L’Algérie agit sur le plan économique comme si la situation politique, après huit mois de manifestations populaires, il est vrai pacifiques, devait se normaliser. De fait, les signes d’ouverture s’additionnent.
Remise en cause de la règle 51/49, régissant l’investissement étranger (51 % d’intérêts locaux au minimum dans les projets communs et les joint-ventures), modernisation de la loi sur les hydrocarbures… Autant de projets favorables aux affaires, dont rêvaient les investisseurs internationaux sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika.
Nouvel homme fort de l’Algérie et artisan du départ du l’ex-président, le chef d’État major des Armées, Ahmed Gaïd Salah, donne l’impression de préparer déjà l’après-12 décembre, date retenue pour les prochaines élections présidentielles.
IDE : suppression ou démantèlement de la règle 51/49
Après l’adoption le 13 octobre, en conseil des ministres, du projet de Loi de Finances 2020, la loi devrait être signée le 30 décembre, mettant fin notamment au dogme du 51/49 qui rebutait tant les investisseurs internationaux.
Preuve que le pays attire toujours, malgré la persistance des contestations dans la rue – à laquelle s’ajoute aujourd’hui la grève des magistrats – un entrepreneur français nous confiait récemment qu’il attendrait prudemment le 30 décembre avant d’investir sur place.
Le ministre des Finances Mohamed Loukal a indiqué qu’un texte d’application de la Loi de Finances de 2020 devra définir la nomenclature des secteurs concernés par la suppression de la règle 51/49. Aujourd’hui, on ne sait pas encore s’il s’agira d’une abrogation pure et simple de la règle ou si on laissera juste la possibilité à un non Algérien d’être majoritaire – à 51 %, 70 %, 80 % ?
Quant aux secteurs, il est probable que l’armement et l’énergie, jugés stratégiques, ne seront pas concernés. Mais qu’en sera-t-il, par exemple, d’une société de nettoyage industriel ou d’une entreprise de climatisation opérant pour une compagnie d’énergie ? Ce type de question n’a pas encore trouvé de réponse officielle.
Code des hydrocarbures : faire revenir les investisseurs
Quant à la modernisation de la loi sur les hydrocarbures, l’État n’a pas trop le choix s’il veut rameuter des majors qui ont eu tendance à fuir le pays ces derniers temps.. Les conditions qui leurs sont offertes sont insuffisantes pour les retenir et la production, du coup, a plongé.
Réagir est d’autant plus indispensable pour le pouvoir, que le prix du baril depuis cinq ans s’est stabilisé autour de 60 dollars, alors le gouvernement aurait besoin du double. Dans les conditions actuelles, la Banque mondiale a prévu que « la croissance du PIB devrait ralentir à 1,3 % en 2019 », après 1,5 % en 2018 et 1,4 % l’année précédente.
S’agissant de la révision de la loi du 28 avril 2005 sur les hydrocarbures, trois types de contrat seront proposés :
–partage de production (les compagnies pétrolières apportent leur expertise technique, financière, exploitent et sont rémunérées) ;
–participation (partenaires à parts égales en termes d’obligations et d’investissements de la société nationale Sonatrach, les compagnies étrangères s’implantent sur place) ;
-et services à risques (la Sonatrach utilise une simple expertise extérieure pour exploiter des gisements difficiles ou optimiser la récupération de gisements matures).
Ralentir les importations pour réduire la facture
Parallèlement, une mesure technique, passée plutôt inaperçue, a été prise dans l’espoir de freiner les importations de l’Algérie.
Dans un courrier du 29 septembre, l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (Abef) explique que les importations de téléphones mobiles et de produits électroménagers en CKD/SKD (Complete Knock Down/Semi Knock Down) « doivent être effectuées en FOB (Free On Board) ». Les paiements cash seront proscrits au profit de paiements différés de 9 mois.
Les opérateurs devront aussi « recourir, en priorité, aux capacités nationales de transport maritime, chaque fois qu’un tel choix est possible ». Autrement dit, l’opérateur devra recourir aux services de la Compagne nationale algérienne de navigation (Cnam). La mesure sera élargie, « dans une seconde phase, à l’ensemble de nos importations au plus tard le 31 décembre 2019 », complète l’Abef.
De tels mesures réglementaires visant à diminuer les importations ne sont pas nouvelles alors que les réserves de change ont fondu avec la chute des cours des hydrocarbures. Les gouvernements algériens successifs ont, par le passé, imposé des autorisations ou des moyens de paiement contraignants (crédit documentaires) ou multiplié les licences d’importation. Pour un résultat mitigé et à court terme. Ces mesures ont fini, pour la plupart, par disparaître, les fabrications locales ne pouvant se substituer en qualité aux productions extérieures.
Les exportations françaises se maintiennent
Pour le moment, les répercussions de l’agitation sociale et politique ne sont pas dramatiques. Cependant, il ne faudrait pas que cette situation perdure, assurent les observateurs joints à Alger. Aujourd’hui, on craint notamment pour les entreprises dont les patrons ont été arrêtés, comme Issad Rebrab, le fondateur de Cevital.
Autre inquiétude, les répercussions sur l’investissement direct étranger (IDE). Les IDE français avaient atteint un pic depuis 2009 à 283 millions d’euros en 2018. Pour le moment, le commerce semble plutôt épargné. Si les importations de l’Algérie ont atteint 26,73 milliards de dollars sur les sept premiers mois de l’année 2019 (janvier-juillet), en baisse de 2,52 % par rapport à la même période de l’année 2018. les ventes de l’Hexagone y demeurent élevées.
Fin août 2019, les exportations françaises sur huit mois n’avaient reculé que de 0,22 % (à 3,32 milliards d’euros) par rapport à la même période de 2018. Les baisses enregistrées dans certaines domaines – pharmacie, céréales, automobile, matériel électrique et ferroviaire – ont été majoritairement compensées par des hausses d’autres postes d’exportation – en particulier, mécanique, combustibles, fonte-fer-acier, ouvrages en fonte-fer-acier, produits chimiques organiques.
Les besoins sont immenses en Algérie. La France demeurera toujours un partenaire privilégié. A condition, cependant, que ses entreprises continuent à saisir les opportunités.
François Pargny