Le Sénégal, en proie depuis quelques jours à une crise politique, fait partie des quelques pays sur lesquels la politique d’assurance-crédit export 2024 de la France, dévoilée le 6 février lors de l’événement Bercy France export, sera un peu plus restrictive. Parmi les bonnes nouvelles, plusieurs assouplissements et une politique de renouvellement des capacités plus dynamique de la part de Bpifrance assurance export. Revue de détail des principales évolutions et nouveautés, outre celle déjà signalées dans nos colonnes, annoncées lors de ce rendez-vous annuel proposé par la DG Trésor aux exportateurs français.
(Mis a jour le 29 février pour le bilan 2023 de Bpifrance Assurance export)
Bien que non mentionné lors de la présentation par Magali Cesana, cheffe du service Sabine (Affaires bilatérales et internationalisation des entreprises) de la direction générale du Trésor, des principaux changements de la politique d’assurance-crédit export (PAC) 2024, le Sénégal a été mis sous vigilance depuis l’annonce par son président du report du scrutin présidentiel : sur la carte de la PAC 2024, mise en ligne le 6 février, sa couleur est passée du vert foncé au vert clair, ce qui, dans le jargon de cette administration, signifie que le guichet reste ouvert mais que la vigilance est accrue.
Une confirmation, si besoin était, que l’exportateur avisé – plusieurs centaines étaient réunis hier à Bercy- doit consulter régulièrement cette carte sur le site de la DG Trésor pour veiller à ne pas passer à côté des changements d’appréciation du risque pays qui peuvent intervenir en cours d’année et qui influe sur la politique de soutien export de l’Etat français.
Plusieurs autres « durcissements », plus ou moins marqué selon les cas, mais aussi des assouplissements ont été par ailleurs annoncés pour 2024, dans le cadre d’une politique qui reste très largement ouverte et volontariste.
La PAC 2024, mode d’emploi
Pour rappel, la carte de la politique d’assurance-crédit export (PAC) utilise quatre couleurs ayant chacune une signification : rouge : fermé ; vert foncé : ouvert ; vert clair : ouvert avec vigilance ; orange : ouvert sous condition.
En cliquant sur chaque pays, des précisions sont fournies sur les conditions.La carte est en ligne : cliquez ICI.
Six « durcissements », trois « assouplissements »
Concernant les « durcissements », trois pays changent de couleur : Bahreïn, la Bolivie et Madagascar passent du vert foncé au vert clair. Cela signifie que le guichet reste ouvert mais avec davantage de vigilance.
Trois autres pays ne changent pas de couleur – orange pour les trois- mais voient les conditions se durcir : Mali, Niger, Burkina Faso. Pour ces trois pays du Sahel qui ont rompu les liens diplomatiques avec la France dans les circonstances que l’on sait, le guichet des aides à l’export est désormais fermés pour les « acheteurs souverains » mais reste ouvert au cas par cas pour les acheteurs non souverains, autrement dit privés.
Quant aux assouplissements, ils concernent trois pays. L’Argentine bénéficie d’une « levée du régime temporaire de suspension » : le guichet se réouvre pour les acheteurs souverains s’ils bénéficient d’un cofinancement multilatéral et pour les acheteurs privés, la France souhaitant soutenir ses exportateurs dans certains secteurs porteurs, notamment minier.
Deux pays bénéficient d’une plus grande ouverture : la République démocratique du Congo (RDC) passe de l’orange au vert clair et Barbuda passe de rouge (fermé) à orange (ouvert sous condition).
Deux autres pays, le Tchad et la Zambie, reste orange mais bénéficient d’une ouverture ciblée sur certains secteurs jugés prioritaires par la France : santé, eau, assainissement, agroalimentaire, énergies renouvelables, minerais stratégiques, réseaux électriques, rail.
Le bilan 2023 de Bpifrance assurance export
–Assurance-crédit export :
Opérations : 173 ; Entreprises : 107 (+ 9 %) ; montant total (M EUR) : 19 033
dont stabilisation des taux :
Opérations : 8 ; montant total (M EUR) : 507–Prêts du Trésor :
Entreprises: 19; montant total (M EUR) : 558–Cautions et garanties préfinancement export :
Opérations : 545; Entreprises 393 (+ 6 %); montant total (M EUR) : 1054–Assurance change :
Opérations : 193; Entreprises : 70; montant total (M EUR) : 773 (+83 %)–Fasep :
Opérations : 30; Entreprises : 26; montant total (M EUR) : 30–Assurance prospection :
Opérations : 1354 ; Entreprises : 1352; montant total (M EUR) : 216 (-10 %)Source : Bpifrance assurance export
Pour en savoir plus sur le mode d’emploi de ces différents mécanismes, consultez notre dernier Guide de l’accompagnement export : cliquez ICI
Bpifrance assurance export renouvèle ses capacités de couverture par la cession de risques
Outre ces assouplissements, d’autre bonnes nouvelles ont été annoncées pour les exportateurs lors de Bercy France export.
François Lefèbvre, directeur général de Bpifrance assurance export, l’agence de crédit export française (ECA dans le jargon, pour Export Credit Agency), a en effet indiqué qu’un portefeuille de 450 millions d’euros de garanties avaient pu être cédées au marché privé de la réassurance en 2023, dans le cadre d’une politique de cession de risques visant à renouveler les capacités de couverture de façon plus active, notamment sur les pays très demandés par les exportateurs. L’objectif pour 2024 est de doubler la mise, en visant le milliard d’euros, « pour continuer sur les géographies où nous sommes saturés » a indique le dirigeant.
Bpifrance assurance export compte aussi être plus pro-active auprès des acheteurs étrangers pour faire connaître ses offres de financement export : ses équipes seront notamment mobilisées lors de la venue de délégations étrangères invitées par Business France sur les salons français.
Par ailleurs, comme nous l’avons déjà annoncé dans un précédent article, la gestion des cautions export pour des montants inférieurs à 1 millions d’euros a été décentralisé : elle pourront être proposée par les banques commerciales.
Le décollage des nouveaux instruments
Deux nouveaux instruments ont semble-t-il trouvé leur public en se focalisant sur les priorités de « l’industrialisation verte » : la garantie des projets stratégique (GPS) et la garantie interne. Ils visent à « apporter un soutien à l’économie française et aux entreprises nationales, aider à conclure des contrats d’approvisionnement long terme et soutenir la relocalisation ou mise en place de chaînes d’approvisionnement vertes ». Indirectement, ils doivent contribuer au commerce extérieur en permettant de réduire les importations ou de développer de futures exportations.
–Concernant la GPS, cinq opérations ont été prises en garantie en 2023 pour 2,056 milliards d’euros. Parmi elles, des GPS « domestiques » dont les projets de giga-factories Verkor Innovation center (54 M EUR) et Envision (188 M EUR).
–La garantie interne, une assurance-crédit s’appliquant à des projets domestiques, a été élargie, en 2024, aux « équipements utiles à la production et au stockage d’énergie et d’hydrogène bas-carbone ».
Enfin, dans le cadre de l’évolution des règles de part française, que nous avons déjà signalée, le financement des ensembliers étrangers (EPC pour Engineering Procurement and Construction) faisant appel à des fournisseurs français d’équipements et de services pour leurs projets export est opérationnel. Plusieurs projets, dont celui de l’Espagnol Quantum, pour un projet de construction d’un centre de crise en Angola, sont dans les tuyaux.
Autre nouvelle positive, François Lefèbvre a confirmé que les enveloppes dédiées à deux instruments dont BAE a récupéré la gestion l’an dernier, soit les prêts du Trésor (prêts d’Etat à Etat pour financer des contrats d’infrastructures) et le Fasep (financement par des dons d’études et de démonstrateurs) seraient reconduites à l’identique en 2024 : 1 milliard d’euros pour les prêts du Trésor et 30 millions d’euros pour les appels à projets du Fasep.
Enfin, the last but not the least, la politique de « bonus climatiques », qui réserve des conditions plus attractives de couverture et de financement aux projets d’exportation contribuant à lutter contre le changement climatique, a été élargie pour suivre les évolutions de la taxonomie européenne : on parlera désormais de « bonus environnemental », moins restrictive. Des projets intéressant par exemple la biodiversité ou l’optimisation des ressources en eau pourront en bénéficier.
Tout ceci s’ajoute à la modernisation des règles de part française, effective depuis déjà quelques semaines, mais aussi aux efforts de simplification (formulaire, demande, etc.) et de numérisation des aides à l’export (demandes, documentation, etc.), efforts qui seront également poursuivis en 2024.
Christine Gilguy