Dans un rapport publié dernièrement, la Cnuced pointe les fortes tensions que traverse le marché mondial du cuivre, indispensable aux technologies de la transition énergétique. Quelles en sont les moteurs ? Le point dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
Le marché mondial du cuivre traverse une période de fortes tensions. Alors que les transitions énergétiques et numériques, très consommatrices de métal rouge, s’accélèrent, les besoins en cuivre explosent, mais l’offre peine à suivre.
C’est le constat que dresse dans son dernier rapport la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), estimant que l’ouverture de 80 nouvelles mines sont nécessaires d’ici à 2030 pour répondre à la demande mondiale à un moment où ce « minerai critique » est convoité par les puissances qui souhaitent sécuriser leurs approvisionnements.
Et pour cause, le cuivre, souvent présenté comme un étalon de la santé de l’économie mondiale, remplit un rôle central dans le câblage électrique, les composants électroniques, les batteries, les moteurs, ou encore les harnais des véhicules électriques … Il est également indispensable dans les machines, les équipements industriels, le bâtiment, la défense et l’électronique grand public.
La demande devrait croître de 40 % d’ici 2040
Les conclusions de l’institution onusienne reflètent une inquiétude croissante récemment exprimée par l’IEA face à la lenteur du développement de nouvelles capacités minières : 15 à 25 ans peuvent s’écouler entre l’identification d’un gisement et son exploitation industrielle.
Or, selon les projections, la demande mondiale, poussée notamment par l’essor de l’IA, devrait croître de 40 % d’ici à 2040.
Les principaux producteurs mondiaux restent concentrés en Amérique latine. Le Chili, premier exportateur, représente environ 23 % de la production minière mondiale, suivi du Pérou (11 %) et de la République démocratique du Congo (RDC, 14 %). La RDC a d’ailleurs vu sa production tripler depuis 2016 grâce à des gisements à haute teneur, parfois supérieurs à 3 % – contre une moyenne mondiale autour de 0,8 %.
C’est toutefois la Chine qui domine la chaîne de transformation. Elle importe 60 % des minerais mondiaux et assure 45 % du raffinage global. Pékin s’est imposée comme le principal hub de traitement, hébergeant les plus grandes raffineries mondiales, à l’image de celle de la ville de Guixin dans la province du Jiangxi. Cette position dominante lui confère un levier stratégique considérable, notamment dans ses relations commerciales avec les États-Unis ou l’Union européenne (UE).
En parallèle, les tensions politiques alimentent l’instabilité du marché. Au printemps 2025, l’annonce par Donald Trump d’une possible future introduction de droits de douane sur les importations de cuivre a déclenché une vague d’achats massifs par les entreprises américaines. Résultat : les États-Unis ont capté une part importante de l’offre disponible, provoquant une raréfaction en Europe. Comme l’indique le Financial Times, cette ruée a mis sous pression les industriels européens, incapables de sécuriser leurs approvisionnements dans un marché déjà tendu.
Ce déséquilibre mondial se reflète aussi dans les stocks. En juin 2024, les réserves enregistrées à la Shanghai Futures Exchange (ShFE) ont atteint un niveau record de 339 964 tonnes, soit un sommet de plus de quatre ans. Cette accumulation inattendue, en pleine saison d’activité, s’expliquait en partie par une baisse de la demande intérieure chinoise, en particulier dans les secteurs du bâtiment et de l’électronique
Face à cette volatilité, les pays consommateurs cherchent à diversifier leurs sources. L’UE a signé des accords avec le Chili et d’autres pays d’Amérique latine pour sécuriser ses chaînes de valeur en matières premières critiques, et tente de relancer ses capacités de raffinage, passées de 32 % à seulement 14 % de la production mondiale depuis 1990. Les États-Unis, quant à eux, multiplient les négociations bilatérales avec le Pérou, le Canada et la RDC, tout en soutenant le développement de la filière de recyclage domestique.
Car le recyclage apparaît comme l’une des solutions : il représente déjà environ 30 % de la consommation mondiale, avec les États-Unis en tête, suivis de l’Allemagne et du Japon. Le cuivre recyclé offre l’avantage d’un coût carbone bien inférieur à celui de l’extraction primaire, tout en permettant de réduire la dépendance vis-à-vis des importations.
Pour la Cnuced, il est crucial d’investir dans des politiques industrielles permettant aux pays producteurs d’aller au-delà de l’extraction brute. Cela implique le développement d’infrastructures de raffinage, des incitations fiscales pour la fabrication de produits à plus forte valeur ajoutée, et l’intégration dans des chaînes régionales de transformation. A défaut, les pays riches en ressources risquent de rester enfermés dans un rôle de simple fournisseur de matières premières.