L’objectif du récent déplacement d’Olivier Becht, ministre délégué en charge du Commerce extérieur, au Nigeria (23-24 novembre) était de réveiller l’intérêt des entreprises françaises pour le continent africain, en montrant que la France y reste active et appréciée, malgré ses déboires au Sahel. La signature de plusieurs protocoles d’accords a donné une touche concrète à cette ambition de relance des relations économiques.
« Le Nigeria est un partenaire clé pour la France », son « premier partenaire commercial en Afrique subsaharienne » a martelé le ministre français lors de sa visite au Nigeria, accompagné d’une délégation d’une dizaine d’entreprises emmenée par Business France. Objectif : contrer la frilosité les entreprises après les déboires rencontrés ces dernières années au Sahel, encore dernièrement au Niger, et les campagnes de dénigrements de l’Hexagone sur les réseaux sociaux francophones.
Olivier Becht a notamment assisté, à Lagos, à un Sommet économique organisé à l’occasion de la semaine française et participé à une réunion du Conseil d’affaires France-Nigéria, une organisation lancée par le président Macron en 2018 et réunissant les dirigeants d’entreprises françaises et des principaux groupes nigérians.
Avec une centaine d’implantations françaises, principalement des filiales de grandes entreprises (TotalEnergies, CMA CGM, Engie, Biogaran, Danone…), qui emploient 10 000 personnes, et un stock d’investissement de 10 milliards de dollars, la France « peut mieux faire » selon le ministre français.
De fait, sur les 5,4 milliards d’euros d’échanges bilatéraux en 2022, les exportations françaises ne représentent que 587 millions, deux à trois fois moins que vers la Côte d’Ivoire ou le Sénégal : la balance commerciale est largement déficitaire en défaveur de l’Hexagone en raison du volume des importations de pétrole nigérian, qui ont bondi l’an dernier.
La visite du ministre français a néanmoins été l’occasion de relancer les relations bilatérales sept mois après l’arrivée au pouvoir du nouveau président, Bola Ahmed Tinubu. A l’occasion de sa visite, Olivier Becht a annoncé que le Nigéria serait pour la première fois présent, en février 2024, au Salon international de l’agriculture. Il a par ailleurs parrainé la signature de plusieurs protocoles d’accord (MoU) entre des entreprises françaises et des entreprises nigérianes dont voici la liste exhaustive :
– Compagnie fruitière – Raedial Holdings : MoU en vue d’une coopération pour la culture de bananes dans l’État de Cross-River, et ultérieurement d’ananas. La compagnie fruitière apporte son savoir-faire à Raedial, permettant l’exportation de ces produits dans la région.
– Danone – Koolboks : MoU concernant l’exploitation de boîtes frigorifiques fonctionnant à l’énergie solaire, fournies par Koolboks. Cette dernière entreprise est une startup fondée en France par un entrepreneur nigérian, Ayoola Dominic, et une Française, Déborah Gaël.
– Echosys – Rensource : MoU concernant une tranche de financement de 15 millions d’euros pour l’installation de centrales énergétiques hors-réseau. Echosys a levé le fonds de dette énergies renouvelables Afrigreen de 100 millions d’euros en 2023. Un quart de ce fonds est déployé au Nigéria. Rensource est une entreprise dans laquelle, notamment, Proparco, filiale de l’Agence française de développement spécialisée sur le financement du secteur privé, a investi.
– Echosys – West Africa : MoU similaire au précédent.
– TotalEnergies Renouvelables – ICEL : MoU pour l’installation d’un parc photovoltaïque de 5MW.
– Access Bank – Bpifrance : MoU concernant l’appui d’une part au développement de la banque nigériane Access Bank en France, et d’autre part l’appui à l’action et aux délégations de Bpifrance au Nigéria.
Alors que la France essaye depuis plusieurs années de diversifier ses relations économiques en Afrique en incitant ses entreprises à davantage prospecter hors de leurs débouchés traditionnels d’Afrique francophone, notamment dans les pays anglophones, le Nigeria est un morceau de choix : 225 millions d’habitants, un secteur privé foisonnant qui a déjà donné naissance à de grands groupes structurés dans la banque, l’agro-industrie, ou encore la téléphonie mobile. Mais un environnement des affaires compliqué pour le premier venu, avec une instabilité macroéconomique liée à la forte dépendance du pays et de sa monnaie des cours du brut, un secteur public gangrené par la corruption, bref, un pays où il est vivement recommandé aux dirigeants d’entreprises de se faire accompagner par de fins connaisseurs du terrain des affaires local.
C.G