Hopscotch Sopexa a publié son Wine Trade Monitor 2024, baromètre annuel des acheteurs de vins internationaux, à quelques jours de l’annonce des performances à l’export des vins français en 2023 sur le salon Vinexpo. Toujours plébiscitée par les acheteurs professionnels étrangers, l’offre française gagnerait cependant à mieux cibler la jeunesse et adapter son marketing.
Il y a des raisons d’espérer. Telle est, en résumé, la conclusion de l’étude 2024 d’Hopscotch Sopexa réalisée auprès d’un panel d’opérateurs du vin dans huit pays (Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, Pays-Bas, États-Unis, Canada, Chine, Japon et Corée du Sud).
Malgré un mouvement général de déconsommation du vin en France (11 % de consommateurs réguliers contre 50 % en 1980) mais aussi en Europe, les professionnels des neuf pays étudiés restent confiants.
La moitié d’entre eux prévoit en effet une stagnation du marché du vin au cours des prochains mois. Plus l’opérateur est petit, plus il est optimiste : 28% de ceux achetant moins de 10 000 bouteilles par an envisagent une augmentation des ventes. Relais de distribution non négligeable, la vente en ligne, qui a explosé pendant la Covid-19, est une pratique qui s’est installée durablement, particulièrement en Corée du Sud, au Royaume-Uni et aux États-Unis, souligne Hopscotch Sopexa.
L’origine France toujours plébiscitée
Surtout, alors que le contexte est bien morose dans la viticulture française à l’heure actuelle, les intermédiaires interrogés anticipent que les vins français et italiens devraient le plus progresser en termes de ventes. 88 % d’entre eux référencent des vins français, loin devant les vins italiens (77%) et les vins espagnols (72%). Synonyme de « vin pour les grandes occasions », l’origine France bénéficie de la meilleure image face à la concurrence, se démarquant par la « constance de sa qualité gustative » et son « approche RSE ».
« L’offre française a auprès des professionnels une image haut de gamme dans laquelle la RSE est très différenciante », souligne Yann Guislain, directeur des comptes stratégiques « drinks » chez Hopscotch Sopexa. Cet axe fort des vins français à l’export n’est pas éloigné d’une autre tendance lourde du secteur : la naturalité, qui regroupe toutes les méthodes de vinification sans intrants, à partir de raisins cultivés en biodynamie, issus de l’agriculture biologique ou raisonnée.
L’Asie découvre les vins natures
Ce concept un peu fourre-tout qui a le vent en poupe depuis quelques années recouvre en pratique des notions différentes selon les marchés. « Les Européens et les Nord-Américains sont des marchés mâtures et donc plus sensibles à la naturalité, même si les interlocuteurs font souvent des amalgames entre bio, végan et biodynamie, détaille François Ganier, chef de projet intelligence économique chez Hopscotch Sopexa. Aux États-Unis, le label bio est bien identifié alors que les autres certifications restent souvent inconnues. »
En Asie, l’appétence pour ces vins se présentant comme authentiques et transparents dans leur production est en train de prendre : « La Chine est un marché d’avenir et la Corée du Sud, incluse pour la première fois dans notre baromètre, est en pleine croissance. Au Japon, où la consommation demeure limitée, les vins natures sont plus appréciés des opérateurs que les vins bio sans que l’on comprenne pourquoi. » Un constat pour le moins surprenant sur un marché qui figure sur la liste d’une quinzaine de pays reconnaissant le label bio européen.
L’offre française sous-représentée dans les entrées de gamme
RSE, vins naturels, biodynamie, bouteilles haut de gamme… L’origine France est en revanche moins présente sur des segments qui sont en croissance, alors que le marché reste globalement morose. Il en est ainsi des vins d’entrée de gamme dont les ventes progressent notablement en Allemagne et au Canada. A l’inverse, l’offre se prémiumise en Chine et en Corée du Sud. Les vins français sont également discrets parmi les nouvelles offres : les vins légers en alcool en Allemagne et dans le monde anglo-saxon, par exemple, les vins destinés aux jeunes etc.
Comparés aux Anglo-Saxons, les Français pêchent toujours par un manque d’innovation en matière de marketing. « Les vins du Nouveau Monde ont vraiment mis un coup de pied dans la fourmilière avec leurs campagnes marketing très étudiées, observe François Granier. L’offre française a mis du temps à répondre mais elle est bien là ». Et l’analyste de citer quelques-unes des initiatives françaises en la matière, dont la success story de la marque des Vins de Provence à l’export.
Le marketing des vins à l’export se dépoussière
« Leur communication n’évoque par le terroir ou les cépages mais un art de vivre et des moments de convivialité. Chaque producteur a une étiquette différente. » Mais aussi les champagnes Telmont et leurs bouteilles colorées, développées en partenariat avec Verallia, les étiquettes en braille de Chapoutier dans la vallée du Rhône ou de celles des vins de Gérard Bertrand qui a popularisé des étiquettes moins traditionnelles et développé une stratégie marketing à l’export.
Dans un entretien accordé à Vitisiphere en octobre dernier, l’ancien rugbyman devenu entrepreneur et important exportateur de vins de Languedoc partout dans le monde, rappelait l’importance de la concurrence non pas entre vignerons mais avec « tous les métiers de la filière des boissons ». « On doit bien regarder quels sont les produits traditionnels, qui sont référents et incarnent les valeurs de leurs terroirs, et quels sont les marques qui vont pouvoir challenger la jeunesse. C’est ça qui compte pour progresser : s’adresser aux 20-30 ans qui ont l’habitude de consommer différemment. Et là, il y a du travail. »
Sophie Creusillet