Depuis la fin de l’apartheid en
Afrique du Sud, la France n’est plus seule en Afrique. Mais la plus grande
menace vient sans doute des économies émergentes, la Chine,
mais aussi l’Inde, le Brésil ou la Turquie. Aujourd’hui, la concurrence fait peur.
Preuve en est le séminaire
« Rethink Africa France – ensemble, repensons les relations économiques
entre la France et le continent africain », organisé, le 12 juillet, par
Medef International. « Aujourd’hui, les Africains
nous disent qu’ils nous sont proches, mais que si nous ne voulons pas
travailler avec eux, de toute façon, ils n’ont plus besoin de nous », résume
pour moci.com Henri de Villeneuve, un fin connaisseur de l’Afrique australe et
de l’océan Indien, correspondant de Medef International et P-dg de la société de
conseil Cobasa.
L’Afrique accuse ainsi l’Europe
de l’avoir délaissée au profit d’autres destinations, notamment l’Europe de
l’Est. « Il n’y a pas non plus de redistribution visible des bénéfices par
les entreprises européennes. Les grands groupes préfèrent dialoguer avec les
politiques, dont des dictateurs, et privilégient leurs intérêts sans prendre en
compte les besoins locaux », dénonce Nadine Tinen, associée chez
PriceWaterhouseCoopers (PWC) Cameroun.
Selon la responsable camerounaise
du groupe PWC, « les pays émergents, en revanche, développent des actions
visibles. Avec eux, le partage d’expérience est réel. Et il y a une relation
d’équilibre, parce que l’Afrique est pour eux une terre d’espoir ». Ils
apportent ainsi de la technologie et des produits de consommation accessibles,
ce qui favorise l’investissement et l’emploi local. En retour, les Chinois ou
les Indiens trouvent en Afrique des marchés, de nouvelles terres et des
matières premières.
Lors de la réunion du patronat
français, plusieurs dirigeants d’organisations d’employeurs en Afrique (Mali,
Bénin, Centrafrique…) ont dénoncé le mauvais accueil qui leur est de plus
en plus souvent réservé dans les aéroports français et les difficultés
croissantes pour obtenir des visas. A l’inverse, les hommes d’affaires
africains seraient reçus à bras ouverts en Chine ou en Malaisie.
« Si il y a incontestablement une remise
en cause de la position française et une crise de confiance, il y a aussi des
moyens de faire revenir les entreprises françaises », insiste Patrick
Dejean, président du Groupement interprofessionnel de Centrafrique (Gica). Il
faudrait ainsi que les sociétés de l’Hexagone ouvrent leur capital à des
homologues africaines, ce qui permettrait de faire émerger des managers
africains pouvant devenir par la suite les représentants des entreprises
tricolores.
De son côté, Serge Villepelet, président de PWC France,
préconise de réaliser des transferts de compétence et d’utiliser les
savoir-faire africains, qui vont permettre aux entreprises françaises
d’abaisser leurs prix. « En donnant aux Africains les mêmes chances et les
mêmes missions que les autres au sein de nos groupes, affirme-t-il, nous ne créerons plus des
entreprises africaines ou françaises, mais des firmes intégrées ».
François Pargny