Le 12e plan quinquennal qui vient d’être adopté met l’accent sur les énergies renouvelables. Signe que les autorités chinoises prennent conscience du défi environnemental. Les acteurs du secteur mettent les bouchées doubles pour occuper ce créneau au niveau mondial.
La crise nucléaire japonaise n’y est pour rien. L’avenir en Chine sera « vert » ou ne sera pas. C’est en tout cas les conclusions de la dernière session annuelle de l’Assemblée populaire nationale (APN), réunie en mars à Pékin. Les 2 987 délégués du Parti communiste chinois ont adopté le 12e plan quinquennal (2011-2015), qui doit, rappelle l’économiste Ding Yifan, directeur adjoint de l’institut chinois d’études sur le développement mondial, « stimuler, entre autres, le secteur des technologies vertes ». Mais encore ? Que peut-on attendre, en la matière, du plus grand pollueur de la planète (la Chine est le premier émetteur mondial de CO2 depuis 2006) ?
« Il y a une réelle prise de conscience par les autorités centrales du défi environnemental », jurait il y a quelques mois Wu Jianmin, ancien ambassadeur de Chine en France, lors d’un forum à Shanghai sur les villes du futur. Certes, mais comment concilier ce défi avec l’impératif de développement qui impose à la Chine de brûler toujours plus d’énergies fossiles – charbon en tête (70 % de la consommation énergétique primaire du pays) ?
Dans les villes, la grande majorité des réseaux domestiques et industriels sont toujours chauffés et refroidis grâce à cet « or noir » chinois, extrait des mines des provinces du Shanxi, du Hebei et de Mongolie Intérieure. Conséquence : le pays abrite la plupart des villes les plus polluées au monde. Par ailleurs, 90 % des nappes phréatiques des villes et 75 % des rivières et des lacs sont pollués. En 2009, le pays émettait autant de pollution dans l’environnement aquatique que les États-Unis, le Japon et l’Inde réunis…
« La Chine ne peut pas du jour au lendemain faire de miracle », reconnaît à Pékin un responsable d’une ONG d’aide aux victimes de la pollution. « Mais avec ce nouveau plan, il y a du mieux », et l’heure est à la diversification du modèle énergétique national. La Chine, à travers son 12e plan quinquennal, entend réduire de 17 % son intensité carbone avant 2015 et s’engage à faire passer de 9,6 % actuellement à 11,4 % la part des énergies non fossiles dans son « mix énergétique ». Wu Xiaoqing, vice-ministre de la protection de l’environnement, a promis lors de la session de l’APN, une enveloppe de 3 000 milliards de yuans (325 milliards d’euros environ) jusqu’à 2015 pour diversifier ce modèle et protéger l’environnement.
Ce changement de politique a déjà un effet sensible du côté de l’offre chinoise. Quasiment absents sur le marché il y a seulement cinq ans, les Chinois sont aujourd’hui devenus les champions du solaire. « Nous enregistrons une croissance annuelle de 20 % depuis plusieurs années », confirme Zi Bo, patron de Roy Solar Products, un des premiers fabricants chinois, basé à Shanghai, de panneaux photovoltaïques. L’Académie des sciences de Chine prévoit en outre – avec un projet de développement dévoilé peu avant l’adoption du nouveau plan
– de faire du solaire une source d’énergie majeure du pays d’ici 20 à 30 ans.
En attendant, dans le grand Ouest chinois, balayé toute l’année par les vents de Mongolie et d’Asie centrale, on ne jure que sur l’éolien. L’objectif à très court terme est d’y développer une capacité annuelle de 12 GW, contre 3 GW il y a à trois ans. Déjà quatrième producteur d’énergie éolienne dans le monde après les États-Unis, l’Allemagne et l’Espagne, le pays entend fournir sur l’ensemble de son territoire une capacité de 120 GW d’ici à 2020. La biomasse, essentiellement issue des déchets domestiques et de cannes à sucre, pourrait, quant à elle, selon les estimations les plus optimistes, produire chaque année 6 GW d’ici à 2015 (contre 2 GW en 2007) de capacité d’énergie.
Enfin, malgré la crise japonaise, le programme nucléaire chinois – considéré comme une possible alternative aux
énergies fossiles – reste le plus ambitieux au monde (80 à 120 GW installés en 2020, avec un pic prévu avant la fin du nouveau Plan, contre moins de 10 GW actuellement).
La Chine peut-elle se transformer progressivement en une puissance « verte », à tout le moins « écologiquement responsable » ? Rappelons que le pays a déjà signé plus de 50 conventions et traités internationaux liés à la protection de l’environnement et des ressources naturelles. Mais les perspectives de développement imposent aussi à l’empire du Milieu de repenser son modèle de croissance urbain. Dans moins de 15 ans, en effet, 900 millions de Chinois devraient vivre dans les villes, contre 650 millions aujourd’hui. « La pollution de l’eau des villes devrait être cinq fois plus forte et celle de l’air devrait atteindre des niveaux critiques », commentait, dans une étude parue en 2010, un expert du cabinet McKinsey. « Il faut donc imaginer des solutions pour préserver l’environnement. »
En 2009 déjà, les principales villes du pays – 18 au total, dont Chongqing et ses 31 millions d’habitants – signaient un traité dit de conception durable sous la houlette de plusieurs architectes chinois et étrangers, chargés de « penser » les nouveaux quartiers en fonction de critères écologiques stricts. Mais il reste encore beaucoup à faire avant que le pays, marqué par deux décennies de croissance économique accélérée, accomplisse sa réforme écologique décidée depuis Pékin, au plus haut niveau de l’appareil.
Pierre Tiessen, à Pékin
Témoignage : Aymeric Novel, représentant de Terao en Chine
« Le 12e plan devrait permettre d’englober tous les secteurs de l’économie »
Terao est une PME française spécialisée dans la certification environnementale et la performance énergétique des bâtiments neufs et existants. Aymeric Novel, son représentant en Chine, témoigne : « La prise en compte de la notion environnementale dans son développement en Chine ne date pas du 12e plan quinquennal. Depuis le sommet de Copenhague (fin 2009), les autorités centrales mettent en effet l’accent sur la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre. Le secteur de l’industrie, par exemple, a déjà bénéficié d’investissements considérables pour progresser dans ce domaine. Le 12e plan quinquennal devrait toutefois permettre d’englober tous les secteurs de l’économie – dont celui du bâtiment – afin d’atteindre une meilleure efficacité énergétique. Le plan prévoit par exemple de développer considérablement les mécanismes de marché type ESCo (Energy Services Company) qui existent déjà mais qui doivent pouvoir se généraliser. D’autres thèmes abordés dans les certifications vertes des bâtiments, comme l’utilisation de matériaux régionaux ou recyclables, de bois certifié, de sources d’énergies propres, d’incitation aux transports dits “doux” ou encore la gestion de l’eau, bénéficieront des objectifs du prochain plan quinquennal.
Cela étant, il ne semble pas y avoir d’objectifs en volume total d’énergie consommée ou d’émission, ce qui rend encore incertain le processus de déclinaison d’objectifs précis aux échelons inférieurs. Le danger est que cela soit mal fait ou, plus simplement, que cela reste très flou. »
P. T.
Témoignage : Karim Fhassis, Asia business manager chez Meteodyn
« Des opportunités à court et moyen terme »
Meteodyn est une PME française spécialisée dans l’éolien et l’expertise climatologique, présente en Chine et aux États-Unis. Karim Fhassis, son Asia business manager, précise le type d’opportunités qui se dessinent pour l’industrie « verte » : « La préservation de l’environnement et l’indépendance énergétique sont aujourd’hui des thèmes sur lesquels le gouvernement central aimerait baser une partie de sa politique industrielle globale. Pékin ordonne désormais aux investisseurs d’aller développer des projets d’énergies renouvelables à l’étranger (en particulier dans les pays en voie de développement) avec pour seule contrainte de continuer à faire vivre toute la filière chinoise (investissement incluant ingénierie et équipement chinois). « En ce qui concerne les sociétés françaises du secteur énergie-environnement, ce nouveau Plan quinquennal présente évidemment des opportunités à court et moyen terme.
Mais il faut pour cela distinguer deux types d’offre : l’offre innovante (inexistante en Chine) et l’offre qualité (existante en Chine mais avec des standards qualité inférieure). L’offre innovante permet d’équiper les entreprises chinoises qui seront ensuite en première ligne des projets, l’offre qualité peut permettre de faire quelques grosses affaires en transférant la technologie, mais il faut être prudent car la technologie peut se transmettre à travers la multiplication de réunions
technico-commerciales… »
P. T.