Derrière le #TTIP, peu de messages mesurés invitant à un débat apaisé. Alors que le 10e round de négociations se tient cette semaine à Bruxelles, les opposants au projet de Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI/TTIP Transatlantic Trade and Investment Partnership) continuent à alerter les citoyens, notamment sur les réseaux sociaux, contre les dangers d’un tel pacte commercial conçu, selon eux, pour les seuls intérêts des entreprises, en particulier des grands groupes multinationaux.
Selon les détracteurs du TTIP, les enjeux environnementaux, sociaux et sanitaires passeraient au second plan. La Commission européenne, qui négocie au nom des 28, n’aurait dans son viseur que l’élimination des barrières au commerce via l’harmonisation des normes. Largement relayé sur twitter cette semaine, le récent rapport de Corporate Europe Observatory, une ONG jugée sérieuse à Bruxelles, et dont le principal cheval de bataille est la promotion d’une plus grande transparence dans le processus de décision européen.
Selon le document, l’exécutif européen aurait « une préférence spectaculaire » pour le secteur privé. Une « coopération proche » avec les entreprises qui n’a pas fondamentalement changé depuis l’arrivée de Cecilia Malström au poste de commissaire au Commerce. Au cours des six premiers mois de son mandat, selon ce rapport, elle et son équipe auraient tenu 122 réunions de lobbying à huis clos durant lesquelles le TTIP a été discuté : 100 réunions étaient avec des lobbyistes privés, 22 avec des groupes d’intérêt public.
Le rapport montre également comment l’agenda du TTIP est influencé principalement par des entreprises de l’Europe de l’Ouest et des États Unis. Elle s’intéresse aussi aux secteurs qui font le plus de lobbying en faveur du projet de partenariat. Ainsi, les grandes entreprises pharmaceutiques et celles de la finance auraient fortement augmenté leurs actions au cours de ces deux dernières années. « L’industrie pharmaceutique a fait sept fois plus de lobbying pro-TTIP entre 2012-13 et 2013-14 », souligne le rapport.
Or, « alors que les lobbyistes des grandes entreprises sont tenus au courant et exercent une influence importante sur les négociations, les groupes d’intérêts publics sont mis de côté », déplore Pia Eberhardt, chargée de campagne sur le commerce à Corporate Europe Observatory. Sur une période allant de janvier 2012 à février 2014, la tendance reste la même. Pendant ce laps de temps, 597 réunions ont été organisées par la DG « Trade », à Bruxelles, dont 528 impliquaient des acteurs puissants du monde des affaires, tels que Business Europe, le Medef européen ou l’autre géant, le Transatlantic Business Council.
Une préférence marquée que confirment d’autres acteurs de la société civile à Bruxelles. Interrogée par le journal Le Monde, Monique Goyens, directrice de l’influent Bureau européen des consommateurs (BEUC), expliquait avoir obtenu sept rendez-vous sur deux ans avec des responsables du dossier à la Commission. « Le problème n’est pas quantitatif. Si l’on demande un rendez-vous avec les négociateurs, on peut l’obtenir sans problème. L’ennui, c’est qu’ils nous écoutent moins que les lobbys d’affaires », concluait-elle.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles