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Où exporter en 2018 : entretien avec Stéphane Colliac, économiste pour la France et l’Afrique chez Euler Hermes.

Le Moci. Euler Hermes estimait à 28 milliards d’euros la demande supplémentaire devant être adressée aux exportateurs français en 2017. Qu’en sera-t-il finalement et quelles sont vos prévisions pour 2018 ?

Stéphane Colliac. On serait, en fait, plus proche de 25 milliards d’euros en 2017 et pour 2018 nous anticipons 21 milliards. Logiquement, nos prévisions sont symétriques aux tendances mondiales. Et comme le commerce mondial va progresser moins vite que l’an dernier, ce sera moins favorable. C’est un phénomène général, la cause n’est pas le Royaume-Uni en particulier à cause du Brexit, même s’il s’agit d’un gros client traditionnel de la France, notamment pour les vins et spiritueux. Nous avions début 2017 évalué le manque à gagner pour les exportateurs français vers le Royaume-Uni à
1,1 milliard d’euros entre 2017 et 2019. Comme les négociations sur la sortie de l’Union européenne progressent au ralenti, nous avons seulement repoussé la période d’un an, en adoptant la période 2018-2020, sans changer le chiffre de 1,1 milliard.
Manque à gagner ne signifie pas, pour autant, qu’une demande supplémentaire ne sera pas adressée en direction de l’Hexagone. Mais alors que sans Brexit elle se serait élevée à 3 milliards en 2018, ce qui en aurait fait le deuxième pays à potentiel pour les exportateurs français après l’Allemagne (4,1 milliards), la demande additionnelle adressée à la France par le Royaume-Uni devrait s’établir à 700 millions, ce qui s’explique par le fait que la consommation continue de soutenir la croissance, même si c’est moins qu’avant, ce qui implique que les importations croissent toujours. C’est une bonne nouvelle à court terme, mais, à plus long terme, on ne peut exclure un choc plus ou moins sévère.

 

Le Moci. Dans quels pays la demande supplémentaire sera la plus élevée en 2018 ? Dans l’UE, comme cette année ?

S. C. Oui, absolument. Ce sera encore la fête des voisins, avec, après l’Allemagne et les États-Unis, les Pays-Bas et la Belgique, à égalité avec une demande supplémentaire de 1,5 milliard d’euros chacun. Ce sont deux pays avec une croissance économique élevée. Sur les 21 milliards de demande totale supérieure, le continent européen représentera ainsi 80 % et la part de l’UE, à elle seule, sera de 70 %. Si l’on ajoute à l’Allemagne, aux Pays-Bas et à la Belgique, la Suède, en septième position avec 900 millions, l’Europe du Nord doit particulièrement attirer les exportateurs français. Ces économies tournent à plein régime. L’Allemagne devrait, quant à elle, afficher une croissance de 2,6 % en 2017. Elle n’est pas impactée par les évènements politiques internes.
En revanche, c’est plus difficile au sud de l’Europe. L’Italie ne fera pas mieux que la Chine, ces deux États se plaçant aux cinquième et sixième rangs, avec une demande supplémentaire de 1,1 milliard chacun. L’Espagne est au 9e rang, avec 600 millions d’euros. Ce n’est pas une bonne surprise, mais le fait est que la croissance de l’activité va baisser, passant ainsi de 3,1 % en 2017 à 2,4 % seulement en 2018.

 

Le Moci. Comment expliquez-vous que les États-Unis se classent au deuxième rang derrière l’Allemagne ?

S. C. Avec 1,9 milliard d’euros de demande supplémentaire, les États-Unis se classent loin derrière l’Allemagne. Cette deuxième place reflète la bonne santé globale de l’économie. La confiance est là, la croissance est bonne, encouragée par la baisse des impôts à venir. En même temps, le pays de Donald Trump n’hésite pas à se montrer très offensif, avec à la mi-novembre 2017 87 mesures protectionnistes, prises notamment à l’encontre de la Chine, contre 84 et 86 respectivement pour l’ensemble des deux années précédentes. Environ 20 % des mesures sont appliquées au géant asiatique. Ainsi, 18 mesures, c’est un chiffre jamais atteint à l’encontre de la Chine. C’est assez brutal et assez paradoxal, alors que Pékin et Washington ont signé un accord de libre-échange début 2017.

 

Le Moci. On sent un resserrement du lien politique de la France avec l’Inde et l’Égypte depuis la vente de Rafale. Le ressentira-t-on sur le plan commercial ?

S. C. La demande supplémentaire à capter est de 300 millions d’euros en Inde et 200 millions en Égypte. En fait, si les tendances sont favorables en Inde, la croissance va s’établir à 7,3 % en 2018, le marché ne demeure pas très ouvert. Quant à l’Égypte, ce pays a su reconstituer ses réserves de change, réaliser des efforts de paiement. Sa monnaie a aussi été dépréciée de 50 %, ce qui lui a permis de redynamiser ses exportations, et la croissance a repris avec 4,5 % en 2017. Néanmoins, la baisse du taux de change de la livre égyptienne est forcément défavorable aux importations et il faudra sans doute attendre 2019 pour que les exportateurs français profitent pleinement du rebond de l’activité en Égypte.

 

Le Moci. Que faut-il attendre en 2018 de la zone Afrique-Proche et Moyen Orient ?

S. C. Globalement, il faut s’attendre à une demande supplémentaire de 1 milliard d’euros. Seront concernés les biens d’équipement, notamment les avions civils dans les pays du Golfe. En Afrique de l’Ouest et du centre, ces pays sont en difficulté en raison de la chute des cours des matières premières. Le Maroc doit offrir 100 millions d’euros de demande supplémentaire.

 

Le Moci. Quels seront les secteurs qui profiteront le plus de la reprise des achats à la France ?

S. C. Après les biens d’équipement, qui trustent traditionnellement la 1re place (5,5 Mds EUR à attendre en 2017), c’est l’agroalimentaire qui apparaît, avec 4,4 milliards d’euros de demande supplémentaire. Ce secteur remonte d’année en année dans le classement, et les trois quarts de la demande supplémentaire de 2018 proviendront de l’Europe, notamment la zone euro. Le secteur s’est redressé, les marges des industriels progressent et la demande pour les produits français est toujours importante, notamment dans l’agroalimentaire et le luxe. La bonne croissance de l’Europe, en particulier de la zone euro, encore supérieure à celle des États-Unis (2,3 % contre 2,2 % en 2017), est favorable. Derrière, on trouve la chimie et les véhicules, avec respectivement 3 milliards et 2,2 milliards.

Propos recueillis par François Pargny

 

D’après Euler Hermes, l’Europe du Nord domine largement le Top 30. L’Allemagne, en particulier, représente à elle seule presqu’autant que les trois suivants, avec une demande supplémentaire adressée aux exportateurs français estimée à 4,1 milliards d’euros en 2018, contre 4,9 milliards pour l’ensemble États-Unis, Pays-Bas et Belgique. Toutefois, les deux premières économies mondiales, États-Unis, avec 1,9 milliard, et Chine, avec 1,1 milliard, se placent respectivement numéros deux et six. L’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine ne sont représentées que par un seul pays, en l’occurrence l’Afrique du Sud et l’Argentine avec la même demande supplémentaire de 200 millions d’euros.

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