La France a une grande idée : organiser rapidement à Paris une conférence internationale de soutien à la nouvelle
Tunisie, laquelle devrait tenir ses principales élections avant la fin de l’année. « Peut-être faut-il imaginer un glissement au premier trimestre 2015 », tempère-t-on dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI). Faute d’accord sur les dates exactes, les partis politiques tunisiens viennent juste de convenir de l’ordre des scrutins : les législatives avant la présidentielle.
Visiblement Laurent Fabius veut agir. D’abord, parce que faute de légitimité politique le gouvernement de technocrates à Tunis, dirigé par Mehdi Jomaâ, ne parvient pas à impulser les réformes économiques et politiques indispensables (réforme du secteur bancaire, de la Caisse des compensation…) dans un pays affichant, au demeurant, un chômage moyen de 17 %. « Ce taux est certainement supérieur dans les régions de l’intérieur, comme dans la zone de Kasserine vers l’Algérie, où terrorisme et délabrement des services publics, notamment hospitaliers, se conjuguent», s’inquiète un diplomate européen en poste à Tunis.
Plus encore, c’est « le trou noir, le chaos libyen » que craindrait le MAEDI. D’où l’idée de réunir, y indique-t-on, « 30 à 40 partenaires », qui soient « quelques partenaires européens et d’autres comme le Canada et le Japon, de grands bailleurs de fonds multilatéraux, des banques et des fonds arabes » pour « non pas donner une aide budgétaire, mais financer des projets structurants et articuler une vision du développement économique ». La situation économique ne cesse, en fait, de se détériorer. La France, en particulier, ne nourrit plus autant le tourisme de la Tunisie, qui contribue en année normale à 7 % du produit intérieur brut. De 1,4 million en 2008, le nombre de touristes hexagonaux s’est juste maintenu à un million deux ans plus tard avant de tomber à 700 000 en 2012 et 2013.
Ensuite, Paris veut profiter de la fenêtre politique favorable. Le parti islamiste Ennahda a incontestablement perdu de son aura. Il s’est résolu à abandonner les rênes du gouvernement et ne représenterait plus que 25 % des intentions de vote, soit 15 points de moins que lors de la constitution de l’Assemblée constituante en octobre 2011. Face à lui, le mouvement Nidaa Tounes de l’ancien Premier ministre Beji Caïb Essebsi recueillerait aujourd’hui 50 % des intentions de vote. Plus encore, remarque-t-on à Paris, Ennahda « a reculé sur tout » au moment de l’adoption de la Constitution, adoptée à 92 % le 26 janvier dernier par l’Assemblée constituante. «Même la liberté de conscience y est consacrée », affirme un diplomate français.
Affaibli mais faisant preuve de flexibilité, Ennahda pourrait entrer dans une grande coalition menée par NidaaTounes, imagine-t-on à Paris. Un schéma d’autant plus séduisant que les deux possibles partenaires défendent la même ligne économique libérale. La nouvelle équipe serait supportée par la centrale syndicale UGTT et le patronat Utica qui ont travaillé ensemble, évitant avec succès un blocage des institutions politiques. L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) tient ses troupes, même, si convient auprès de La Lettre confidentielle un diplomate français, le puissant syndicat « peut rencontrer des difficultés avec quelques directions régionales ».
Pour la France, il s’agit aussi de montrer que les entreprises françaises croient plus que jamais en la nouvelle Tunisie. On insiste, d’ailleurs, sur le fait qu’il n’y a pas plus de fermetures d’entreprises tricolores depuis le début de la révolution du jasmin. En septembre prochain, plusieurs entreprises du groupement des entreprises parapétrolières (GEP-AFTP) vont ainsi se rendre dans la région de Sfax, qui concentre 80 % de la production nationale d’hydrocarbures (voir rubrique « Ça bouge »). Pragmatique, Jean-Jacques Royant, directeur au GEP-AFTP de la zone Afrique du Nord-Moyen-Orient, estime qu’au-delà du marché domestique « des coopérations industrielles sont possibles pour travailler en Afrique » et que son organisation peut participer à « la constitution d’un GEP dans chaque pays du Maghreb ».
François Pargny