes en 2013 est de 75 000 véhicules. De son côté, Nissan a démarré sur le même site la production de sa Micra avec un objectif de production de 80 000 unités la première année et 400 000 vers 2014. En parallèle, Renault-Nissan travaille avec le spécialiste indien du deux-roues, Bajaj Auto, à la construction d’une voiture à bas coût qui serait lancée fin 2012. Enfin, Renault-Nissan et Daimler pourraient s’associer pour monter des Twingo dans l’usine de Chennai.
De son côté, Peugeot affiche son souhait de revenir en Inde, 20 ans après avoir jeté l’éponge une première fois. Il compte produire et commercialiser une automobile de milieu de gamme low cost destinée aux classes moyennes des pays émergents. Produite à partir de 2012 à Vigo (Espagne), elle le sera ensuite en Chine, puis en Inde. Ayant ouvert un siège à Mumbai, Peugeot négocie avec trois États (Gujarat, Andra Pradesh et Tamil Nadu) pour installer sa future usine, sachant que la marque souhaite cette fois-ci que ses équipementiers l’accompagnent sur son futur site. Peugeot n’exclut pas non plus de produire, sous une marque spécifique, une petite voiture à bas coût avec son partenaire chinois et de dupliquer ce modèle en Inde.
Les concurrents locaux et étrangers ne sont pas encore de taille à menacer la position dominante de l’alliance Maruti Suzuki, qui a l’avantage de proposer toute une gamme d’automobiles, depuis la petite Maruti Alto jusqu’à la luxueuse berline Maruti Kizashi lancée en janvier dernier. Hyundai Motor est le deuxième constructeur indien avec deux usines au Tamil Nadu et un centre de R&D à Hyderabad.
Jean-François Tournoud
Les équipementiers français suivent
Michelin veut prendre pied dans un marché en devenir. Il a signé un protocole d’accord avec l’Etat du Tamil Nadu pour construire une usine de pneumatiques, qui représentera un investissement d’environ 600 millions d’euros. À noter que Saint Gobain est très actif dans le pare-brise automobile avec une usine à Pune et une autre à Chennai, également au Tamil Nadu. Le monégasque Mecaplast s’est pour sa part installé en juin 2010 à Chennai. Sur le site du Mahindra World City, il est à proximité de Ford, Renault-Nissan, BMW, et Hyundai.