Après l’arrestation, le 11 avril, du président sortant Laurent Gbagbo par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) d’Alassane Ouattara, avec le soutien de l’Onuci, la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire, et de la force Licorne de l’armée française, le pays doit relever le défi de sa reconstruction.
Des semaines de combats ont plongé Abidjan ainsi que plusieurs zones de l’ouest et du centre du pays dans le chaos. À présent, la locomotive de l’Afrique de l’Ouest doit remettre son économie sur les rails. « Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire a un seul président. Cette clarification va dans le bon sens alors que le pays était depuis un mois dans une situation catastrophique. On va pouvoir se remettre au boulot », estime Stephen Decam, secrétaire général du Cian (Conseil français des investisseurs en Afrique), une organisation rassemblant les sociétés françaises, principalement les grandes entreprises, opérant en Afrique. Mais au préalable, l’État va devoir, selon Stephen Decam, stabiliser la situation sécuritaire et remettre à l’équerre ses fonctions régaliennes. Système bancaire, police, ports… Un travail qui devrait prendre « au minimum un mois », selon le secrétaire général du Cian.
Lundi 18 avril, date à laquelle les fonctionnaires ivoiriens étaient appelés par le nouveau président à reprendre le travail, les signes d’activité étaient encore timides dans le quartier administratif d’Abidjan. Un fonctionnaire de l’Assemblée nationale expliquait à un journaliste de l’AFP avoir vu « un cadavre en décomposition » dans l’entrée du bâtiment. « Et les pillards ont volé tous les ordinateurs, tout fouillé, renversé. Je ne sais pas si nous pourrons travailler avant deux-trois mois », a-t-il ajouté. Le 19 avril, Alassane Ouattara a tenu son premier conseil du gouvernement hors de l’Hôtel du Golfe où il était installé depuis novembre.
Si la situation sécuritaire est en voie d’amélioration, l’économie du pays, qui repose en grande partie sur la production et l’exportation de cacao, est au point mort. Afin de priver de ressources son rival, Alassane Ouattara avait appelé en janvier à un embargo sur les exportations de cacao. L’Union européenne, qui avait relayé cet appel, a annoncé le 7 avril la levée de ses sanctions à l’encontre de deux grands ports du pays, Abidjan et San Pedro, ainsi que contre deux entreprises liées aux secteurs stratégiques du pétrole et du cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial. Une initiative saluée par les fédérations professionnelles de négociants et chocolatiers.
« Une reprise rapide du secteur ivoirien du cacao » constituerait un soutien pour « les centaines de milliers d’Ivoiriens impliqués dans le commerce » des fèves brunes, ont souligné dans un communiqué commun l’Association européenne du cacao (ECA), la Fédération du commerce du cacao et l’Association des industries européennes du chocolat, de la biscuiterie et de la confiserie (Caobisco). Le retour du cacao ivoirien sur les marchés mondiaux pourrait être d’autant plus rapide que la récolte s’est poursuivie pendant les quatre mois de conflit et que le pays dispose d’un stock de 400 000 tonnes de fèves dans ses ports, où les navires continuent d’arriver au compte-goutte.
Le 19 avril, un porte-conteneurs a accosté à Abidjan et des navires chargés de fruits et de poissons étaient attendus.
Afflux d’aides étrangères
Le nouveau président ivoirien, ancien économiste au Fonds monétaire international (FMI) et ancien Premier ministre de son pays, souvent présenté de façon un peu lapidaire comme « l’homme des Américains », pourra compter, pour relancer la machine, sur l’appui de la communauté internationale, celle-ci l’ayant soutenu depuis le début de cette crise, au lendemain du second tour de la présidentielle, le 28 novembre 2010.
La Banque mondiale a ainsi annoncé, dès le 14 avril, qu’elle allait débloquer plusieurs projets pour un montant total de 70 millions d’euros et la Banque africaine de développement (BAFD) a indiqué qu’elle allait s’engager dans la reconstruction. De son côté, la France, aux avant-postes durant cette crise, a annoncé, également le 14 avril, « un soutien financier exceptionnel de 400 millions d’euros » pour aider le nouveau pouvoir, notamment à satisfaire les besoins urgents des populations et de la ville d’Abidjan et stimuler le redémarrage des services publics essentiels. Cette aide doit également servir à relancer l’activité économique et à apurer des arriérés de dette de l’État ivoirien (voir ci-dessous).
L’Union européenne a annoncé une aide de 180 millions d’euros pour financer les secteurs de la santé, de l’agriculture et de l’eau.
Sophie Creusillet
Les prêts de la France
L’AFD (Agence française de développement) a signé un prêt de 350 millions d’euros pour financer les dépenses budgétaires prioritaires (salaires et dépenses sociales d’urgence), des travaux d’assainissement, notamment à Abidjan, et des projets d’intérêt collectif (voirie notamment).
Un prêt relais de 50 millions d’euros sera mis en place pour régler les arriérés à l’égard de la Banque mondiale et de la BAFD.