Le Conseil de l’Union européenne (UE) a adopté le 27 mai l’enveloppe de 150 milliards d’euros prévu pour la mise en œuvre du mécanisme « SAFE » dédié au financement de marchés publics conjoints dans les domaines de la sécurité et de la défense. Les grandes lignes des critères d’octroi des fonds ont été dévoilés à cette occasion. Le mécanisme est en vigueur depuis le 29 mai. Revue de détail.
Nous le disions dans un précédent article : les marchés d’armements et d’équipements de défense devraient connaître une franche expansion en Europe ces prochains mois, portés par l’augmentation des budgets des États membres de l’UE mais aussi par les nouveaux financements européens du plan ReArm Europe lancé début mars dernier par la Commission européenne.
Parmi les nouveaux instruments de financement européens mis en place le 29 mai dans ce nouveau cadre, figure le mécanisme « SAFE » (pour Security Action for Europe), un mécanisme inédit dont l’enveloppe de 150 Md EUR vient d’être adoptée par le Conseil européen. Son objectif : aider les États membres de l’UE et ses partenaires à « investir dans la production industrielle de défense par le biais d’achats communs, en mettant l’accent sur les capacités prioritaires ».
SAFE financera ainsi des investissements « urgents et à grande échelle » dans la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). « L’objectif est d’augmenter les capacités de production, de s’assurer que les équipements de défense sont disponibles en cas de besoin, et de combler les lacunes capacitaires existantes, renforçant ainsi l’état de préparation globale de l’UE en matière de défense » rappelle un communiqué du Conseil.
Le mode d’emploi de SAFE
Selon les précisions apportées par le Conseil, les fonds SAFE seront versés aux États membres intéressés « sur demande » et « sur la base de plans nationaux ». Il n’est pas question de subvention. Les décaissements prendront la forme de « prêts à long terme à des prix compétitifs », qui seront donc remboursés par les États membres bénéficiaires.
Des critères d’éligibilité favorisant la collaboration entre pays ont été introduits. Ainsi pour éviter une nouvelle « fragmentation » de la BITDE, favoriser l’interopérabilité et générer des économies d’échelle, les États membres bénéficiaires devront, « en principe », procéder à des « marchés publics communs » impliquant « au moins deux pays participants » pour être éligibles aux prêts.
Toutefois, en cas d’urgence, SAFE permettra également de passer des marchés publics impliquant « un seul État membre » et ce, pendant une période limitée.
Les règles de participation des pays tiers
Nouveauté notable : SAFE a été ouvert à la coopération avec les pays tiers alliés de l’UE. L’Ukraine et les pays de l’EEE-AELE (Norvège, Liechtenstein, Islande, Suisse) « seront traités dans les mêmes conditions que les États membres » indique le Conseil. Concrètement, ces cinq pays pourront adhérer à des marchés publics communs, mais il sera également possible de se fournir auprès de leurs industries avec le soutien de SAFE.
Le mécanisme permettra aussi aux pays adhérents, aux pays candidats, aux candidats potentiels et aux pays qui ont signé un partenariat de sécurité et de défense avec l’UE, comme le Royaume-Uni, de participer à des marchés publics qu’il finance.
Enfin, SAFE offre la possibilité de conclure un accord bilatéral ou multilatéral supplémentaire avec ces États tiers, en vertu duquel les conditions d’éligibilité pourraient être plus ouvertes.
Les projets éligibles
Concernant les critères d’éligibilité des projets faisant appel au soutien financier de SAFE, une première liste de domaines prioritaires a été identifiée par le Conseil européen du 6 mars 2025. Ils seront divisés en deux catégories de produits de défense :
1) Catégorie 1 : les munitions et missiles ; des systèmes d’artillerie, y compris des capacités de frappe de précision profonde ; les capacités de combat au sol et leurs systèmes de soutien, y compris l’équipement des soldats et les armes d’infanterie ; la protection des infrastructures critiques ; cyber; la mobilité militaire, y compris la contre-mobilité ;
2) Catégorie 2 : les systèmes de défense aérienne et antimissile ; les capacités maritimes de surface et sous-marines ; drones et systèmes anti-drones ; les catalyseurs stratégiques, tels que, mais sans s’y limiter, les systèmes de transport aérien stratégique, de ravitaillement en vol et de C4ISTAR, ainsi que les biens et les services spatiaux ; la protection des biens spatiaux ; l’intelligence artificielle et la guerre électronique.
Une exigence de part de l’UE de 65 %
A noter que les produits de la catégorie 2 seront soumis à des conditions d’éligibilité « plus strictes » : il faudra que les contractants aient la capacité de décider de la définition, de l’adaptation et de l’évolution de la conception du produit de défense acheté.
Pour les deux catégories de produits, une exigence de part de l’UE a été introduite : les marchés publics devront « garantir que le coût des composants originaires de l’extérieur de l’UE, des États de l’EEE-AELE et de l’Ukraine ne dépasse pas 35 % du coût estimé des composants du produit final ». Autrement dit, la part de l’origine UE dans le produit final devra atteindre au minimum 65 %.
Christine Gilguy