Un accord signé le 25 février par Intercéréales et le ministre du Commerce extérieur français à l’occasion du Salon international de l’agriculture (SIA) va permettre la mise en place d’un dispositif public de réassurance Cap Francexport spécifique pour les exportations de céréales à destination de la Tunisie et de l’Égypte.
« Nous avons espoir que ce dispositif fonctionne et ramène une certaine compétitivité aux opérateurs français, notamment vis-à-vis de la concurrence russe, qui ne respecte pas les mêmes règles que nous » se félicite Philippe Heusèle, président du comité Relations internationale d’Intercéréales, l’interprofession du secteur, depuis le Salon de l’agriculture où cet accord s’est signé, après un an de négociation.
Concrètement, l’accord signé le 25 février par Benoît Piétrement, président d’Intercéréales, et Laurent Saint-Martin, ministre en charge du Commerce extérieur, crée un cadre qui va permettre aux exportateurs français de céréales de bénéficier du dispositif de réassurance publique Cap Francexport spécialement adaptée à leur problématique, grâce à une dérogation aux critères d’éligibilité accordée par les pouvoirs publics.
Rappelons que Cap Francexport offre aux assureurs-crédit privés participant la possibilité de se réassurer auprès de Bpifrance assurance export, l’agence de crédit export française filiale de Bpifrance, pour certaines transactions à l’export qu’ils couvrent sur des destinations à risque pays élevé, si le marché privé n’offre pas d’alternative. La réassurance porte sur un montant qui peut aller jusqu’à 95 % du total.
Des critères d’éligibilité plus adaptés aux problématiques des exportateurs de céréales
« Le problème était que les critères d’éligibilité pour bénéficier du dispositif n’était pas adaptés aux problématiques de nos exportateurs, explique Philippe Heusèle. Le plafond de couverture était notamment limité à 500 000 euros par acheteur alors qu’une exportation standard pour un exportateur céréalier c’est une cargaison de 50 000 à 60 000 tonnes chargée sur un Panamax, soit environ 15 millions d’euros ». Un autre critère pouvait être potentiellement un frein pour les exportateurs céréaliers : le plafond par assuré est limité à 5 millions d’euros.
Or, dans de nombreux cas, et notamment en Tunisie et en Égypte, pays ciblés par le dispositif, les importations de céréales sont régulées par les États et les achats se font via des appels d’offre internationaux lancés par des organismes publics, pour des montants qui dépassent largement ce plafond.
D’où l’idée de négocier une dérogation au règles du dispositif Cap Francexport avec des critères d’éligibilité plus adaptés aux exportateurs de céréales dans les pays cibles. Dans cette entreprise, Intercéréales s’est fait conseiller par Diot-Siaci Trade Finance (DSTF), le pôle assurance-crédit du courtier en assurance Diot-Siaci, qui a déjà négocié des dérogations de ce type pour permettre, par exemple, la sécurisation d’exportations de semences en Ukraine ou d’huile moteur vers l’Égypte, selon les précisions apportées au Moci par son directeur général Philippe Puigventos.
« Dans le cadre des appels d’offres internationaux des autorités égyptiennes ou tunisiennes, l’opérateur exportateur est en risque pendant toute la période entre le moment où le marché lui est attribué et le moment où il va être payé de sa livraison, explique Philippe Heusèle. Il peut se couvrir de ce risque de non-paiement auprès d’un assureur-crédit mais de tels couvertures sont devenues de plus en plus difficiles à obtenir à cause du contexte géopolitique ».
L’accord, qui a nécessité un an de négociation associant notamment la direction générale du Trésor (DG Trésor), Bpifrance et les assureurs-crédit privés Allianz Trade, Atradius, Coface et Groupama, va permettre à ces derniers de mettre en place une sorte d’enveloppe de couverture globale commune dédiée à chacun des deux marchés ciblés, la Tunisie et l’Égypte, et bénéficiant de la garantie de Bpifrance assurance export. Pour le premier, l’enveloppe est plafonnée à 30 M euros d’encours, et pour l’Égypte, à 125 M EUR d’encours.
La possibilité qu’ils puissent aisément se réassurer avec une garantie publique Bpifrance assurance export devrait faciliter la tâche aux assureurs-crédit privés. C’est du moins ce qu’espère Philippe Heusèle. « Il va y avoir une période de mise en route, qui va permettre aux opérateurs de s’approprier le système, explique-t-il. Si ça fonctionne, on espère pouvoir élargir le dispositif à d’autres pays cibles ».
Après l’accord-cadre, une nouvelle séance de signature doit avoir lieu prochainement entre les assureurs-crédit, et Thomas Brisset, chef du bureau Règles internationales du commerce et de l’investissement à la direction générale du Trésor.
Christine Gilguy