Première étape de la tournée en Asie du Sud-Est d’Emmanuel Macron, le Vietnam est actuellement dans une position délicate, à l’image de la zone ASEAN. Le pays , dépendant commercialement des États-Unis et de la Chine, se voit reprocher par le président américain de servir de plateforme de réexportations de produits chinois en Amérique. Pour échapper au tarif de 46 % qui lui avait été initialement attribué, Hanoï a pour délicate mission de donner des gages à Washington sur le sujet, sans pour autant froisser Pékin. Le point dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
Le Vietnam qui s’était vu imposer des droits de douane de 46 % par Donald Trump le 2 avril lors du fameux « Liberation Day », se trouve dans une position des plus inconfortables dans les négociations commerciales avec Washington. L’État d’Asie du Sud Est, dont le taux a ensuite été ramené provisoirement à 10 %, comme pour les autres partenaires commerciaux des États-Unis, s’efforce d’obtenir un traitement tarifaire plus favorable d’ici à la date butoir du 9 juillet fixée par le président américain.
Cela n’aura rien d’évident : le Vietnam, troisième pays affichant le plus vaste déficit commercial avec les États-Unis (123 milliards de dollars en 2024), derrière le Mexique et la Chine, se voit reprocher par la Maison Blanche de servir massivement de plateforme de réexportation vers l’Amérique de produits étant en réalité chinois.
Les activités de réexportation dans le collimateur
De fait, les troublantes coïncidences des chiffres ces dernières années entre les baisses des ventes de la Chine vers son rival américain, et l’augmentation simultanée des exportations du Vietnam aux États-Unis (a fortiori sur le mois d’avril dernier), donnent du crédit aux accusations américaines. Selon le site The Interpreter, le contenu chinois indirectement exporté vers l’Amérique concernerait ainsi aujourd’hui environ 25 % des importations vietnamiennes en provenance de Chine.
Qu’Hanoï remédie à ce phénomène est donc, aux yeux de Donald Trump, une condition sine qua non pour que les pourparlers aboutissent … Ce qui, pour l’économie du Vietnam, est un impératif : la puissance manufacturière asiatique, qui s’est développée à grand vitesse dans le sillage de la première guerre commerciale trumpienne avec la Chine en 2018, dans le textile et dans l’électronique, est très dépendante de sa relation avec les États-Unis : les exportations du Vietnam vers l’Amérique représentent en effet 23 % de son PIB.
Dès lors, le pouvoir vietnamien s’efforce de donner des gages à Washington : le 1er avril, l’administration des douanes du pays avait lancé une enquête pour lutter contre les contrefaçons de grandes marques venant de Chine (dans le luxe, les jouets, les produits électroniques ou encore les shampoings) et ensuite exportées aux États-Unis, rappelle Le Monde.
Lutter contre le « blanchiment d’origine »
Plus globalement, le Vietnam, à l’instar d’autres pays de la région, annonce des mesures pour combattre le « blanchiment d’origine », une pratique par laquelle des biens sont envoyés dans un pays tiers, réétiquetés et réexportés avec de nouveaux certificats d’origine. Le Vietnam, mais aussi la Thaïlande et la Malaisie ont promis de resserrer leurs contrôles.
Le 15 avril le ministère de l’Industrie et du commerce vietnamien avait ainsi dévoilé une directive afin de mieux encadrer les émissions d’ étiquettes « Made in Vietnam ». Et ce, notamment « pour les entreprises qui connaissent une augmentation soudaine du nombre de demandes de certificats d’origine », est-il précisé dans ce texte cité par Le Monde.
Reste que ce phénomène n’est pas toujours illégal : de nombreuses entreprises assemblent des composants industriels venus de Chine au sein de pays tiers, au Vietnam, ou plus globalement en Asie du Sud-Est donc, ou bien y créent suffisamment de valeur ajoutée pour pouvoir légalement changer le lieu d’origine du produit. Et même lorsque les méthodes sont illégales, elles sont très difficiles à tracer.
La crainte d’énerver Pékin
Difficulté additionnelle, et pas des moindres : Hanoï comme les autres capitales de la région, est très réticente à s’attaquer trop frontalement à des grandes entreprises chinoises, par crainte d’énerver Pékin.
Le Vietnam, qui est aussi dépendant de l’ogre économique chinois, en matière commerciale, et d’investissements, a, comme l’Indonésie, pour ligne de ne pas choisir entre Pékin et Washington : un positionnement nommé « diplomatie du bambou » qui a permis au pays d’établir de profondes relations économiques avec les deux grandes puissances mondiales.
Reste que M. Trump intime à Hanoï de trancher. Et qu’il faudra donc beaucoup d’adresse au pouvoir vietnamien pour se sortir de ce périlleux numéro d’équilibriste.