Les vins français bloqués dans les cuves faute de… bouteilles. A une envolée des prix des bouteilles vides, amorcée en 2022, s’est ajouté depuis quelques mois leur manque de disponibilité, contraignant les viticulteurs à retarder l’embouteillage et les expéditions. La filière, inquiète des répercussions sur ses performances à l’export, demande l’intervention de Bercy.
Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ? Encore faut-il un flacon… Et ce dernier est devenu denrée rare. Son prix a augmenté de 20 % en 2022 (proclamée « année internationale du verre » par l’Onu), sous l’effet de l’explosion du coût de l’énergie dont les verreries sont grandes consommatrices. « Depuis quelques mois, non seulement les tarifs du verre ont explosé mais la disponibilité en verre creux en France connait une chute exceptionnelle qui pénalise l’ensemble des entreprises du secteur », constatent les entreprises de la filière du vin dans un communiqué.
Résultat : les vins restent en cuve et les retards de livraison s’accumulent alors que les vendanges 2022 ont été bonnes, tant en quantité qu’en qualité, après une très mauvaise année 2021. La pénurie est particulièrement marquée pour le verre blanc et les bouteilles « super allégées », particulièrement prisées pour le vin destiné à l’export. En outre, les vignerons doivent composer avec les formats de bouteille actuellement disponibles.
Risque de perte de marchés
Pour pallier ce manque de bouteilles, ceux qui le peuvent constituent des réserves. « C’est une situation exceptionnelle, d’habitude on a dix fois moins de stock sur la cave. On est obligé de surstocker pour être sûrs de pouvoir conditionner les commandes de nos clients dans les 3 mois à venir », expliquait ainsi récemment à France 3 Thibault Crespin, maître de chai à Aspères, dans le Gard. Les domaines doivent donc financer ces commandes de bouteilles avant d’avoir vendu leur vin, ce qui implique d’importants décalages de trésorerie.
« A l’export, cette pénurie de verre, cumulée aux difficultés logistiques touchant le transport maritime, conduit à la perte pure et simple de certains marchés alors que le secteur des vins et spiritueux est le second contributeur à la balance commerciale de la France », s’inquiète la filière qui réclame « une intervention de Bercy ».
En outre, la profession s’inquiète de la transparence des activités des deux principaux verriers en France, Verrallia et O-I Glass. Le secrétaire général de la Fnsea (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), Jérôme Despey, en a également appelé à l’interventions des pouvoirs publiques lors des vœux à la presse du syndicat agricole le 11 janvier, rapporte le site d’information Vitisphère. « Nous demandons à l’État de se pencher auprès des deux fournisseurs principaux sur ce qu’il se passe en lien avec la DGCCRF [Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes]. Parce que nous avons un certain nombre de doutes sur les sujets des disponibilités en bouteilles » a-t-il déclaré.
Les verriers investissent dans la production
Les verriers, qui invoquent pour leur part des problèmes de stock à la sortie de la pandémie de Covid-19 en 2022, poursuivent leurs investissements pour suivre la cadence. Le groupe américain O-I Glass a ainsi dédié 30 millions d’euros l’an passé au renouvellement d’un de ses fours et à la modernisation d’une chaîne de production de son site de Puy-Guillaume. De son côté, le français Verrallia, troisième producteur mondial d’emballages en verre, a annoncé le 12 janvier la construction de deux nouveaux fours, en Espagne (2025) et en Italie (2026).
En attendant, les entreprises de la filière ont également maille à partir avec l’augmentation du prix du papier et du carton. Et ne peuvent compter sur les systèmes de consigne, actuellement en plein essor. S’ils permettent aux vignerons d’atténuer la pénurie, ils restent cependant impossible à mettre en place à l’international.
Sophie Creusillet