L’Égypte fait face à une pénurie de devises que le déclenchement du conflit entre Israël et le Hamas n’a fait qu’aggraver. Coface vient de publier une note à ce sujet qui devrait inciter les exportateurs développant des courants d’affaires avec ce pays à redoubler de vigilance.
Le service économique de Beyrouth l’avait signalé dans son bulletin de début novembre : les réservations de billets d’avions à destination de l’Égypte étaient en chute de 26 % en glissement annuel depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas le 7 octobre. Or, le tourisme est l’une des deux principales sources de devises du pays avec le canal de Suez, lui aussi affecté négativement par le ralentissement du commerce international. Par ailleurs, les transferts de fonds de la diaspora égyptienne, principalement en provenance du Golfe et du Royaume-Uni, ont de leur côté chuté de 38 % en glissement annuel au premier semestre 2023, selon Coface.
Résultat : la pénurie de devises est telle que la Banque centrale d’Égypte a demandé aux banques commerciales du pays de limiter l’utilisation des cartes de crédit pour les transactions en devises étrangères. « Il s’agit là de la dernière manifestation en date du manque de devises étrangères dans le pays, les importateurs égyptiens ayant de plus en plus de mal à obtenir des devises pour régler leurs fournisseurs étrangers » souligne une note de conjoncture de Coface publiée le 21 novembre.
La situation est d’autant plus délicate qu’elle intervient à quelques semaines de la prochaine élection présidentielle, prévue le 10-12 décembre, pour laquelle l’actuel président Al-Sissi brigue un troisième mandat.
Les besoins de financement extérieurs du pays restent très importants d’après l’assureur-crédit : le service de la dette extérieure (165 milliards de dollars en septembre) pourrait lui couter 29 milliards de dollars (Md USD) en 2024. Autre contrainte : le niveau des réserves de change qui fondent depuis 2019. Celles-ci sont passées de 45,4 Md USD en 2019 à 35 Md USD en septembre 2023, soit 4,5 mois d’importation, rendant plus compliquée, pour la Banque centrale égyptienne, sa politique de soutien à la livre égyptienne (EGP). En un an, le taux de change du dollar / EGP s’est apprécié de plus de 25 % et l’inflation galopante (près de 40 %) met sous tension le pouvoir d’achat de la population.
Signe de cette tension, utiliser le troc est une option envisagée pour les achats de thé en provenance du Kenya, selon Coface. Le gouvernement du Caire bénéficie toutefois du soutien financier des États-Unis et de ses alliés du Golfe ( Arabie Saoudite et Émirats arabes unis) et d’une meilleure conjoncture grâce à la baisse des prix mondiaux du blé, dont le pays est le premier importateur mondial. Dans ce contexte, l’assureur-crédit pense peu probable que le gouvernement prennent, avant les élections, des décisions brutales pour rééquilibrer ses comptes extérieurs, type restrictions budgétaires, forte dévaluation ou instauration d’un système de taux de change flottant. Dans ces conditions, la pénurie de devises devrait perdurer.
Christine Gilguy