Exporter en Amérique du Nord, notamment aux États-Unis, devient un casse-tête. En cause, la dégradation du fret maritime et aérien transatlantique, liée au manque de capacités de transports et à la congestion des ports et aéroports. Quelles solutions ? Un point a été fait le 31 mars lors d’un webinaire par Ovrsea, commissionnaire de transport.
Ports et aéroports congestionnés, escales « sautées », navires et avions cargo saturés…Pour toute entreprise française ou européenne, exporter en Amérique du Nord, notamment aux États-Unis, relève du casse-tête et devient un véritable défi, tant le prix à payer est élevé pour le transport maritime ou aérien de ses marchandises et l’incertitude grande pour les livrer dans les meilleurs délais en raison d’une qualité de service dégradée.
En cause : la sous-capacité des moyens de fret maritime et aérien, qui a fait notamment exploser les taux de fret maritime, culminant aujourd’hui à 7 320 dollars (USD) le conteneur 40 pieds chez Hapag-Lloyd par exemple, ou à 6 200 USD chez CMA-CGM.
Explosion de la demande américaine
« Dans le maritime, la situation actuelle des lignes Europe- États-Unis est particulièrement difficile. Elle est liée à la congestion des principaux ports des côtes Est et Ouest américaines et à un nombre très insuffisant de porte-conteneurs pour répondre à l’explosion de la demande outre-Atlantique » a expliqué Jean De Lavernée, directeur des achats d’Ovrsea, commissionnaire de transport digital français.
Une situation qui résulte de la conjugaison à la fois du rattrapage du commerce et du trafic maritime transatlantiques, qui a chuté en 2020 pour cause de crise sanitaire, de la surchauffe des trafics sur les lignes Asie-États-Unis, où les compagnies maritimes ont placé une majorité de navires, et d’un pic de consommation des foyers américains (sédentarisés par la Covid-19).
Ce dernier a été favorisé par le Plan de relance du président Joe Biden qui octroie, entre autre, une aide jusqu’à 1400 USD par personne en fonction des revenus.
Réserver un mois et demi à l’avance du fret sur les porte-conteneurs
Dans un tel contexte, les exportateurs ont d’abord beaucoup de mal à trouver de la place sur les porte-conteneurs à destination des États-Unis.
« Les navires manquent tellement de place qu’on conseille d’anticiper et de réserver du fret un mois à un mois et demi à l’avance pour limiter les risques de retard et de surcoût. Les compagnies maritimes peuvent en effet demander de payer au cas par cas une surcharge de 1000 dollars en moyenne par conteneur pour passer en priorité ses réservations » a souligné Jean De Lavernée.
« Une autre solution est de séquencer ses exportations de marchandise en saucissonnant ses réservations d’un nombre restreint de conteneurs de façon à aider les compagnies à trouver de la place » a complété Brieuc André, directeur des opérations d’Ovrsea.
Enfin, l’alternative de changer de port de chargement ou de destination peut être aussi une piste à envisager en étroite concertation avec son commissionnaire de transport. « Mais il faut prendre en compte les omissions d’escales de navires qui accusent un énorme retard cumulé sur les rotations transatlantiques » a-t-il ajouté.
Attente de déchargement jusqu’à 8 jours dans certains ports américains
Les exportateurs sont également confrontés à la congestion à l’arrivée des principaux ports américains.
« Sur certains ports très embouteillés comme celui de Savannah, les navires à l’ancre sont en attente parfois jusqu’à 8 jours pour décharger la marchandise. Il faut ainsi compter en moyenne entre 25 et 30 jours pour le transport maritime du port de départ au port d’arrivée, contre 20 à 25 jours en situation normale de trafic » a illustré Jean De Lavernée.
Les autres ports américains de la côte Est, New-York, Charleston, Norfolk…n’échappent pas à la saturation mais à divers degrés en fonction de la période. « Les ports de la côte Ouest sont aussi très encombrés, comme celui de Los Angeles/ Long Beach où 25 navires attendent de décharger ou celui d’Oakland, proche de San Francisco, où 15 cargos sont souvent en attente. Dans ce cas, l’entreprise doit arbitrer son choix de destination portuaire avec son commissionnaire de transport » a-t-il suggéré.
Pour contourner le port de long Beach, il est également possible de choisir de décharger ses conteneurs à Houston et de les acheminer ensuite par rail et par route jusqu’en Californie. « Ce service est très efficace, mais très onéreux » a prévenu Jean De Lavernée.
Exporter au Canada est un peu plus facile. « Moins congestionnés que leurs homologues des États-Unis, les ports canadiens de Montréal, Toronto et Vancouver doivent néanmoins faire face à certaines périodes difficiles. Mais la principale menace est l’organisation des grèves du personnel portuaire, notamment à Montréal » a averti Brieuc André.
Situation tendue du fret aérien par manque de capacité
Face à ces difficultés portuaires, certains exportateurs se reportent sur le fret aérien. CMA-CGM a senti l’aubaine. La compagnie maritime s’est ainsi diversifiée dans le transport aérien et offre désormais des liaisons régulières entre Liège (Belgique) et les terminaux aéroportuaires de New-York JFK, Atlanta et Chicago.
« La situation du fret aérien en sous capacité reste cependant tendue, avec des avions cargo saturés, des taux de fret à des niveaux élevés, et des aéroports qui commencent à être congestionnés mais moins que leurs homologues maritimes » a relevé Jean De Lavernée.
Du coup, ce dernier conseille « d’anticiper également et de réserver le fret 10 jours à l’avance pour assurer le transport ». Les principales destinations sont les terminaux de New-York JFK, d’Atlanta, Miami, San Francisco, Seattle et Dallas.
« La situation dégradée du fret maritime et aérien transatlantique qui est amenée à durer devient la norme pour les exportateurs et les commissionnaires de transport qui n’ont d’autre choix que de s’y adapter » a-t-il conclu.
Bruno Mouly