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Transport & logistique à l’international 2019 : le transport multimodal a besoin d’un nouvel élan

Il faut doter la France de moteurs puissants et d’un cadre national cohérent pour que le transport multimodal puisse prendre son envol.

 

 

 

Le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron, intitulé « Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l’avenir » et publié le 1er février 2019, donne quatre priorités à l’action publique. Parmi ces priorités, la quatrième est de se doter d’infrastructures et de services de fret performants et de transporter les marchandises sur le mode le plus pertinent.

Or, le coût et les contraintes des transports orientent les produits très largement vers la route. Sa part modale était de 88 % en 2016, 10 % pour le ferroviaire et 2 % pour le fluvial selon les Comptes de la commission des transports de la Nation.

Les ambitions affichées depuis plusieurs dizaines d’années de report modal ont donc jusqu’à présent toutes échoué. Les infrastructures ferroviaires et fluviales sont loin d’être utilisées à la hauteur de leurs capacités en matière de fret, même si elles gardent un domaine de pertinence propre, essentiellement le transport sur longue distance de produits lourds ou pondéreux facilement « massifiables », ainsi que le transport de matières dangereuses en grandes quantités.

 

Le ferroviaire et le fluvial moins attractifs mais moins polluants
Le mode routier domine grâce à sa flexibilité. En outre, le service rendu par les modes concurrents à la route manque souvent de fiabilité, de souplesse et d’adaptabilité. L’impact sur la qualité des sillons fret et les temps de parcours des travaux d’entretien du réseau ferroviaire, réalisés de préférence la nuit pour ne pas perturber les trains de voyageurs, ou les périodes de « chômage » de la navigation, nécessaires à l’entretien des canaux, handicape l’attractivité du ferroviaire et du fleuve.

L’ouverture à la concurrence dans le fret ferroviaire (en 2006 pour la totalité du marché), a certes permis aux opérateurs privés d’assurer plus du tiers de l’activité, mais elle n’a pas permis de rendre ce mode plus compétitif vis-à-vis de la route. De plus, les chargeurs privilégient les flux tendus et l’absence de stocks, et les évolutions de l’industrie conduisent à transporter plus de biens de consommation et moins de produits primaires et secondaires, plus aisément massifiables.

Pourtant, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), il est nécessaire de favoriser les modes ferroviaires et fluviaux moins polluants. Et selon le rapport Duron cité plus haut, le développement du fret ferroviaire et fluvial est un objectif nécessaire dont la poursuite doit toutefois s’inscrire dans un cadre réaliste. Il prévoit notamment trois scénarios concernant les voies navigables, allant de 40 millions d’euros (M EUR) par an (soit le niveau d’investissement actuel) à 70 M EUR d’investissements publics.

Il ne reste plus qu’à attendre la décision du gouvernement actuel. Il est vrai que les changements politiques réguliers que connaît notre pays représentent également un frein à la poursuite d’une politique pérenne en faveur du report modal…

 

Manque d’investissement dans les infrastructures
Les analyses des experts rejoignent celles du rapport Duron. Bruno Viallon, consultant en supply chain, vbconseil, fervent supporter du transport multimodal, souligne dans la lignée du rapport « un manque d’infrastructures auquel il est nécessaire de remédier ».

Les défis sont multiples : « Ça progresse trop lentement, analyse Bruno Viallon. Des chantiers ont fermé pour cause de rentabilité ou de versements de subvention. Par exemple, le réseau ferré dans son état actuel peut difficilement prendre en charge de nouveaux flux. Il manque un plan stratégique de gestion et de développement des flux de transport à l’échelle nationale à long terme. La puissance publique doit faire bouger les choses. Et il faut se comparer aux autres, d’autant plus que d’autres pays courent plus vite que la France. Nous pouvons nous inspirer de ce qu’a fait la Belgique qui sait conjuguer le fret maritime fluvial et ferroviaire depuis Anvers. »

L’Union des entreprises de transport et de logistique de France (TLF) est favorable au report modal, notamment pour une question d’environnement, indique Antoine Sébastien, délégué aux affaires maritimes de TLF Overseas, syndicat des organisateurs de transport membre de TLF. Mais elle se heurte aux réalités du terrain. « Les projets sont réfléchis pour le fer, ou pour le fluvial, détaille Antoine Sébastien. Il faudrait une démarche plus globale d’interconnexion des différents modes de transport. Le commissionnaire de transport est bien placé, grâce à son rôle d’organisateur de transport, pour être l’architecte de solutions multimodales qui jouerait un rôle clef dans ce cadre. Mais c’est un travail de longue haleine. »

L’exemple de la desserte des ports est édifiant : « Il faut ainsi une desserte des zones portuaires par des modes de transports massifiés, développe Antoine Sébastien. Or aujourd’hui 85 % s’effectue par la route, quand des grands ports européens comme Hambourg c’est moins de 50 %. Il y a un problème de financements des projets multimodaux. Pourtant, il y a par exemple un potentiel de développement du fluvial au Havre très importante. Aujourd’hui le port maritime n’est pas connecté au fleuve, ce qui entraîne des ruptures de charge. »

 

Progression du fret multimodal
Du côté du Havre, l’optimisme semble toutefois de mise, tout comme les projets d’amélioration. Le terminal mutimodal du Havre, à quelques kilomètres des terminaux maritimes, a vu son activité croître de 7 % en 2018, avec 155 000 EVP. Et le trafic fluvial de conteneurs à destination de Rouen et de l’Ile-de-France a augmenté de 5,7 % la même année.

« Le transport fluvial est un bon concurrent de la route, avec une part de marché de 20 % pour le transport de conteneurs vers l’Ile-de-France, explique Antoine Berbain, directeur général délégué de Haropa Ports de Seine Paris Normandie. Le projet de la chatière viendra améliorer l’accès fluvial : la construction d’une nouvelle digue à l’ouest de celles de Port 2000 permet de créer un plan d’eau abrité pour un accès fluvial direct à Port 2000. C’est un projet inscrit dans le programme d’investissements du port de 125 M EUR qui attend une réponse de financement auprès de la Commission européenne en avril 2019. La réalisation pourrait se faire d’ici 2023. Par ailleurs, nous sommes partenaires de SNCF Réseau depuis 2016 afin d’identifier les meilleurs sillons en fonction des travaux planifiés sur deux ans. » L’itinéraire Paris-Rouen-Le Havre ne pouvant plus absorber de trains supplémentaires, la liaison via Serquieu et Gisors devrait voir le jour à partir de mi-2020 afin d’offrir de la capacité supplémentaire pour les trains de marchandises entre les ports normands et la région parisienne.

 

L’avenir du transport fluvial
Antoine Sébastien donne pour conclure des pistes d’amélioration en matière fluviale : « Il faudrait créer une interprofession, qui rassemblerait le monde artisanal des bateliers et les commissionnaires de transport, analyse le délégué aux affaires maritimes de TLF Overseas. Il faut aider les bateliers à avoir un raisonnement plus industriel pour répondre aux besoins des entreprises qui veulent faire transporter les granulats, les déchets, le blé, les colis lourds… Les industriels ne savent ni comment ce mode de transport fonctionne, ni vers qui se tourner pour passer le cap du routier au fluvial. Le transport fluvial a besoin d’un nouveau dynamisme. Il a un vrai avenir s’il se structure et s’industrialise. »

Christine Calais

 

Trois questions à Denis Choumert, président de l’AUTF

 

Le Moci. Les chargeurs s’impliquent-ils dans l’évolution du transport multimodal ?
Denis Choumert. Les chargeurs peuvent avoir une influence, en fonction de leur poids sur le type de transport. Ainsi, ils s’impliquent dans le développement du transport fluvial, notamment pour réfléchir à des flux aller/retour mutualisés de différentes marchandises par le biais de barges multi-usages.

Le Moci. Quelles sont les priorités des chargeurs sur le transport ferroviaire ?
D. C. Il reste des progrès à faire en matière de flexibilité des sillons, et le coût de maintenance du réseau reste problématique. Un chargeur doit actuellement réserver des sillons plusieurs mois à l’avance, ce qui demande de savoir bien anticiper les flux. Aujourd’hui les actifs ferroviaires sont globalement mal utilisés.

Le Moci. La mutualisation des flux représente-t-elle un enjeu majeur pour l’avenir ?
D. C. Oui, on peut espérer une meilleure mutualisation des flux, y compris au niveau du transport fluvial ou ferroviaire, grâce à la désintermédiation promise par les nouvelles plateformes d’échange numériques. Ceci nécessite toutefois à la fois des investissements en systèmes d’information mais aussi un changement de culture et de pratiques commerciales. Force est de constater qu’aujourd’hui, le peu de mutualisation des flux qu’il y a provient essentiellement de sociétés d’un même groupe. C’est plus compliqué quand il s’agit de différents chargeurs. La solution serait de passer par les plateformes d’échange de données sur lesquelles travaillent des logisticiens. L’avenir, c’est de créer d’ici dix ans un réseau sécurisé et confidentiel des plateformes de logisticiens qui permettrait d’optimiser les chargements et les flux sur un territoire donné.

Propos recueillis par Christine Calais

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