Toute entreprise française souhaitant développer son activité au Royaume-Uni via des opérations d´acquisitions doit connaître les spécificités anglaises pour optimiser son opération.
Au Royaume-Uni, l´obligation de bonne foi est considérée comme contraire au fait que les parties sont en position d´adversaires dans une négociation commerciale (arrêt de la Chambre des Lords, 1992). D´une part, il en résulte qu´au Royaume-Uni, lors de la négociation commerciale, le concept de rupture abusive des pourparlers commerciaux n´existe pas et qu´une partie peut donc se retirer à tout moment de la négociation, quelles que soient ses raisons. D´autre part, les accords précontractuels (lettres d´intention, heads of terms…) ne lient jamais les parties, sauf les engagements de confidentialité et d´exclusivité.
L´audit juridique (due diligence) de la cible doit, bien sûr, passer en revue tous les documents importants. Cependant, le vendeur britannique n´a pas à révéler les problèmes potentiels affectant son entreprise. S´il doit juste éviter de mentir expressément, la « réticence dolosive » française n´existe pas en droit anglais. Le silence gardé, même sur un élément déterminant du contrat, n´est pas en soi fautif. Souvent, les informations fournies en data room par le vendeur évitent toute mention des problèmes réels ou significatifs affectant la cible pour amener l´acquéreur à faire une offre élevée. Aussi, le juge applique-t-il le principe « caveat emptor ! » (« acheteur, prends garde ! »). C´est à l´acquéreur de poser les bonnes questions et d´insister pour recevoir des réponses claires.
En Grande-Bretagne, si l´acquéreur est protégé par les dispositions du contrat d´acquisition, c´est là toute l´étendue de sa protection. La plupart des contrats contiennent une clause limitant strictement la protection du vendeur aux dommages et intérêts pour violation des clauses contractuelles, excluant toute autre forme de réparation. Il existe deux types de protections contractuelles : les clauses d´indemnisation (indemnities) pour les risques identifiés et celles de garanties (warranties) pour les risques non identifiés. Ici encore, la négociation des warranties est influencée par l´absence d´obligation de bonne foi : tout ce qui n´est pas garanti reste le risque de l´acquéreur.
Lorsque les garanties contractuelles sont négociées, le vendeur adressera à l´acquéreur, souvent le plus tard possible, une disclosure letter où il listera, documents à l´appui, toutes les exceptions aux garanties contractuelles. Tout ce qui y apparaît ne fait pas l´objet d´une protection contractuelle post-acquisition. Ceci peut conduire à renégocier le prix si des risques ou problèmes commerciaux non identifiés jusqu´alors apparaissent.
Une clause générale de garantie sur tout le passif de la société cible, comme il en existe en France, est impensable au Royaume-Uni. L´intérêt du vendeur est d´avoir une série de garanties spécifiques strictement limitées quant à leur objet pour avoir à révéler le moins possible de problèmes pouvant affecter la valeur de son entreprise.
Aussi est-il essentiel de se protéger en amont et de ne pas se reposer sur d´hypothétiques réparations post-contractuelles. En Angleterre, l´audit juridique et financier précontractuel est plus lourd qu´en France. La préparation des rendez-vous de négociation est critique, comme l´assistance de conseils de qualité. L´absence de bonne foi implique que les parties ne sont pas liées jusqu´à la signature du contrat final : l´acheteur ne doit pas hésiter à en profiter pour renégocier ou se retirer temporairement. Il y a souvent un moment où le rapport de force bascule du côté de l´acheteur : il doit savoir le saisir sans état d´âme. La mesure du succès d´une transaction britannique n´est pas qu´elle soit « fair », mais « the best possible deal ». Mais pour qui ? That is the question…
Marie-Caroline Frochot, avocat associé, responsable du French Desk du bureau de Londres de Field Fisher Waterhouse