La montée du risque client se confirme à l’échelle mondiale. D’après les dernières prévisions mises à jour publiées par Allianz Trade le 18 octobre, les défaillances d’entreprises enregistrent une forte progression en 2023 à l’échelle mondiale, tendance qui va s’accélérer en 2024.
Ce n’est pas une surprise mais l’accélération est impressionnante. Après un léger rebond en 2022 (+1%), les défaillances d’entreprises devraient progresser au rythme de +6 % en 2023 et de +10 % en 2024 à l’échelle mondiale, selon les dernières prévisions mises à jour de l’assureur-crédit Allianz Trade.
Cette accélération s’explique, selon Allianz Trade, par la conjoncture dans laquelle opèrent les entreprises, marquée par une demande qui ralentit et « un pouvoir de fixation des prix qui s’affaiblit » alors que la hausse des coûts persiste. Pour la première fois depuis 2020, les revenus des entreprises ont ainsi reculé dans toutes les zones géographiques, de -1,9 % en moyenne, et leur trésorerie s’est dégradée, surtout celle des PME.
« Les entreprises ont toujours d’importantes réserves de liquidités, de l’ordre de 3 400 Md EUR en zone euro et 2 500 Md USD aux États-Unis, analyse Aylin Somersan Coqui, CEO d’Allianz Trade, citée dans le communiqué de presse. Mais ces réserves restent largement concentrées entre les mains des grandes entreprises et de secteurs spécifiques tels que la tech. Plus généralement, la plupart des entreprises ne sont pas en mesure d’améliorer leurs positions de liquidités dans un contexte de croissance économique plus lente que prévue pour plus longtemps qu’attendu ».
Prévisions de défaillances en 2024
par grandes zones géographiquesAmérique du Nord : + 21 % (+ 46 % en 2023)
Dont États-Unis : + 22 % (+ 47 % en 2023)Amérique latine : + 2 % (+ 17 % en 2023)
Dont Brésil + 11 % (+ 27 % en 2023)Europe : + 11 %
Dont UE 27 : + 11 % (+ 8 % en 2023)
Allemagne : + 9 % (+ 22 % en 2023)
Royaume-Uni + 5 % (+ 16 % en 2023)
France : 0 (+ 36 % en 2023)
Italie : + 24 % (+ 15 % en 2023)
Espagne : + 28 % (- 19 % en 2023)
Pays-Bas : + 28 % (+ 59 % en 2023)
Belgique : + 4 % (+ 9 % en 2023)
Suisse : – 6 % (+ 8 % en 2023)Europe de l’Est et Centrale : + 4 % (- 6 % en 2023)
Dont Russie : + 17 % (- 20 % en 2023)
Turquie : + 18 % (-30 % en 2023)
Pologne : -14 % (+ 68 % en 2023)Asie-Pacifique : + 5 % (- 3 % en 2023)
Dont Chine : + 5 % (- 14 % en 2023)
Japon : + 7 % (+ 35 % en 2023)
Corée du sud : + 2 % (+ 41 % en 2023)
Singapour : + 5 % (- 14 % en 2023)
Inde : + 5 % (+ 1 % en 2023)
Australie : + 5 % (+ 29 % en 2023)Source : Allianz Trade
D’après Allianz Trade, les secteurs les plus exposés cette année, à l’échelle mondiale, sont l’hôtellerie, les transports, le commerce de gros et la distribution. Dans d’autres secteurs, le niveau des défaillances augmente dans le cadre d’un phénomène de « rattrapage » : c’est le cas de la construction, où « les chantiers en attente sont quasiment terminés ». Mais ce n’est pas le seul.
Les délais de paiement s’allongent
« Dans le même temps, les taux d’intérêts élevés pèsent sur la demande dans certains secteurs comme l’immobilier et les biens durables, complète Maxime Lemerle, responsable des Recherches défaillances chez Allianz Trade. De quoi mettre la pression sur les secteurs hautement endettés, comme les services publics et les télécoms, des deux côtés de l’Atlantique. De plus, le BFR mondial atteint aujourd’hui un point haut de 86 jours, soit 2 jours de plus que les niveaux prépandémie. Avec des taux d’intérêts aussi hauts, le financement du BFR coûte plus cher aux entreprises, ce qui met en situation de risque certains secteurs comme la construction, les machines et équipements et les équipements de transport ».
Pour assombrir encore le tableau, les délais de paiements devraient s’allonger, aggravant la situation de certaines entreprises.
D’après les estimations d’Allianz Trade, ils dépassent déjà les 60 jours pour près de la moitié des entreprises (47 %) au niveau mondial. Compte-tenu de la hausse des taux d’intérêt et de la frilosité des banques, la trésorerie des entreprises devraient être mise à rude épreuse, notamment celle des PME.
D’ici la fin de 2024, trois pays sur cinq en moyenne auront retrouvé leurs niveaux de défaillances d’avant Covid-19 estime encore l’étude. Ce sera déjà le cas dans les pays avancés d’ici la fin de cette année, avec plus d’un pays sur deux confronté à une augmentation à deux chiffres des faillites d’entreprises dès cette année (encadré plus haut) : États-Unis (+47 %), France (+ 36 %), Pays-Bas (+ 59 %), Japon (+ 35 %) et Corée du Sud (+ 41 %).
Christine Gilguy