Outre-Rhin, la cinquième vague pandémique n’est pas le seul facteur qui freine la reprise. Les perspectives de croissance sont déjà contrariées par les difficultés croissantes d’approvisionnement en matières premières et biens intermédiaires qui alimentent les pressions inflationnistes. Telle est l’une des principales observations faites par les économistes du Crédit Agricole dans une récente étude.
Selon Philippe Vilas-Boas, économiste au Crédit Agricole, sur l’ensemble de l’année 2021, la croissance annuelle du PIB allemand ne devrait pas dépasser 3,2 % en raison du faible acquis de croissance du premier trimestre, et ce, en dépit du rebond d’activité escompté au second semestre. La problématique d’approvisionnement et de hausse des prix entravent la sortie de crise.
L’année prochaine devrait en revanche être marquée par une accélération de la croissance à hauteur de 4,3% sous l’effet de l’acquis positif laissé en fin d’année, selon l’expert.
Les raisons de ce dysfonctionnement, relevées par l’enquête menée par l’Association des chambre de commerce et d’industrie allemandes (DIHK), sont liées à la reprise rapide d’activité, après l’abaissement des contraintes sanitaires rendu possible par la vaccination de masse dans les pays dits avancés. Mais, en Allemagne, ce taux de vaccination reste inférieur à 70%, soit un niveau moins élevé que dans d’autres pays européens comme la France, par exemple (89% des personnes âgées de plus de 18 ans ont reçu deux doses de vaccin).
Les Etats-Unis, vortex de consommation des produits fabriqués par la Chine
Le surcroît de demande en Allemagne n’arrive pas à être satisfaite, car l’approvisionnement venant d’Asie via le fret maritime essentiellement mais aussi aérien, est massivement aspiré par les États-Unis au détriment de l’Europe.
L’ensemble des conteneurs disponibles est mobilisé, mais plusieurs hubs portuaires sont congestionnés. La captation du fret maritime ne peut se faire qu’à un coût plus élevé, vecteur d’inflation sur les matières premières et les produits intermédiaires que les États-Unis sont plus enclins à assumer.
Ces pénuries et problèmes d’approvisionnement ont pour principaux effets de renchérir le prix des biens produits chez la très grande majorité des entreprises (88%) et de rallonger le temps de production, selon la DIHK. Ils engendrent pour 43 % des entreprises des pertes de chiffre d’affaires et une incapacité à satisfaire une demande pourtant forte. Un quart des sociétés va même jusqu’à baisser sa production pour ces motifs. Face à ces difficultés, les deux tiers des entreprises répercutent sur leurs tarifs le surcoût lié au renchérissement de l’approvisionnement.
Vers une refonte des chaînes de valeur ?
Plus de 64 % d’entre elles cherchent à faire appel à d’autres fournisseurs et à reconstituer des stocks prévisionnels. Certaines entreprises (17%) sont contraintes à des mesures de travail restreint et 8% d’entre elles souhaitent déplacer certains sites de production plus proches de leur sphère commerciale, afin de s’approvisionner plus efficacement et à moindre coût.
Ces nouvelles contraintes poussent à une réflexion sur des chaînes de la valeur qui seraient moins polarisantes pour les entreprises et moins dépendantes de la production asiatique et en particulier chinoise.
E.S.