Une vingtaine de dirigeants d’entreprises et institutions financières saoudiennes ont fait le déplacement à Paris, dans la délégation conduite par le ministre saoudien de l’Investissement, Khaled Al-Faleh, pour participer le 23 septembre au Forum d’investissement France-Arabie Saoudite organisé par Medef international (Medefi), avec 63 décideurs français. Le ministre saoudien a fait l’ouverture avec Franck Riester, le ministre délégué en charge du Commerce extérieur et de l’Attractivité. Un signe que le contexte est favorable au business entre les deux pays.
Deux protocoles d’accord ont été signés à cette occasion dans le domaine de la formation, entre le ministère saoudien de l’Investissement et deux établissements français d’enseignement supérieur, l’Insead et HEC. Ils visent notamment à augmenter les échanges d’étudiants, et notamment augmenter le nombre de jeunes Saoudiens accueillis dans leur cursus en France.
« Une des raisons pour lesquelles les Américains sont forts sur le marché saoudien est qu’il y a énormément d’étudiants saoudiens qui vont étudier dans les universités américaines, a confié au Moci, en marge du Forum, Laurent Germain, président du Conseil d’entreprises France Arabie Saoudite de Medef International. Quand ils reviennent dans leur pays, ils sont quelque part des alliés des entreprises américaines. Envoyer davantage d’étudiants dans des institutions comme HEC et l’Insead, c’est plus tard avoir une capacité d’influence plus importante pour les entreprises françaises en Arabie Saoudite. »
Egalement directeur général d’Egis, Laurent Germain, qui a conduit une délégation d’entreprises dans ce pays en juin, restreinte en raison des restrictions sanitaires, est l’un des artisans, au sein des milieux d’affaires français, de ce regain de dynamisme.
Relance tous azimuts des investissements étrangers
Ce regain d’appétit français pour le marché saoudien intervient au moment où l’Arabie saoudite, qui a plutôt bien géré la pandémie, veut relancer tous azimuts les investissements étrangers pour mettre en œuvre son très ambitieux plan de modernisation et de diversification Vision 2030, lancé il y a 5 ans. « Il prévoit 12 trillions de Rials d’investissement à mener, soit un peu moins de 3 trillions d’euros » a notamment rappelé le ministre saoudien, glissant que « la France est un de nos Top Partners » dans ce projet.
Les projets, y compris des méga projets, touchent de nombreux domaines comme la transition énergétique (relire l’article du Moci sur ce sujet), la décarbonation et le verdissement de l’industrie pétrolière et chimique, la santé et les biotechnologies, les infrastructures, l’éducation, le digital, le tourisme, un développement urbain durable . Et le refroidissement des relations du pays avec les Etats-Unis créé des ouvertures.
Les entreprises françaises ont du retard à rattraper : « La part de marché française n’est que de 4 % et je pense que l’on peut faire beaucoup mieux, nous a indiqué Laurent Germain. On s’efforce avec Medef International de convaincre les entreprises françaises de la réalité du business dans ce pays et de la nécessité, dans ce cadre, d’être beaucoup plus présentes sur place. » Actuellement, 120 entreprises tricolores sont implantées localement.
Franck Riester a effectué une visite officielle en Arabie Saoudite en avril dernier avec une délégation d’entreprises. Il s’est voulu mobilisateur lors du forum : les entreprises françaises sont déjà actives dans les secteurs de l’eau, des transports publics, des infrastructures, mais « je suis convaincu qu’il y a une voie pour approfondir notre coopération ».
« La France veut accroître sa participation à Vision 2030 » a-t-il lancé tout en invitant les investisseurs saoudiens, dont certains ont participé au dernier rendez-vous annuel Choose France à Versailles, à accroître leurs investissements dans l’Hexagone. « J’ai reçu mandat d’Emmanuel Macron d’accroître nos relations bilatérales avec l’Arabie Saoudite » a encore déclaré le ministre français.
Un environnement des affaires plus favorables
Exemple de projet emblématique franco-saoudien déjà lancé, le projet d’Alula, co-entreprise franco-saoudienne qui vise à créer un gigantesque complexe culturel, archéologique et touristique. La transformation de la capitale Ryad, qui doit doubler de taille dans les dix ans, en ville durable est un autre exemple des projets sur lesquels les entreprises françaises cherchent à se positionner, notamment via la Task Force Ville durable de Medef International. « Une grosse partie sera verte et renouvelable » a souligné Khaled Al-Faleh, qui s’est employé à détailler les nombreux projets qui émergent en ce moment dans le sillage du plan Vision 2030.
Fait nouveau : ce gigantesque programme de modernisation et de diversification mise sur l’apport des investisseurs privés étrangers. D’où des réformes qui ont amélioré l’environnement des affaires et fait progresser de 30 places l’Arabie Saoudite en 2020 au classement Doeing Business de la Banque mondiale (62e / 190 en 2020).
En bon ambassadeur de l’attractivité de son pays, le ministre saoudien n’a pas manqué d’en rappeler les plus emblématique : possibilité de créer des entités à 100 % contrôlées par des capitaux non saoudiens, ouverture aux procédures d’arbitrage international…
« Les réformes ont amélioré le climat des affaires, en particulier les Lois sur les partenariats public privé, a confirmé Laurent Germain au Moci. Cela facilite l’établissement et le gain de contrats de la part des entreprises étrangères. Au-delà de la masse financière que représente les 12 trillions de Rials d’investissement, il y a en accompagnement les réformes qui facilitent le business en Arabie Saoudite. »
Les entreprises françaises en ordre de marche
Alors les milieux d’affaires français s’organisent, en coordination avec la diplomatie économique française, ce forum franco-saoudien en est une illustration.
« Depuis le début de l’année il y a eu un très fort développement des relations franco-saoudiennes, nous a confirmé Laurent Germain. Les relations avec l’Arabie Saoudite ont bénéficié d’une impulsion lors de la visite de Franck Riester en avril ». Durant cette visite, un accord-cadre a été signé entre Medef international et le ministère Saoudien des Investissements. Il prévoit un certain nombre d’actions concrètes dont des missions ciblées et des rencontres comme ce forum franco-saoudien.
Puis Laurent Germain a conduit une délégation du Medef dans le pays en juin. Bien que réduite en raison des conditions sanitaires, elle a permis de rencontrer la majorité des membres du gouvernement saoudien, surtout dans les secteurs prioritaires que sont les énergies renouvelables, le tourisme, la santé, l’agroalimentaire, les infrastructures, et notamment les infrastructures de transport. « On a identifié des opportunités très concrètes qui devaient être discutées dans le cadre des ateliers de ce forum. »
Les projets se font, « on souhaite aussi que des contrats se signent »
Pour le président du Conseil d’entreprises France Arabie Saoudite de Medefi « il y a vraiment un momentum dans les relations économiques saoudiennes, comme l’a dit le ministre. C’est aussi lié à l’évolution de la situation géopolitique et à la nouvelle administration américaine qui laisse davantage de place aux entreprises françaises. Il faut donc qu’on saisisse ces opportunités ».
« Les méga projets sur lesquels les entreprises comme la mienne, Egis, travaillent, sont des projets qui aujourd’hui avancent. C’est à dire que les projets inscrits dans Vision 2030 ne restent pas que sur le papier, ils se font », précise encore Laurent Germain. « On souhaite aussi que des contrats se signent. Pour vous donner un exemple, ma propre entreprise Egis a vu son carnet de commande multiplié par trois en Arabie saoudite en 4 ans. Aujourd’hui on est à 100 millions de projets en cours dans ce pays. C’est très significatif ».
Signe encourageant : un frémissement en matière d’implantation des entreprises françaises en Arabie Saoudite, « quelque chose de très important ». Lors d’une récente réunion au Medef sur l’Arabie Saoudite, 60 entreprises étaient présentes, dont la majorité sont déjà implantées dans le pays. Mais « deux entreprises de taille moyenne ont annoncé à l’occasion de cette réunion qu’elles établissaient une filiale en Arabie Saoudite ce qui est un élément fort ».
Après le forum d’investissement de Paris, le calendrier saoudien de Medefi ne devrait pas désemplir, notamment en 2022. « On souhaite au début de l’année mener une délégation beaucoup plus large en Arabie Saoudite, avec un focus sur les secteurs prioritaires (transition énergétique, santé, tourisme, infrastructures, digital), a encore précisé Laurent Germain au Moci. On pense aussi à faire des délégations sectorielles, en particulier une est prévue dans le secteur du divertissement et du tourisme, où la France à une crédibilité forte. »
Christine Gilguy