A l’occasion d’une tournée en Amérique latine qui l’a conduit fin juin et début juillet en Argentine puis au Brésil, le ministre délégué en charge du Commerce extérieur et des Français de l’étranger Laurent Saint-Martin à signé un accord avec le gouvernement argentin portant sur les minerais critiques. Un renforcement de la coopération bilatérale qui intervient alors que les entreprises françaises sont de retour dans le pays.
A la tête d’une délégation d’entreprises françaises, Laurent Saint-Martin (photo en couverture, avec le Premier ministre argentin) s’est rendu en Argentine fin juin pour une visite de 3 jours, afin de resserrer les liens avec un pays encore fragile, mais qui émerge tant bien que mal d’une crise d’hyperinflation chronique à la suite des remèdes de cheval infligés par l’hyper-libéral et trumpiste Javier Milei, l’homme, au pouvoir depuis novembre 2023, qui a popularisé la tronçonneuse comme symbole des coupes drastiques dans les dépenses publiques.
Baisse de l’hyperinflation, retour de la croissance
Après deux ans de récession, l’économie argentine devrait en effet cette année renouer avec la croissance (5 % en 2025 prévu dans les objectifs arrêtés avec le FMI, après -3,8 % en 2024). L’hyper-inflation a connu un coup d’arrêt, passant de 290 % en avril 2024 à 118 % en décembre 2024, et les autorités visent à présent un taux très ambitieux de 18 % en 2025.
Des chiffres à prendre avec une certaine prudence. « Les prévisions de croissance (5%) et d’inflation (18%) du gouvernement semblent optimistes par rapport aux prévisions du consensus (4,4% et 30%) » nuancent ainsi les analystes du Crédit Agricole.
Mais le fait est qu’après avoir remis sur les rails le programme négocié avec le FMI, permettant une réouverture du robinet financier, et réduit le déficit public à -3,3 % du PIB en 2024 (-10 % en moyenne entre 2020 et 2023), dégageant même un excédent budgétaire primaire, ce pays récidiviste en matière de défaut de paiement a réussi à régler à ses créancier publics , en février, une échéance de 4,3 milliards de dollars (Md USD).
Du coup, même les assureurs-crédits se montrent un peu plus optimistes à l’instar de Credendo, qui a amélioré sa note de risque politique court terme de 7 à 6, sur une échelle de 1 à 7, du meilleur au pire. Un signal positif, même s’il est encore faible. Dans les évaluations sectorielles de Coface, la plupart des secteurs argentins ont toutefois encore des notes de risques élevé à très élevé, à l’exception de l’agroalimentaire (fortement exportateur) et la pharmacie, évalué comme à « risque moyen ». Coface note encore le risque pays D (sur une échelle de A à D, du meilleur au pire) et B pour le climat des affaires, Credendo note le climat des affaires G, la plus mauvaise appréciation (sur une échelle de A à G). Allianz Trade note le risque argentin court terme D4, soit une appréciation très mauvaise.
Mais si les assureurs-crédits privés restent prudents, voire frileux, le guichet public est désormais disponible. Bpifrance assurance export a en effet réouvert son guichet d’assurance-crédit dès février 2024 pour répondre à la demande, le pays ayant alléger ses restrictions aux importations. En particulier, la réglementation des paiements aux fournisseurs étrangers a changé début 2024 : l’ancienne réglementation qui obligeait les PME à fractionner leur paiement (4 versements mensuels à 30, 60, 90 et 120 jours) a été modifiée pour permettre un paiement unique à 30 jours. De quoi grandement faciliter les affaires.
L’an dernier, selon les statistiques de la Douane française, les exportations françaises ont atteint 769 millions d’euros, contre 404 millions pour les importations depuis l’Argentine, permettant de dégager un excédent commercial de + 365 millions d’euros. Sur les 12 derniers mois à fin mai, les exportations sont en progression à 771 millions d’euros. Elles sont dominées par les biens manufacturés.
Hausse des investissements français de 43 % en 2024
Riche en matières premières agricoles et minières nécessaires à la transition énergétique (Lithium, cobalt, nickel…) l’Argentine, également membre du Mercosur (Marché commun du Sud, associant le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay), suscite un net regain d’intérêt des entreprises françaises : à la faveur du changement de l’environnement des affaires, leurs investissements ont augmenté de 43 % entre 2023 et 2024 selon un post de Laurent Saint-Martin sur Linkedin. De quoi justifier un réchauffement des relations diplomatiques un temps refroidies par les désaccords entre le chef de l’Etat argentin et le président français, notamment sur la question climatique.
Il prendra la forme, dans un premier temps, d’une déclaration d’intention – ou MoU (Memorandum of understanding)- pour un accord sur les minerais critiques, déjà évoqué par Javier Milei et Emmanuel Macron en marge du dernier Sommet des Océans de Nice. Paraphé par Laurent-saint Martin et Luis Lucero, secrétaire d’Etat aux Mines, cet accord préliminaire porte, selon un communiqué du Quai d’Orsay, sur « la coopération bilatérale en matière de minerais critiques » et en fait une « priorité stratégique » dans les relations bilatérales.
Le groupe français Eramet a déjà investi dans une unité d’extraction de Lithium dans la province de Salta. D’après Les Echos, les investissements français ont atteint 7,6 milliards de dollars en 2024 dans le pays, intéressant bien d’autres secteurs comme l’industrie pharmaceutique ou les matériaux de construction. Au cours de son déplacement, le ministre français a ainsi rendu visite au site de production de vaccins pédiatriques de Sanofi à Pilar ainsi qu’à un quartier de Buenos Aires où le groupe Saint-Gobain contribue à un programme municipal facilitant l’accès aux matériaux de construction
et à la formation professionnelle.
Mais le pays a cruellement besoin d’attirer les investissements étrangers pour relancer la machine économique et équilibrer sa balance des paiements. Il espère, toujours selon Les Echos, attirer d’ici 2032 7 milliards de dollars d’investissements rien que dans le domaine minier « par des entreprises internationales comme le chinois Ganfeng ou l’anglo-australien Rio Tinto ».
C.G