Avec la résurgence du protectionnisme américain, faut-il vraiment s’inquiéter pour les échanges mondiaux ? Pas vraiment si l’on en croit l’assureur crédit Euler Hermes, dont les prévisions économiques sont plutôt rassurantes :
- Avec des taux de 3,3 % et 3,1 % en 2018 et 2019, après 3,2 % l’an dernier, la croissance économique sera « robuste », a ainsi souligné, son chef économiste, Ludovic Subran, lors d’un point presse le 4 juillet.
- De même, le commerce mondial des biens et services restera, selon lui, à « un bon rythme », malgré un ralentissement de sa croissance en volume à + 4,1 % et 3,7 % en 2018 et 2019, après + 4,9 % l’an prochain.
Les raisons d’espérer
Il y a plusieurs raisons à cet optimisme :
- La Chine demeure très importatrice. Elle absorbe ainsi une partie de la demande de ses voisins. Du coup, les nations de l’Asean « devraient maintenir leur fort rythme de croissance portés par une demande intérieure solide et une bonne croissance des exportations », explique-t-on chez Euler Hermes.
- Les entreprises américaines ont anticipé sur les hausses de tarifs à l’importation, ce qui se traduit par une augmentation des achats à l’étranger et un nouveau creusement du déficit commercial outre-Atlantique.
- Enfin, Euler Hermes privilégie un scénario de type poker menteur ou querelle commerciale plutôt que de guerre commerciale. Outre le fait que les mesures actuelles (droits douane sur l’acier et l’aluminium…) n’ont que peu d’impact économique, ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis bandent les muscles. « Nous avons vu cela avec Reagan et Bush et tous deux sont revenus en arrière », a rappelé Ludovic Subran. Le président Trump devrait à son tour être rattrapé par une réalité peu agréable pour lui : les plaintes du secteur privé, soumis à des coûts additionnels, et les annonces de délocalisation, comme vient de le faire Harley Davidson, qui entend produire en Europe pour continuer à y livrer ses motos.
Les trois scénarios de crise avec les États-Unis
Voici, décrit ci-dessous, les trois scénarios imaginés par Euler Hermes.
-Premier scénario : s’il s’agit bien d’un « poker commercial », comme le pense l’assureur crédit, alors l’impact sera « négligeable » sur le commerce international, de l’ordre de 4 % de croissance en volume. Les conséquences sur la croissance américaine, prévue à 2,9 % en 2018 et 2,4 % en 2019, seront infimes, et l’atterrissage en douceur de l’économie chinoise ne sera pas compromis.
Le taux moyen des tarifs américains passerait de 3,5 à 4 %. On en resterait aux mesures actuelles : des tarifs de 25 %, d’une part, sur 50 milliards de produits chinois, et de 25 % et 10 % respectivement sur l’acier et l’aluminium de nombreux pays.
-Deuxième scénario : selon Ludovic Subran, l’impact pourrait être plus sérieux avec ce scénario de « querelle commerciale », avec des mesures supplémentaires, concernant notamment 200 milliards de produits chinois importés (plusieurs taux sont évoqués : 25 %…).
Le taux médian passerait donc à 4,5 % ou 6 % et la progression du commerce mondial serait freinée de 2 points de pourcentage (pp) en volume. Les pertes pour la croissance du produit intérieur brut seraient plus élevées : – 0,5 pp pour les États-Unis, – 0,6 pp pour la zone euro, – 0,3 pp pour la Chine.
-Enfin, troisième scénario, le risque de « guerre commerciale » ne peut être exclu. Dans ce cas, le taux moyen douanier aux États-Unis serait porté à 11,2 %, avec cette fois-ci un volet automobile. Un droit de 25 % serait imposé sur 200 milliards de dollars d’importations automobiles.
S’agissant plus spécifiquement de la Chine, on passerait de 200 à 500 milliards de produits taxés à un taux de 25 %. Le résultat serait une contraction du commerce mondial de 6 pp et, pour les principaux pays une progression de leur PIB réduite de 1.7 pp aux outre-Atlantique, 1,9 pp dans la zone euro et 1 pp en Chine.
Dans ce cas ultime, nombre de pays émergents seraient lourdement frappés, alors que la Chine semble mieux armée. Sans à coups, le géant asiatique devrait maintenir une croissance de son activité supérieure à 6 %, 6,6 % exactement cette année et 6,3 % l’an prochain.
Comment Pékin peut répliquer à Washington
Si les relations s’envenimaient avec Washington, Pékin disposerait de moyens de réponse : campagne anti-américaine, resserrement des contrôles aux frontières des marchandises américaines, accélération des partenariats stratégiques. Comme le fait l’Union européenne avec le Vietnam et le Japon, la Chine se rapproche aussi de ses voisins, à l’instar du Japon et des nations de l’Asean.
Pékin a déjà évoqué des mesures pour limiter son déficit commercial en matière de services, notamment dans le domaine financier. Autre possibilité, une dépréciation modérée de la monnaie nationale, avec un objectif de parité pour un dollar inférieur à 6,9 Renminbi (RMB).
D’après Euler Hermes, une dépréciation de – 4 % est attendue au deuxième semestre par rapport aux six premiers mois de l’année, ce qui devrait amener fin 2018 à changer un dollar pour environ 6,7 RMB. Quant au dernier instrument dont Pékin dispose dans une stratégie de réponse aux États-Unis, il c’est la vente de bons du Trésor américains. Jusqu’à présent, cette menace n’est pas brandie par les autorités chinoises.
François Pargny
Pour prolonger :
–Commerce international : l’UE prise entre le marteau américain et l’enclume chinoise…
–Commerce mondial : Chine, UE, Canada, Mexique, Inde, Japon, Russie prêts à riposter à D. Trump
–États-Unis / Commerce : la liste à la Prévert des produits de la riposte aux taxes américaines