Depuis quatre ans, c’est
l’impasse politique à Madagascar. Après le renversement du président
Ravolamanana en 2009 par le maire de Tananarive, Andry Rajoelina, la Grande Ile était devenue
si ingouvernable que la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe), appuyée
par la France, ancienne puissance coloniale, avait décidé de prendre l’affaire
en mains. Ainsi, « une feuille de route a bien été fixée, à Maputo il y a
trois ans, grâce à la médiation de l’ancien président mozambicain Joaquim
Chissano, mais elle n’a jamais été respectée », regrette un familier du
dossier.
Pour sortir de l’impasse, Paris
exige maintenant le retrait des trois candidats à la présidentielle, c’est-à-dire
le président de la Transition malgache Andry Rajoelina et les anciens chefs de
l’État Marc Ravolamanana et Didier Ratsiraka. La France semble avoir fait
d’Andry Rajoelina sa cible principale. Dans un message diplomatique signé du 31
mai, visé par le secrétariat général le
3 juin, dont la Lettre confidentielle (LC) s’est procurée une copie,
l’ambassadeur de France à Madagascar, François Goldblatt, préconise « de
maintenir une ligne de grande fermeté », au moment « où la situation
politique s’envenime considérablement du fait du jusqu’au-boutisme d’Andry
Rajoelina ». C’est pourquoi il propose d’interdire au ministre de la
Promotion de l’artisanat, Élisa Alibena Razafitombo, de se rendre à Mayotte
comme elle le souhaitait.
Dans un second message diplomatique
du 31 mai, dont la LC s’est aussi procurée une copie, François Goldblatt
préconise aussi de refuser le visa « aux seuls accompagnateurs » de
l’épouse d’Andry Rajeolina, Mialy, qui projetait une visite en France du 10 au
16 juin. Une mesure, selon lui, suffisante, pour faire échouer ce projet.
Finalement, le 10 juin,
l’ambassadeur de France a pu annoncer à Tananarive que les visas de circulation
du président et de son épouse sont suspendus et que la France interdit aux
ministres malgaches de fouler le territoire national. Paris ne semble pas seule
à vouloir afficher une position dure à l’encontre du pouvoir malgache. En
effet, d’après les messages de François Goldblatt à Paris, l’actuel médiateur
de la SADC, le Dr Simao, « tente d’appliquer une pression maximale sur
Andry Rajoelina » et « le Japon vient de désinviter Rajoelina de la
Ticad » (Tokyo
International Conference on African Development) à Yokohama. Quant
à la France, « le projet de rencontre » entre le ministre malgache de
l’Élevage et le ministre français de l’Agriculture a été annulé et le ministre
malgache des Transports a été « désinvité du salon du Bourget ».
Enfin, la Banque mondiale vient
de publier un article, intitulé « chiffrer les coûts de la crise politique »
(http://www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2013/06/05/madagascar-measuring-the-impact-of-the-political-crisis)
dans lequel elle affirme qu’une « résolution politique de la crise est
urgente » et que « la solution doit s’assurer qu’aucune crise ne
survienne plus tard ». Or, le premier tour des élections présidentielles,
qui était prévu le 24 juillet, vient d’être reporté au 24 août par le
gouvernement de transition.
François Pargny