Alors que les vacances approchent et que les voyageurs rassemblent les documents de leur pass sanitaire européen, l’assureur Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS) publie ses prévisions des grandes tendances de l’aviation. Neuf points de vigilance pour ce secteur qui doit redémarrer son activité après des mois d’immobilisation.
La survenue de la pandémie a littéralement figé l’aviation. En avril 2020, les deux tiers de la flotte d’avions commerciaux se sont retrouvés cloués au sol et le nombre de passager s’est effondré de 90 % en année glissante. Le redressement actuel, principalement sur des vols intérieurs, laissent entrevoir les défis que doivent désormais relever les compagnies aériennes et les aéroports et qui sont autant de sources de risques aux yeux des analystes de l’assureur.
1 – La vigilance des pilotes s’est émoussée
Les grandes compagnies aériennes ont beau avoir mis en place des programmes de formation pour la remise à niveau des pilotes, constate le rapport, des dizaines d’entre eux ont confié à l’US Federal Aviation Administration (FAA) avoir commis des erreurs de pilotage en raison d’un manque d’entraînement. Ces erreurs bénignes, n’ayant provoqué aucun accident ou sinistre, soulignent néanmoins la nécessité de rester attentif à l’accompagnement de la reprise d’activité des pilotes.
2 – La « rage de l’air » s’empare des passagers
En temps « normal », la FAA reçoit chaque année environ 150 rapports de comportements de passagers perturbant des vols. Fin juin 2021, à la moitié de l’année, le nombre de cas atteignait déjà 3 000. La grande majorité concerne des passagers refusant de porter le masque prétextant une discrimination de la part de la compagnie aérienne à leur égard, alors même qu’ils sont en tort.
3 – Les risques pesant sur les appareils ont changé
Même cloué au sol, un avion est exposé à des risques. En atteste la pluie de grêlons de la taille d’une balle de golf qui s’est abattue sur des Boeing 737 en mai dernier au Texas. En outre, au début de la pandémie des collisions ont eu lieu lors de transfert d’appareils vers des entrepôts. Ces avions « stockés » en attendant la reprise font l’objet d’une maintenance périodique, mais l’assureur note que le pourcentage d’appareils temporairement hors-service n’a jamais été aussi élevé et représente un défi technique pour les plus petites compagnies.
4 – La pénurie de pilotes inquiète les compagnies
Le manque de pilote, qui se faisait déjà sentir avant la pandémie, fait aujourd’hui craindre une pénurie de pilotes à moyen et long termes : 250 000 pilotes devront être recrutés dans les 10 prochaines années. Actuellement, certaines compagnies aériennes ont pris le parti d’ouvrir des écoles de pilotages pour se constituer des réserves de pilotes.
5 – Les compagnies aériennes privilégient des appareils plus petits
Anticipant une baisse durable du nombre de passagers, les compagnies aériennes ont réduit leur flotte, voire retiré des appareils, et se sont tournées vers des appareil de plus petite dimension comme l’A 787. « La génération récente présente des avantages en termes de sécurité et d’efficacité, indique Axel von Frowein, responsable régional de l’aviation chez AGCS. Cependant, les nouveaux matériaux comme les composites, le titane et les alliages sont plus coûteux à réparer, et les demandes d’indemnisation sont donc plus élevées. »
6 – Les performances du fret aérien se sont envolées
Si le transport passager fait grise mine, celui des marchandises profite de l’activité générée par l’e-commerce et la congestion actuelle du fret maritime. En avril 2021, Asia Pacific a ainsi enregistré son meilleur mois pour le transport international de marchandises depuis le début de la crise sanitaire. La capacité de fret entre l’Amérique latine et l’Amérique du Nord a bondi d’un tiers en mai 2021 par rapport à la même période de 2019.
7 – Les voyages d’affaires vont diminuer
Même si les déconfinements vont relancer les déplacements professionnels, les compagnies anticipent un ralentissement à court terme de ce segment en raison de nouvelles habitudes de travail à distance comme la visioconférence. Un coup dur pour l’aviation d’affaires, un marché qui représentait 1 500 milliards de dollars avant la crise, selon Allianz.
8 – Les nouvelles routes se multiplient
En 2021, pas moins de 1 400 nouvelles liaisons aériennes devraient ouvrir, soit deux fois plus qu’en 2016, la plupart en Europe (plus de 600) et en Asie-Pacifique (plus de 500). Sur le seul marché intérieur chinois, plus de 200 nouvelles liaisons sont prévues, presque autant qu’aux États-Unis (235). « Cette évolution est associée à une stratégie d’expérimentation en ces temps incertains, adoptée par certaines compagnies aériennes, notamment les plus petites, explique Axel von Frowein. L’ouverture de nouvelles liaisons permet de décongestionner l’espace aérien et les aéroports. Elle peut avoir un effet positif sur les incidents lors de manœuvres au sol, mais elle peut aussi accroître le risque. »
9 – Les insectes retardent la remise en route des appareils
L’Agence européenne de la sécurité aérienne a relevé plusieurs cas d’erreurs de mesure de vitesse et d’altitude dues à la présence de nid d’insectes dans les sondes Pitot allant jusqu’au refus de décollage.
A l’image de ces minuscules insectes qui immobilisent d’énormes appareils, un microscopique virus a terrassé tout ce secteur de l’aviation qui en fait vivre beaucoup d’autres via la sous-traitance. Pour redécoller véritablement, après une nécessaire phase de redémarrage, il devra donc se réinventer pour faire face à ces défis.
Sophie Creusillet