Pilier du commerce extérieur français, la filière aéronautique a renoué l’an dernier avec son activité prépandémique grâce à ses performances à l’export, dans le civil comme dans le militaire. Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), qui vient de publier son bilan 2024, appelle néanmoins à une relance de la commande publique. Explications.
A quelques semaines du Salon du Bourget, qui se tiendra du 16 au 22 juin, c’est une bonne nouvelle pour les grandes entreprises, mais aussi toutes les PME, ETI et start-up qui composent les trois quarts du secteur en France. Avec un chiffre d’affaires global de 77,7 milliards d’euros (Md EUR), en croissance de 10 % par rapport à 2023, le niveau d’activité dépasse désormais celui d’avant la pandémie de Covid-19.
L’aéronautique civile, qui représente 74 % de l’activité de la filière, a enregistré un chiffre d’affaires de 57,4 Md d’euros grâce à une hausse des livraisons, mais c’est le secteur de la défense, contexte géopolitique oblige, qui a tiré la croissance du secteur en 2024 avec un chiffre d’affaires en hausse de 13 %, à 20,3 Md EUR.
Des carnets de commandes bien remplis
Alors que les livraisons militaires sur le marché national ont progressé de 19 %, celles à l’export se sont envolées de 19 %. En outre, l’aéronautique militaire a fait le plein de commandes internationales l’an dernier. Elles ont en effet enregistré une hausse spectaculaire de 77 %, qui compense le recul de 33 % du ministère des Armées et la stabilité des commandes civiles, alors que celles de l’ensemble de la filière ont progressé de 5 %, à 74,8 Md EUR.
Ces bons résultats demeurent cependant fragiles, estime le Gifas, notamment en raison d’une inflation cumulée de près de 18 % depuis cinq ans.
Reste que c’est l’export qui a tiré l’ensemble du secteur de la crise après quatre années difficiles. En 2024, 82 % du chiffres d’affaires global ont été réalisés hors des frontières nationales. Cette forte internationalisation tient certes à l’excellente réputation de l’aéronautique tricolore partout dans le monde et, dans le civil, aux déboires du concurrent américain Boeing, mais aussi à une volonté de la filière.
Un référentiel international pour la supply chain
Le Gifas a par exemple accompagné en 2024 une centaine d’entreprises (sur un total de 517 entreprises membres) sur des salons et des missions à l’étranger.
Par ailleurs, alors que la supply chain connaît toujours des tensions sur les matières premières (titane, aciers spéciaux, composants), le syndicat professionnel a lancé une initiative à vocation internationale qui commence à porter ses fruits.
Mis en place début 2024 avec pour objectif l’utilisation d’un référentiel commun par tous les grands donneurs d’ordre afin de booster la performance industrielle, le programme Aéro Excellence a récemment rejoint par des entreprises britanniques et allemandes et est aujourd’hui porté hors des frontières hexagonales par l’association Aéro Excellence Export. Avec un total, pour l’instant, de 111 entreprises et 164 sites industriels, cette initiative nourrit désormais l’ambition de faire de ce référentiel un standard mondial.
L’international, une stratégie à double tranchant
Si la reprise a bien été tirée par les efforts de la filière à l’export, l’aéronautique française se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, entre le besoin d’aller chercher des relais de croissance sur les marchés étrangers et les dangers liés aux incertitudes géopolitiques et aux tensions commerciales (droits de douane américains, transferts de technologies…).
Dans ce contexte, le Gifas appelle donc à une relance de la commande publique, notamment dans la défense, « pour garantir un modèle résilient capable d’absorber les chocs extérieurs ». Il appelle ainsi à l’exécution de la loi de programmation militaire, « car ce sont bien les commandes qui alimentent l’industrie et qui permettront de développer et livrer les capacités dont les forces ont besoin ».
Malgré une baisse de 2 Md EUR en 2024, l’excédent commercial du secteur a atteint + 28,7 Md EUR et contribue largement à la résorption du déficit de l’ensemble du commerce extérieur tricolore. La filière est également un des fers de lance de la réindustrialisation et emploie, directement ou indirectement, quelques 250 000 personnes en France.
Sophie Creusillet