La visite éclair de la chef de la diplomatie européenne à Buenos Aires, hier 9 mars, « est un signal fort », soulignait en début de semaine plusieurs quotidiens argentins. Si par ce déplacement Federica Mogherini démontre la volonté des Européens de remettre sur les rails les négociations commerciales avec le Mercosur*, elle révèle aussi le réchauffement des relations entre Bruxelles et Buenos Aires depuis l’élection du libéral Mauricio Macri à la présidence du pays, le 10 décembre 2015.
Pendant les mandats des époux Kirchner – qui ont multiplié les mesures protectionnistes, maintes fois dénoncées dans les rapports commerciaux annuels de l’Union européenne (UE) – le pays était en effet l’un des facteurs de blocage dans ces pourparlers, plusieurs fois interrompus depuis leur lancement officiel en avril 2000. Aujourd’hui, la nouvelle équipe au pouvoir promeut activement la conclusion d’un pacte commercial avec l’UE.
Ces derniers mois, les pays du Mercosur ont d’ailleurs démontré leur volonté de relancer un processus en panne. Après avoir présenté une première offre en octobre pour ouvrir 87 % de leur marché – jugée insuffisante par les Européens – ils ont récemment mis une nouvelle proposition sur la table : « Plus de 93 % de ce que nous produisons sera mis à disposition de l’UE afin d’avancer dans l’accord de libre-échange », a annoncé le 22 février, le chef de l’État uruguayen, Tabaré Vázquez, dont le pays détient la présidence tournante du Mercosur. « Nous attendons désormais la décision de l’Union européenne », a-t-il ajouté soulignant ainsi que la balle était désormais dans le camp des 28.
Car à ce stade « ce sont plutôt les Européens qui bloquent », explique-t-on dans l’entourage de Federica Mogherini. « Elle dispose néanmoins du feu vert de la France », ajoute une de ses proches collaboratrices.
En voyage officiel dans la région du 23 au 26 – Pérou, Argentine, Uruguay – le président français avait en effet rassuré son homologue uruguayen lors d’une escale de 6 heures à Montevideo, confirmant sa « disposition à appuyer » la reprise des pourparlers pour un accord commercial ambitieux entre les deux blocs. « Mais nous resterons vigilants sur les chapitres de l’audiovisuel et de l’agriculture », avait ensuite tempéré François Hollande. Avec la Pologne et l’Irlande, la France est l’un des pays les plus réticents, au sein de l’UE, à offrir des concessions sur le volet agricole, principal secteur d’exportations des pays du Mercosur (43 % de ses exportations vers l’Europe).
À ce stade l’UE n’a pas encore fixé de date précise pour la relance formelle des négociations mais en coulisses beaucoup de responsables évoquent une reprise dès le mois d’avril. « L’objectif est d’en finir avec les échanges d’offres au plus tard en juin », précise un responsable à Bruxelles. À partir du mois de juillet, Nicolàs Maduro, successeur de Hugo Chavez au Venezuela, prendra la tête de la présidence tournante du Mercosur. Une perspective qui fait craindre de nouveaux blocages au sein des deux blocs.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
*Mercosur : sont membres Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela.