La domination de la Chine
inquiète les producteurs de textile et d’habillement du Maghreb et de l’Union
européenne (UE). Et pour cause. « Entre 2005 et 2010, la part de marché de
ce pays dans l’UE a bondi de 31 % à 41,7 % en valeur, alors que celles du Maroc
et de la Tunisie sont tombées respectivement de 3,4 % à 2,7 % et de 3,9 à 3
% », pointait ainsi Jean-François Limantour, qui préside le Cercle
euro-méditerranéen des dirigeants textile-habillement (Cedith), lors d’un petit
déjeuner, organisé le 21 avril à Paris, par l’association Business Fashion Forum
(BFF)
sur le thème : « comment revitaliser le partenariat euro-méditerranéen ».
Les opérateurs français et
maghrébins se sont livrés à une discussion très franche. Et, paradoxalement, il
est apparu que pour revitaliser cette coopération déjà ancienne – la Tunisie et
le Maroc achetant des tissus et des fils en France et lui livrant en retour des
vêtements – une partie de la solution consistait à y associer la Chine.
Explication de Jean-François Limantour :
« les tissus fournis par la France sont créatifs ou techniques, mais ils
sont beaucoup plus chers qu’en Chine. Pour que les articles du sud de la
Méditerranée gagnent en compétitivité, on pourrait alors imaginer qu’à l’instar
des vêtements en provenance du Maroc et de la Tunisie, utilisant des tissus
européens ou d’origine méditerranéenne, les articles maghrébins intégrant aussi
des matières de Chine ou d’Inde bénéficient de l’exonération totale des droits
de douane à l’entrée sur le marché européen ».
Proposition iconoclaste ?
Pas tout à fait, « puisque la Commission européenne mène une réflexion sur
le sujet », indique François-Marie Gruau, délégué général adjoint de
l’Union française des industries l’habillement (Ufih).
« A l’instar des pays du Nord de l’Europe, nous sommes favorables à cette
disposition, qui permettrait, selon lui, de sortir de la logique de protection
de l’industrie européenne et donnerait plus de liberté aux entreprises ».
« Nous, en tant que
fournisseurs de l’industrie européenne, pourrions alors diversifier notre
stratégie pour approvisionner le marché européen », soutient ainsi Nafâa
Ennaifer, directeur général de TFCE, un groupe tunisien de prêt-à-porter. De
façon concrète, les entreprises de la rive sud de la Méditerranée pourraient
continuer à offrir à leurs clients européens des produits de création, comme
des imprimés de mode pour les femmes, requérant une forte réactivité pour le
réassort. Ils pourraient aussi livrer des produits basiques, comme les jeans, en
volume et à des prix très compétitifs, grâce à l’incorporation de matières
premières asiatiques.
François Pargny