« Même quand les relations bilatérales sont au plu haut, c’est toujours touchy avec nos amis algériens », confiait à chaud, mi-amusé, mi désabusé, à la Lettre confidentielle un résident en Algérie, après l’incident survenu le 15 mai au Palais du Luxembourg, pendant les Rencontres Algérie 2014, organisées par le Sénat et Ubifrance. De fait, en pleine séance, cachant difficilement sa colère, l’ambassadeur d’Algérie à Paris, Amar Bendjama, a quitté la salle, suivi de près par son entourage et des membres de la délégation algérienne.
La cause de ce coup d’éclat : les propos d’Antoine Basbous, le directeur de l’Observatoire des pays arabes, qui, intervenant sur le thème de « l’Algérie au lendemain des élections », a évoqué l’âge et la maladie d’Abdelaziz Bouteflika, laissant clairement entendre que la réélection du président pour un quatrième mandat «n’était pas normale ». Une critique somme tout feutrée, sans surprise pour un esprit européen tant sur le fond que sur la forme, en outre en droite ligne avec les propos que le politologue, auteur de l’ouvrage « Le tsunami arabe », avait tenus ces dernières semaines dans les médias. Il avait rappelé, par exemple, que le président avait déjà été ministre en 1962 ou que 75 % de la population était composée de jeunes des moins de 25 ans. Mais, « dans un contexte particulier (cela) met à cran les élites algériennes, alors que la succession d’Abdelaziz Bouteflika n’est pas encore assurée », selon un fin limier de la politique algérienne.
« Ce qu’on ne comprend pas vu de Paris, c’est que l’Algérie ne peut pas fonctionner sans le respect strict d’un équilibre des forces entre la présidence de la République, l’Armée et les renseignements », poursuit l’interlocuteur de la LC, avant d’ajouter qu’aujourd’hui « seul le statu quo avec Abdelaziz Bouteflika au sommet de l’État peut permettre de maintenir pour un moment cet équilibre des forces ».
Dans l’ombre, selon lui, on s’affaire pour préparer en douceur la succession du chef de l’État. La solution la plus logique serait de créer un poste de vice-président, lequel pourrait alors succéder à Abdelaziz Bouteflika en cas de décès ou de retrait de la vie politique. Chef de cabinet du président, l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia est chargé de mener les consultations pour une révision constitutionnelle. « C’est lui vraisemblablement qui sera vice-président », pense notre observateur avisé de la sphère politique à Alger.
En attendant, après l’intervention d’Antoine Basbous au Palais du Luxembourg, l’ambassadeur d’Algérie à Paris, très excédé, semblait tourner en rond dans le hall. D’après un témoin, il aurait émis la ferme intention d’envoyer un courrier au président d’Ubifrance, Jean-Paul Bacquet. Selon une source interne à l’agence publique, son homologue français à Alger, André Parant, « apporte son soutien » à Ubifrance.
François Pargny