Les « ICC », industries culturelles et créatives, font partie des savoir-faire français qui, dans le domaine du divertissement et de la culture, ont contribuer à faire de la France le numéro 1 mondial du tourisme. Elles sont désormais soutenues par l’État pour exporter leurs savoir-faire dans le cadre du plan France 2030.
Peut-être y aura-t-il un jour la « Creative Tech » dans les industries culturelles et créatives (ICC), comme il y a la Travel Tech dans le tourisme. Les ICC françaises, dont des pans entiers sont connus dans le monde entier (architecture, design, muséographie, séries télé, cinéma…), ne cessent de s’enrichir avec le progrès technologique.
On assiste ainsi en France à une floraison de PME innovantes, des jeunes pousses, des startups inventives. A l’instar de Kitenix, une société pionnière en matière d’animation 3D assistée par l’intelligence artificielle (IA) qui est un bon exemple des savoir-faire nouveaux qui émergent dans le divertissement et le loisir.
Pour Kinetix, « le marché français du métavers n’est pas prêt »
S’adressant aux professionnels de l’audiovisuel, de l’animation ou du jeu, sa technologie, fruit d’un travail de recherche de 18 mois, s’intègre aussi au métavers (réseau de mondes virtuels en 3D qui exploite des technologies telles que la réalité virtuelle/RV et augmentée/RA). Sa plateforme est ainsi capable de gérer à partir de vidéos en 2D, des animations en 3D. Il suffit à un particulier de se filmer, par exemple en train de danser, et d’importer le fichier sur la plateforme, Kinetix crée ensuite un avatar animé grâce à des algorithmes de deep learning (apprentissage profond).
Créé il y a seulement deux ans, Kinetix ne veut pas se contenter de la France comme terrain d’expérimentation. « Le marché français du métavers n’est pas prêt, alors que le potentiel est considérable dans d’autres régions du monde », explique Yassine Tahi, cofondateur et CEO (notre photo).
Ainsi, aux États-Unis et en Asie, le marché serait mûr et possèderait une taille suffisante pour être abordé. Facebook, rebaptisé Meta, a ainsi engagé 10 milliards de dollars pour construire son métavers.
Et d’après la société de conseil et d’étude Grand View Resarch, le marché mondial du métavers, estimé à 38,85 milliards de dollars en 2021, devrait bondir de 39,4 % par an en moyenne entre 2022 et 2030. En Amérique du Nord, il serait de 18,7 milliards en 2021 et augmenterait dans la même proportion d’ici la fin de la décennie.
Seule à offrir une solution intégrée
Dans un univers gigantesque en pleine expansion, la jeune pousse est confiante, ne se connaissant pas de concurrent direct sur le créneau de l’infrastructure d’animation dédiée aux mondes virtuels. L’entreprise française serait seule à offrir une solution intégrée, face à des concurrents couvrant une partie des services (par exemple l’IA d’extraction de mouvement).
Pour faire connaître sa technologie aux professionnels de la planète, Kinetix a mené cette année plusieurs actions à l’international en faisant appel à Business France. Grâce au chèque Relance Export, la jeune pousse a enchaîné les missions : en janvier, au CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas, qui lui a permis de lever des fonds auprès d’investisseurs américains et asiatiques; puis en août au Gamescom de Cologne; et enfin en septembre, au Tokyo Game Show(TGS), avec une dizaine de PME au Japon d’une semaine.
La stratégie de Kinetix est de conclure des partenariats avec les mondes virtuels, comme le coréen Zepeto (NAVER Z), une plateforme fonctionnant comme un réseau social avec des avatars, et The Sandbox, autre leader du monde virtuel Web3, partenaire majeur pour le marché américain et planétaire. Ces deux géants ont investi dans Kinetix. Quant à Decentraland, une plateforme où peuvent être achetés des terrains virtuels pour générer du contenu et des applications, un projet a été annoncé. De nouvelles collaborations avec des acteurs du monde virtuel devraient encore été officialisées dans les semaines à venir.
Des programmes et des marchés cibles pour booster l’export
La recherche est le pilier de toutes ces PME qui émergent sur le Web. A l’instar d’Ircam Amplifiy, filiale commerciale d’un laboratoire réputé dans l’acoustique et la musique (voir encadré ci-après). « Globalement, nous constatons une montée en puissance de la filière, qui dispose aussi d’un vivier très dynamique, mais ce sont surtout des PME et peu de structures moyennes », commente Francesco Plazzotta, chef du service Tech et services innovants à Business France.
Aussi, pour donner un coup de pouce aux petites entreprises et, de façon plus générale, aux industries créatives et culturelles (ICC), l’Etat a établi récemment deux programmes d’accompagnement à l’export, dans le cadre du plan d’investissement de 54 milliards d’euros, France 2030 :
– Le premier,Cultur’Export, confié à Bpifrance, vise à aider les entreprises à « mieux appréhender le marché international visé » et à « assurer leur mise en relation avec des prospects ». Une première promotion de 25 sociétés est prévue pour aborder les États-Unis. C’est « un territoire stratégique pour les industries culturelles et créatives », selon Pedro Novo, directeur exécutif en charge de l’Export à Bpifrance. D’une durée de douze mois, le programme en cours de lancement est articulé autour de quatre séminaires thématiques, 70 heures de conseil individualisé et deux missions à l’international.
– Le deuxième programme, Immersion ICC, confié à Business France et à l’Institut français, en lien avec la Banque des Territoires (Caisse des Dépôts) et les réseaux diplomatiques et culturels, vise à aider les PME tricolores à se développer pendant deux-trois ans dans quatre autre pays : Canada, Corée du Sud, Israël et Royaume-Uni.
S’agissant d’ICC Immersion, trois phases sont prévues : la prospection en amont, la mission sur le terrain, d’une semaine à dix jours, le suivi et le bilan. Et pour les sociétés qui le souhaitent, une phase supplémentaire, par exemple une incubation dans un accélérateur local ou la coproduction d’un projet audiovisuel ou d’un jeu vidéo. Prévue à l’origine le 20 octobre, la clôture des candidatures a été repoussée au moins jusqu’au 10 novembre.
François Pargny
Ircam Amplify met le son aux États-Unis
« Culture Export est en plein dans notre cible, les Etats-Unis. C’est pourquoi nous avons candidaté auprès de Bpifrance », explique Nathalie Birocheau, CEO d’Ircam Amplifly. Lancée en 2019 dans le cadre du Plan d’investissement d’avenir (PIA) que gère la Banque des Territoires (Caisse des dépôts), cette filiale de l’Institut de recherche et coordination Acoustique/Musique (Ircam) a donc rejoint le programme confié par l’État à la banque publique.
Ircam Amplify est focalisé sur les États-Unis. L’entreprise a participé en mars à Austin au salon South by Southwest (SXSW) sur le pavillon de la French Tech où elle a bénéficié du soutien de Business France en matière de coaching, développement commercial et prise de rendez-vous. « Toutes choses que je déconseille de faire seul pour espérer des retombées », précise sans hésiter la dirigeante. « Rien n’est encore signé, tempère-t-elle, ça prend du temps », mais de grands noms de l’industrie musicale américaine seraient intéressés par l’offre de la société en matière de valorisation des données et qualité audio. De quoi donner le sourire.