Singapour a détrôné le Japon en tête du Henley Passport Index; qui classe 199 pays en fonction du nombre de pays auxquels ils donnent accès. Entre 2006 et 2023, le nombre moyen de destinations accessibles sans visa a quasi doublé, passant de 58 à 109. Par-delà la mobilité des voyageurs et les jeux de politique internationale, les passeports les plus puissants émanent de pays qui cherchent à attirer les investisseurs internationaux.
En matière de mobilité internationale, le monde semble avoir marché vers plus d’ouverture. C’est en tout cas ce qui ressort de l’indice dressé par le cabinet de conseil anglais Henley & Partners qui accompagne les entreprises dans leurs projets de migration d’investissements. Au cours des 10 dernières années, seuls huit pays ont vu diminuer le nombre de pays leur proposant une exemption de visa.
Cependant, l’édition 2023 de ce classement relève que l’écart entre les pays en tête et ceux en bas de la liste n’a jamais été aussi important : le passeport singapourien donne ainsi accès à 165 destinations de plus que celui d’Afghanistan…L’Allemagne, l’Espagne et l’Italie arrivent ex-aequo en deuxième position devant la France, troisième de ce classement aux côtés de l’Autriche, la Finlande, le Japon, le Luxembourg et la Corée du Sud.
En jouant la carte de la réciprocité, du tourisme ou de l’attraction d’investisseurs étrangers, certaines régions se sont montrées plus dynamiques que d’autres. C’est le cas de l’Asie où Singapour, mais aussi du Japon et de la Corée du Sud, qui ont effectué une belle remontada ces dernières années. A contrario, les pays anglophones ont enregistré un déclin constant, en particulier le Royaume-Uni et les États-Unis, qui occupaient, encore en 2014, la première place du classement.
Le tourisme, facteur déterminant des politiques de visas
Le processus de réciprocité entre États dépend de leurs relations historiques, de leurs intérêts économiques ou diplomatiques. « Les pays ont tendance à faciliter les voyages des citoyens des États qui ont facilité les voyages et le commerce pour leurs propres citoyens », résume Henley & Partners. S’y ajoutent évidemment des préoccupations en matière de sécurité et de politique internationale (non-reconnaissance d’un pays par un autre, par exemple).
En outre, le tourisme demeure un autre facteur déterminant des décisions en matière de politique des visas. Ainsi, au Moyen-Orient, des pays comme le Qatar, l’Arabie saoudite et lesÉmirats arabes unis ont priorisé le tourisme dans le cadre de leurs stratégies économiques à long terme. Soucieux de réduire leur dépendance, ces pays se montrent très proactifs dans la libéralisation de leurs politiques internes en matière de visas.
Les Émirats arabes unis ont ainsi ajouté pas moins de 107 destinations à leur score d’exemption de visa depuis 2013 et ont effectué un bond de 44 places dans le Henley Passport Index, passant de la 56e à la 12e position. Cette progression est presque deux fois plus importante que celle de la Colombie, qui a fait un bond de 28 places dans le classement pour se retrouver à la 37e place.
Parmi les autres pays qui ont réussi à améliorer sensiblement leur position dans l’indice, on peut encore citer la Chine, l’Ukraine, le Timor-Oriental, la Moldavie et la Géorgie.
Conflits et crises économiques
Une dynamique inverse a fait reculer des pays touchés par des conflits ou de graves crises économiques. Ainsi de la Gambie. Ce pays classé à la 63e place en 2012, juste devant les Émirats arabes unis, a perdu 11 places en dix ans et est aujourd’hui 71e. Le Venezuela est le pays qui a le plus reculé, perdant 17 places, suivi du Yémen, de la Syrie, du Nigeria et de la Corée du Nord.
Serait-ce à dire que les démocraties sont plus ouvertes ? L’étude montre que les régimes autoritaires ont progressé depuis 2066 à des rythmes similaires. En revanche un autre indice de Henley & Partners, axé sur la relation entre l’ouverture d’un pays aux étrangers (le nombre de pays autorisés à franchir ses frontières sans visa) et la liberté de voyager de ses propres citoyens, montre qu’il existe une corrélation entre démocratie et ouverture.
Singapour et la Corée du Sud, pays parmi ceux qui ont le plus progressé dans le Henley Passport Index ces dix dernières années, affichent des degrés d’ouverture relativement élevés, tandis que les États-Unis et le Canada voisin ont reculé dans le classement des 10 pays les plus ouverts, à mesure que leur propre ouverture reculait.
Une condition sine qua non pour les investisseurs étrangers
En outre, les pays qui caracolent en tête de classement sont également ceux ayant des économies plus ouvertes qui encouragent les investissements étrangers et le commerce international. « Ils ont tendance à croître plus rapidement, sont plus innovants et plus productifs, et offrent des revenus plus élevés et davantage d’opportunités à leurs citoyens », souligne l’étude.
De manière paradoxale, l’inverse est également vrai. « Certains pays en développement dotés d’une richesse privée importante et croissante n’ont pas encore établi les relations géopolitiques, diplomatiques et commerciales qui permettent à leurs gouvernements de signer des exemptions de visa avec d’autres pays, ce qui désavantage leurs citoyens. »
Mais pour les États, « l’amélioration du pouvoir de leur passeport ne profite pas seulement à leurs citoyens en termes de voyages et de liberté financière, mais elle rend également le pays plus attrayant pour les investisseurs étrangers à la recherche d’opportunités de résidence ou de citoyenneté par l’investissement ».
Sophie Creusillet