Un rapport présenté ce lundi [23 juin] au Vingt-Sept acte que l’État hébreu rompt ses engagements en matière de droits de l’homme figurant dans l’accord d’Association liant Israël à l’Europe. Les Européens s’orientent-ils pour autant vers une suspension de ce texte qui régit notamment les échanges commerciaux ? Le point dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
Un rapport officiel présenté ce lundi [23 juin] à Bruxelles aux vingt-sept ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) acte pour la première fois qu’Israël fait systématiquement fi de ses engagements en matière de droits de l’Homme inscrits dans l’accord d’Association liant l’État hébreu à l’Europe (en son article 2).
Une trentaine de grands principes seraient ainsi bafoués à Gaza, dans la guerre déclenchée suite aux attaques terroristes du 7 octobre 2023, mais aussi en Cisjordanie, à travers l’expansion des colonies israéliennes dans les territoires occupés, selon ce rapport.
Le document de 8 pages a été rédigé par les experts juridiques du Service européen d’action extérieure après qu’une solide majorité de pays membres de l’Union (17 d’entre eux) eut convenu fin mai de réexaminer l’accord d’Association. Ce traité, en vigueur depuis 2000, régit entre autres les échanges commerciaux, domaine où Israël est très dépendant de l’Union.
Un gel peu probable, des mesures commerciales envisageables
Un gel de la totalité de cet accord, ce qui nécessiterait un vote à l’unanimité des Vingt-sept, apparaît quasiment impossible, a fortiori dans le nouveau contexte de la guerre avec l’Iran : les États membres les plus proches d’Israël, comme l’Allemagne, l’Autriche ou la République Tchèque, estiment que cela reviendrait à limiter la capacité d’Israël à se défendre.
Cependant, pour que l’Union prenne des mesures ne touchant qu’au commerce, nul besoin d’un vote à l’unanimité, une « majorité qualifiée » suffirait (soit 15 États sur 27, représentant au moins 65 % de la population de l’UE), ce qui ne semble plus réaliste.
Or les mesures commerciales sont aussi celles qui auraient le plus d’impact : l’Europe compte à elle seule pour 32 % du total des échanges de biens et de services effectués par Israël, ce qui en fait de très loin le premier partenaire commercial de ce pays de 10 millions d’habitants – lequel ne représente a contrario que 0,8% du commerce européen.
Il ne s’agirait certes pas de décréter un embargo, mais plutôt de remettre en cause l’accès privilégié au marché européen prévu par cet accord au nom des violations des droits de l’homme. C’est donc là potentiellement un levier de pression majeur à la main des Vingt-sept.
Des clauses comme celles figurant à l’article 2 du traité avec Israël ont d’ailleurs été invoquées une vingtaine de fois depuis les années 1990 pour prendre des mesures essentiellement contre des États africains, dans des cas de coup d’État, et autres violences.
Les États membres divisés
Reste que l’UE ne semble pas prête à décider de restrictions commerciales contre Israël, en tout cas dans le très court terme, même si les États membres les plus sensibles à la cause palestinienne, dont la Belgique, l’Espagne et l’Irlande, manifestent leur impatience.
Les Vingt-Sept devraient a minima attendre un petit mois, la prochaine réunion de leurs ministres des Affaires étrangères, fixée au 15 juillet, pour considérer toute mesure, comme l’a suggéré le locataire du Quai d’Orsay Jean-Noël Barrot.
L’UE entend utiliser ce délai afin de faire pression sur Israël « pour que les choses s’améliorent pour les gens sur le terrain », et notamment pour que l’aide humanitaire dans la bande de Gaza soit distribuée, a indiqué la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Kaja Kallas. Faute de concession israélienne, la position de la France, qui avait soutenu le réexamen de l’accord d’Association fin mai, mais fait depuis planer l’ambiguïté, pourrait bien s’avérer décisive.
Au-delà de la relation avec Israël, les Européens pourraient s’avérer réticents à fâcher Donald Trump, l’acolyte de Benyamin Nétanyahou, dont ils craignent les humeurs. Et pour cause, l’UE dépend des États-Unis pour sa propre sécurité et pour la prospérité de son économie.
Une option plus prudente serait de mettre fin au commerce avec les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, comme l’ont réclamé huit États membres (Belgique, Finlande, Irlande, Luxembourg, Pologne, Portugal, Slovénie, Espagne et Suède) dans une lettre adressée la semaine dernière à la Commission européenne.