« Ubifrance et la Région veulent toutes deux cibler les exportateurs à haut potentiel, nous, notre cible, c’est les exportateurs normaux qui sont déjà très heureux d’obtenir un accroissement de leur chiffre d’affaire dans un pays comme l’Allemagne » confie Gilles Dabezies, directeur général adjoint en charge des Actions internationales et européennes de la Chambre de commerce et d’industrie Paris Île-de-France (CCIP IdF) à la Lettre confidentielle. Autrement dit, renforcer l’export des PME oui, mais pas à tout prix.
Le responsable relativise ainsi le tropisme européen des PME exportatrices franciliennes révélé par une enquête publiée le 9 juillet, et, par la même occasion, le discours ambiant depuis plusieurs années sur la nécessité d’aller dans les pays émergents. Cette première enquête sur les PME exportatrices franciliennes fait notamment apparaître que 61 % des 800 PME interrogées ont encore pour premier débouché l’Europe de l’Ouest, ce qui apparaît décevant, pour la première région exportatrice de France, au regard des efforts déployés ces dernières années par les pouvoirs publics, CCI incluses, pour réduire cette dépendance européenne.
« Je ne pousse dans les pays émergents que celles qui ont une maturité et une taille critique, c’est un peu notre différence avec Ubifrance », justifie Gilles Dabezies, qui assume complètement de « relativiser » l’attrait des pays émergents. En Europe, le coût d’accès est moindre, le risque de change et nul et les marchés, même en temps de crise, « sont riches », argumente-t-il. De quoi se faire la main, avant de voir plus loin.
L’enquête, qui vise à établir une cartographie précise des entreprises exportatrices de la région et de leurs comportements, est destinée à être renouvelée chaque année. Selon Gilles Dabezies, elle sera complétée d’ici à la fin de cette année par une autre étude, cette fois-ci axée sur l’évaluation de l’impact des actions de la chambre à l’international, « sur le modèle de l’enquête d’évaluation d’Ubifrance ». «C’est avec ces deux outils de pilotage que l’on pourra améliorer nos actions » estime le responsable.
Une convention en discussion avec la nouvelle agence régionale Paris Région Entreprises
En attendant, comment corriger d’autres faiblesses des PME exportatrices franciliennes révélées par l’enquête ? « Ce sont des pistes d’action pour nous », assure Gilles Dabezies. En matière de communication et de marketing, par exemple, l’enquête révèle que si 85 % des PME exportatrices ont un site Internet, plus d’un tiers -37 %- n’ont encore qu’une version française… « Notre idée est, dès 2015, de régionaliser e-export, un programme monté par la CCI départementale de Seine Saint Denis et qui marche très bien, répond le responsable. Nous voulons même aller plus loin qu’une simple traduction de sites Internet pour entrer dans leur adaptation interculturelle ».
Une autre lacune révélée par l’étude, peut être plus grave encore, est que près des trois quarts des exportateurs interrogés vendent à l’export les mêmes produits qu’en France, sans adaptation aux marchés cibles, ce qui peut être une fragilité à long terme. «Nous allons renforcer nos actions et nos programmes de formation sur l’interculturel en introduisant des focus sur l’interculturalité des produits », indique encore Gilles Dabezies.
Des ajustements qui devront aussi s’intégrer à la nouvelle donne régionale en matière de pilotage export. Le 1er juillet, l’ancienne Agence régionale de développement (ARD) et le Centre francilien de l’innovation (CFI) ont fusionné pour donner naissance à Paris Région Entreprises (PRE), la nouvelle structure qui prendra en charge la politique régionale en faveur des entreprises (Lire notre article dans la LC cette semaine*). La CCIP IdF, qui est à son conseil d’administration, est en train de négocier une convention pour que les deux organismes se coordonnent.
«Pour l’accompagnement des entreprises à l’international, cette coordination renvoie à ce qui est prévu dans le PRIE (plan régional d’internationalisation des entreprises), résume Gilles Dabezies. Ubifrance cible les PME de croissance et les ETI, PRE à un objectif d’accompagnement de 150 PME et nous toutes les autres ». Autre sujet en cours de discussion avec la Région : l’intégration de PRE au consortium Entreprise European Network (EEE) pour son prochain programme 2015-2021.
Enfin, les réseaux de bureaux à l’étranger respectifs des deux structures pourrait faire l’objet de partenariats croisés : la CCIP IdF pourrait ainsi se servir, aux États-Unis, des bureaux que possèdent à San Francisco et Boston Hubtech 21 et Prime, deux filiales de l’ancienne ARD, et qui accueillent déjà le French Tech Hub ; au Brésil, où la chambre possède un bureau à São Paulo, ce serait l’inverse et des synergies similaires seraient recherchées sur la Chine, y compris avec d’autres institutions.
« Tout ces points sont en discussion », précise Gille Dabezies. Ils devraient notamment être à l’ordre du jour d’une réunion avec PRE prévue la semaine prochaine entre les responsables des deux structures.
Christine Gilguy
*Ile de France : Jean-Paul Planchou veut recentrer la stratégie sur les aides aux entreprises