L’Australie et la Chine sont en train de mettre fin à une longue période de tensions marquées par des sanctions et restrictions commerciales réciproques. Les vins australiens devraient, dans ce contexte, faire leur retour sur le marché chinois. De quoi inquiéter les exportateurs français de cette filière. Le sujet est venu jusqu’à l’Assemblée nationale. Explication.
Le 25 octobre, devant la Commission des affaires étrangères où il présentait son rapport pour avis sur le budget du commerce extérieur et de la diplomatie économique, le député de Haute Garonne (Horizon) Jean-François Portarrieu n’a pas caché ses inquiétudes.
« J’ai appris au cours de l’enquête que le Premier ministre australien allait en Chine pour négocier la fin des sanctions qui devaient durer jusqu’en 2026 ». Une allusion aux restrictions et droits de douane appliqués sur les exportations de certains produits phares australiens –orge, sucre, bœuf, charbon et vins– par la Chine pour punir le gouvernement de Canberra de ses positions critiques sur les origines de la Covid-19 ou sur le respect des droits de l’homme.
De fait, depuis quelques semaines, Australiens et Chinois multiplient les gestes de bonne volonté pour enterrer la hache de guerre en vue de la prochaine visite officielle en Chine du Premier ministre australien Anthony Albanese, du 4 au 7 novembre. La première d’un chef du gouvernement australien depuis… 2016.
Libération d’un journaliste australien par les autorités de Pékin, promesse de l’Australie de mettre fin aux droits antidumping pesant sur les importations de tours éoliennes chinoises et de ne pas annuler le bail de 99 ans signé par le gouvernement du Territoire du Nord à la société chinoise Landbridge pour la location du port de Darwin… Et depuis peu, on sait que Canberra et Pékin se sont mis d’accord pour mettre fin aux droits de douane imposés aux vins australiens par la Chine et à leur différend à l’OMC. Les autorités chinoises doivent procéder à un « examen accéléré » de ces taxes, tandis que Canberra a annoncé lever sa plainte à l’OMC contre ces mesures chinoises durant le temps de ce processus.
Les vins australiens devraient revenir sur le marché chinois
Autrement dit, les vins australiens ne devraient pas tarder à faire leur réapparition sur le marché chinois à des tarifs très compétitifs. Une menace pour les produits français. Dans son rapport pour avis, non encore publié sur le site de l’Assemblée national, le député de Haute-Garonne, qui a choisi cette année de faire un focus sur la filière vins et spiritueux (après l’aéronautique l’an dernier) s’en inquiète.
Car au premier trimestre 2023, selon les chiffres cités par le député, si les exportations de vins français ont cru de 14 % en valeur en Asie, tirées par la Chine et Singapour, ils sont en recul en volume. Au plan mondial, les exportations de vins ont ainsi chuté de 10 % en volume (dont – 28 % vers les États-Unis). Pour la Chine, les derniers chiffres de France Agrimer publiés en juin indiquent que sur la période de campagne d’août 2022 à mars 2023, les volumes exportés ont chuté de – 28 %, entrainés par les piètres performances du vrac (- 57 % pour le gros vrac).
Comme partout, dans le contexte de l’inflation et du ralentissement économique, les Chinois consomment moins et font plus attention aux prix. Ils se tournent vers des produits plus faciles à comprendre – les vins de marque du nouveau monde, moins complexes que les appellations de terroir chères aux Français – et meilleur marché. « En dehors des grands crus, nous assistons à un effondrement des volume exportés en Chine » constate Jean-François Portarrieu, qui déplore que les autres vins français, y compris mono-cépage, soient moins connus. Ceux qui en profitent sont les exportateurs chiliens de vins en vrac, notamment, en attendant le retour annoncé des vins australiens.
« Une cible idéale des combats commerciaux »
D’autres défis pèsent sur la filière : le vin est, selon le député de Haute-Garonne, « bien identifié comme un fleuron d’Europe de l’Ouest », l’Italie et la France étant les deux premiers exportateurs mondiaux. Revers de la médaille : cela en fait « une cible idéale des combats commerciaux ». Les surtaxes douanière appliquée sous l’administration Trump aux États-Unis, abrogées par l’administration Biden en 2021, sont encore dans toutes les mémoires. Et cette menace n’est pas négligeable dans le contexte actuel de tensions entre le monde occidental et la Chine sur la question des exportations de technologies ou d’approvisionnement en matériaux critiques, même si l’Europe n’a pas adopté une ligne aussi dure que celle des Etats-Unis. La récente décision de l’UE de lancer une enquête anti-subvention sur les véhicules électriques chinois a ainsi déclenché l’ire des autorités de Pékin.
Pour mieux armer les entreprises françaises exportatrices dans cet environnement incertain, le député de Haute-Garonne, qui a reconnu qu’il ignorait les récentes améliorations des relations entre l’Australie et la Chine avant de faire ses auditions, plaide pour une meilleure information des entreprises sur les menaces d’ordre commercial et douanière pouvant impacter leurs perspectives à l’export.
Concrètement, Jean-François Portarrieu a fait voter par la Commission des affaires étrangère, le 25 octobre, un projet d’amendement au projet de Loi de finance 2024 demandant que les administrations et opérateurs de l’État fournissent aux entreprises « les éléments d’analyse nécessaires pour identifier les menaces commerciales et douanières » pouvant affecter leurs activités.
L’amendement demande précisément la réalisation d’ici avril 2024 d’un rapport présentant les principales menaces de cet ordre dans les 20 pays les plus importants, en volume, pour les vins français. Sollicité par Le Moci, Jean-François Portarrieu a précisé, dans un courriel, que « le projet d’amendement qui a été voté en commission des affaires étrangères devrait être déposé dans une autre rédaction (plus précise) en séance publique dans une quinzaine de jours ».
A suivre…
Christine Gilguy