Deux jours après la présentation
du bilan 2012 de l’Agence française de développement (AFD), dans un communiqué
de presse du 25 avril, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé la
nomination de l’avocate Anne Paugam comme directrice générale de l’AFD. Un
retour pour cette ancienne secrétaire général de l’Agence, partie après
l’arrivée en 2010 de l’actuel patron Dov Zerah (notre photo), dont le mandat prend fin en
juin prochain.
Nommé sous la présidence de
Nicolas Sarkozy, Dov Zerah, classé à droite, aura eu beau s’appliquer à se
fondre dans le moule du nouveau pouvoir, sa conversion au développement durable
n’aura pas suffi aux yeux du ministre du Développement, Pascal Canfin et du
ministre de tutelle au Quai d’Orsay, Laurent Fabius.
Interrogé le 23 avril par Le Moci
sur la volonté de Pascal Canfin, ancien eurodéputé, membre d’Europe Écologie-Les
Verts, de soumettre tous les financements de l’agence à des contraintes liées
au développement durable – ce qui ne pourrait pas plaire à tous les États bénéficiaires
– Dov Zerah a laissé entendre que l’AFD possède une expérience suffisante dans
domaine de l’environnement, puisqu’elle « a été la première, avec la
coopération japonaise, à soutenir un plan climatique, en l’occurrence en
Indonésie et au Vietnam, puis seule au Mexique, puis, à nouveau avec les
Japonais, aux Philippines ».
Une coopération sur les barrages avec Laurence Tubiana
Si en Asie et en Amérique latine
l’AFD « ne fait que du développement durable », dans « les
autres géographiques, il n’est pas non plus absent », selon Dov Zerah, qui
a indiqué travailler avec Laurence Tubiana, « facilitatrice » du
débat en cours sur la transition énergétique et directrice de la chaire « développement durable » de Sciences-Po Paris, sur les
grandes questions posées par la construction de barrages : déplacement des
populations, protection de la biodiversité, mode de développement agricole,
etc.
L’agriculture est devenue une
priorité majeure de l’Agence française de développement en Afrique, notamment
dans les zones rurales où les crises alimentaires sont les plus virulentes. Il
y a quinze jours, Dov Zerah a signé à Dakar une convention pour un prêt à taux
doux de 22 millions d’euros, assorti d’une subvention de 500 000 euros,
pour améliorer la production et la commercialisation des produits dans la
région de Matam, à l’est du Sénégal.
Un programme similaire doit être
adopté cette année dans le département de Podor. L’Agence française de développement
irait même plus loin, en s’engageant à doubler ses engagements annuels en
faveur de l’agriculture dans ses pays d’intervention entre 2013 et 2016.
Trois nouveaux pays d’intervention : Libye, Birmanie, Pérou
Si en Asie et en Amérique latine,
« le marqueur » est bien celui du développement durable et de la
croissance verte, « en Afrique subsaharienne, l’agriculture,
l’agroalimentaire, les infrastructures, l’éducation et la santé sont nos
priorités. Et en Méditerranée, ce sont l’emploi, la formation professionnelles
(comme au Maroc avec, par exemple, l’Institut des métiers de l’aéronautique), la
réduction des inégalités et la micro finance », expliquait Dov Zerah, lors
de la présentation du bilan 2012 de l’AFD.
En 2012, l’agence publique est
intervenue pour la première fois dans trois nouveaux pays : Libye,
Birmanie et Pérou. Globalement, sur un total de 7 milliards d’euros de nouveaux
financements, les autorisations ont atteint 1,214 milliard d’euros en Amérique
latine et dans les Caraïbes et 1,01 milliard en Asie. Elles ont été supérieures
en Méditerranée et au Moyen-Orient, avec 1,218 milliard d’euros, en Outre-mer,
avec 1,478 milliard, et en Afrique subsaharienne, avec 2,014 milliards d’euros.
Année blanche en Côte d’Ivoire, recul en Tunisie
La part de l’Afrique subsaharienne
a, toutefois, baissé en 2012, une année blanche en Côte d’Ivoire ayant succédé
à un exercice fort en 2011 (400 millions d’euros). De même, les autorisations
de financement n’ont pas été aussi fortes dans la région Méditerranée-Moyen-Orient,
car l’activité a diminué en Tunisie pour des raisons de contraintes
prudentielles. Conformément au ratio prudentiel de division des risques, qui ne
permet pas d’engager plus de 25 % des fonds propres, l’AFD, dont le montant des
fonds propres s’élève à 4,6 milliards euros, ne peut pas dépasser la barre de
1,15 milliard sur un risque.
« Nous sommes bloqués par
cette règle en Tunisie, au Maroc et dans trois autres pays. En Afrique du Sud,
nous arrivons au plafond », a révélé Dov Zerah. Une augmentation du
capital de Proparco, la filiale pour le secteur privé, « sera lancée
prochainement », a encore annoncé Dov Zerah, tout en refusant de s’engager
sur une date plus précise. Une opération, dont on attend maintenant qu’elle
soit confirmée par son successeur.
François Pargny