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Algérie : l’enjeu de la réindustrialisation

L’Algérie veut moderniser son économie. Elle compte ainsi sur les opérateurs étrangers pour des partenariats industriels. Toutefois, Alger ne veut pas leur laisser la totale maîtrise de leurs investissements. Une politique jugée trop rigide par nombre d’acteurs et d’observateurs et qui fait peur aux PME.

Depuis des années, l’Algérie reproche à la France sa frilosité en matière d’investissements directs sur son territoire. Reproche auquel la France répond de façon invariable qu’elle est, hors hydrocarbures, le premier investisseur direct étranger (IDE) dans le pays (son stock s’élevait à 1,9 milliard d’euros en 2010) et son principal partenaire commercial.

Toutefois, si la France domine le marché, elle n’est plus seule. Dans les échanges, la nation bleu-blanc-rouge est aujourd’hui menacée par la Chine. D’après la base de données GTA/GTIS, en novembre 2012, le géant asiatique détenait une part de plus de 12 % dans les importations algériennes. Il se rapprochait ainsi du leader français, dont la part a accusé une chute sensible en un an, tombant de plus de 15 % à moins de 13 %.

Alors, comment contrer l’offensive chinoise ? Peut-être, justement, en renforçant cette position de numéro un dans les IDE. Certes, le commerce courant des PME entre les deux rives de la Méditerranée ne se porte pas si mal quand on y regarde de plus près. Car, en dépit d’un trou d’air en 2006-2007 et d’une seconde baisse en 2009, les exportations de l’Hexagone n’ont cessé de progresser depuis le début du siècle. D’après les Douanes françaises, elles ont encore gagné 10,3 % l’an dernier pour parvenir à un montant record de 6,4 milliards d’euros, malgré une chute de 45 % des livraisons de céréales, premier poste d’exportations en 2011.

Mais aujourd’hui l’heure est clairement au partenariat. Alger a durci sa législation dans les IDE, ce qui a généré de l’émoi, engendré parfois une réprobation vive, des critiques sévères dans l’Hexagone, en Occident et même en Algérie. Mais aujourd’hui, alors que les relations politiques entre la France et l’Algérie paraissent apaisées, Paris semble avoir pris acte des nouvelles dispositions en matière d’IDE et vouloir s’adapter au nouveau cadre. « Nous sommes confrontés à la désindustrialisation de notre territoire, un peu comme la France », n’hésitait pas à comparer Cherif Rahmani, le ministre algérien de l’Industrie, de la PME et de la promotion de l’investissement, qui s’exprimait, le 2 avril à Paris, devant 210 participants, représentants de PME, grandes entreprises et d’organisations professionnelles, conviés par Ubifrance.

Les autorités algériennes ont le souci de réduire leurs importations, notamment alimentaires, de diversifier leurs revenus et leurs exportations, réalisés aujourd’hui à 90 % avec des hydrocarbures. Cependant, il ne suffit pas de décréter la sortie de l’hyper dépendance et d’espérer des investissements directs étrangers pour attirer les savoir-faire et les technologies. L’Administration est très bureaucratique et soutient à peine les efforts entrepris depuis quelques années pour générer des exportations hors hydrocarbures.

Alors certes, la manne pétrolière et gazière est un aimant puissant pour les IDE. Alger a décidé d’injecter une somme colossale – 286 milliards de dollars – dans un programme d’investissements publics quinquennal (2010-2014), dont 156 milliards sont dévolus à de nouveaux projets. Mais les contraintes liées au Code des marchés publics ou l’inertie de l’Administration ne favorisent par la réalisation de ce PIP.

Pourtant, les projets sont là. À Paris, Abdelkrim Mansouri, le directeur général de l’Agence nationale de développement de l’investissement (Andi), citait pêle-mêle la construction de deux millions de logements, 35 barrages, 19 stations d’épuration, 5 000 établissements scolaires, 1 500 infrastructures de santé (hôpitaux, polycliniques…), 2 500 kilomètres de routes, 17 lignes ferroviaires, cinq villes nouvelles ou encore 42 zones industrielles.

Enfin, il y a une loi sur les IDE qui fait peur à certains investisseurs. En 2009, les autorités algériennes ont décidé d’obliger les étrangers à céder à des intérêts locaux la majorité du capital de leurs sociétés en cours d’implantation et de tout projet d’investissement. Cette règle dite du 51/49, qui fait grincer des dents jusque dans les rangs du patronat algérien, vise à associer une ou plusieurs parties algériennes à des décisions favorisant l’investissement et le transfert de technologie en Algérie. Elle laisse, toutefois, la possibilité aux étrangers de conserver la gestion du projet.

Président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), Réda Hamiani a déclaré à plusieurs reprises que le « 30/70 » (local/étranger) aurait été plus judicieux ». Indiscutablement, le 51/49 a un effet dévastateur dans certains pays, notamment aux États-Unis. Les PME sont particulièrement craintives. Jusqu’à présent, Alger n’a pas cédé aux pressions. Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), en visite à Alger du 12 au 14 mars, indiquait connaître « peu de pays qui maintiennent une règle de type 51-49 % pour tous les secteurs confondus ».

Les grandes entreprises se conforment plus facilement aux nouvelles règles, surtout celles qui opèrent dans les secteurs les plus porteurs, comme l’agroalimentaire, l’automobile ou la pharmacie. Pour Renault, qui détient déjà le quart du marché domestique, l’investissement sera faible, 50 millions d’euros, pour produire avec son partenaire SNVI 25 000 véhicules par an en 2014. Cette production, réalisée près d’Oran, devra, néanmoins, passer à 75 000 vers 2019 et 150 000 dans dix ans. Ces chiffres paraissent bien modestes par rapport à l’investissement de 1,1 milliard d’euros du constructeur français à Tanger au Maroc, où seront fabriqués 170 000 véhicules par an, puis 400 000 à terme.

Quant à la pharmacie, il s’agit d’un secteur en pleine expansion. Le marché du médicament frisait ainsi les deux milliards de dollars en 2011, en hausse de 17,3 % en un an. En se lançant dans le générique avec l’entreprise publique Saïdal, Sanofi s’est assuré une voie de diversification sur un marché qu’elle connaît déjà bien, avec sa filiale à 100 % Sanofi Algérie. En outre, la législation assure à la société commune Winthrop Pharma Saïdal de ne pas être concurrencée dans son domaine par des importations.

Cristal Union est un cas à part, « puisque nous avions déjà décidé avant l’instauration de la règle du 51/49 en Algérie que nous ne posséderions que 30 % de la joint-venture constituée avec le groupe La Belle », révèle son secrétaire général, Jean-François Javoy. Le responsable de la coopérative française, cinquième producteur européen de sucre de betterave, explique que cette opération constitue pour elle une diversification dans le sucre de canne. L’entreprise commune, qui devrait démarrer à la fin de l’année, produira 350 000 tonnes par an, puis sa capacité sera doublée.

Pour sa société, les véritables difficultés sont autres que la participation, indique encore Jean-François Javoy. D’abord, l’interdiction faite à la maison mère de verser des fonds à sa filiale sur un compte-courant. L’entreprise doit emprunter. Ensuite, l’absence de couverture de changes. « La parité dinar-euro semble assez stable, mais nous souhaiterions que soit mise en place une couverture des marchés à terme », soupire le secrétaire général de Cristal Union.

Enfin, la nouvelle raffinerie est installée à Ouled Moussa, une commune de la wilaya de Boumerdes. « Routes, téléphone, Internet, gaz, électricité… nous avons été confrontés aux pires difficultés », assure le dirigeant de la coopérative. Et « le problème », précise-t-il, c’est « avant tout l’inertie administrative ».

François Pargny

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