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Spécial Régions 2018 : entretien avec Hervé Morin

 

 

 

 

 

 

Soutien de la première heure de la stratégie de partenariat état-Région dans le domaine du commerce extérieur, portée par Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Hervé Morin, président de Régions de France et de la Région Normandie, détaille sa vision d’une politique pro-active d’accompagnement à l’export des PME.

 

Le Moci. Les Régions ont apporté leur soutien à la nouvelle réforme de l’accompagnement à l’export, qui favorise la création de « guichets uniques » pour les PME, sous l’autorité des Régions, s’appuyant sur un partenariat tripartite entre celles-ci, l’opérateur d’Etat Business France et les chambres de commerce et d’industrie de Région (CCIR). Quel est l’enjeu à vos yeux ?

Hervé Morin. Nous sommes favorables à ce partenariat puisque nous avons été les premiers à signer une convention. Ma vision, clairement, est que les grands groupes n’ont besoin de personne, sauf l’Etat parfois. Quand j’étais ministre de la Défense, il y a quelque chose qui me fascinait à chaque fois que je me rendais à l’étranger : lorsque l’ambassadeur me faisait un briefing sur les relations bilatérales et qu’on abordait l’export, on parlait toujours des mêmes entreprises présentes, les grands groupes comme Thales, Veolia, Engie, etc. Et quand on regardait les bilans, on constatait qu’on était toujours dépassés par les Allemands et les Italiens. Pour une raison très simple : nos PME et ETI sont beaucoup moins présentes à l’export. Une des raisons est qu’il s’agit de pays fédéraux ou avec une autonomie régionale forte, avec des collectivités locales qui soutiennent leurs PME.
En France, toutes les Régions s’y sont mises. En Normandie, j’ai revisité complètement le dispositif à l’export et on a augmenté de 120 % le volume de crédits qui y sont consacrés. Résultats : la progression de nos exportations est supérieure à la moyenne nationale. L’accord avec Business France permettant d’affirmer le chef de filat des Régions sur cette question et la mutualisation des compétences avec Business France et les CCI à l’international est clairement une bonne idée.

 

Le Moci. D’une manière générale, pensez-vous que les Régions doivent prendre une part plus importante dans l’objectif d’augmenter l’internationalisation des entreprises françaises ?

Hervé Morin. Dès lors que notre vocation c’est l’économie et les entreprises, cela doit être une de nos priorités absolues avec deux aspects : la diplomatie économique et les outils d’aide.
A titre d’exemple, en tant que président de Région, je fais deux déplacements par an avec 10 à 15 chefs d’entreprises, des PME, dans un pays cible. On prépare les choses sérieusement et à chaque fois c’est profitable, ça marche. En clair, il s’agit de conduire une délégation, ouvrir les portes, mettre en tension le poste diplomatique français pour faire en sorte que les contacts BtoB pour les entreprises soient les plus efficaces possibles, effectuer des missions notamment préparatoires de CCI International, la CCI française dans le pays… Quand je suis allé en Iran l’année dernière, j’ai encore en mémoire la réflexion du patron de Total en Iran me disant : « ce que vous faites, c’est ce que font les Allemands, les Italiens, depuis des décennies ». Pour l’Iran, toutes les entreprises sont revenues avec des contrats. On est allé en Russie, en Corée du Sud avec les mêmes résultats. C’est un système qui marche.
Un autre aspect des choses est d’avoir des mécanismes d’aide extrêmement simples et par ailleurs de bâtir ce que nous avons bâti avec Business France, un accélérateur à l’export. L’export coûte cher, ce dispositif aide l’entreprise à se mettre en situation d’y aller avec succès en s’interrogeant sur sa démarche, ses produits, la méthode qu’elle compte mettre en œuvre, et ensuite l’aide dans le développement de son commerce.

 

Le Moci. Certains observateurs s’interrogent : la Région est-elle le bon niveau pour porter la diplomatie économique, n’y-a-t-il pas un risque de disperser les initiatives et de brouiller l’image, par exemple dans les salons étranger ?

Hervé Morin. Quel serait le bon niveau quand on voit comment ça a marché depuis 30 ans ? Quand ça marche en Allemagne et en Italie, il ne faut surtout pas prendre exemple sur ces pays… Mais je ne vois pas bien qui va s’occuper d’une PME en Normandie, Bercy ?
Cela dit, j’ai regretté que dans certaines grandes manifestations comme le CES de Las Vegas, il n’y ait pas une meilleure coordination et j’ai d’ailleurs proposé aux présidents de Régions qu’on y mette fin, ce qui sera fait l’année prochaine. Au CES de Las Vegas, on avait d’un côté le village French Tech et de l’autres des rues régionales. Or, on avait la deuxième représentation mais cela ne se voyait pas assez à cause de cette séparation. Dans ce cas là, il faut qu’il y ait une espèce d’étendard national avec des subdivisions régionales. C’est ce que l’on a fait sur l’industrie ensuite à la foire de Hanovre, et c’est ce que nous ferons la prochaine fois au CES de Las Vegas.

 

Le Moci. Ce partenariat Etat/Région/CCI sur l’export est-il un modèle pour d’autres politiques publiques ?

Hervé Morin. C’est en effet une bonne formule. L’Etat met son réseau Business France au service des Régions qui pilotent et animent le soutien des PME à l’export. A condition bien entendu que les Régions jouent aussi la simplicité. Pour ma part, j’ai récupéré une Région où on avait créé des mécanismes tellement complexes de soutien à l’export que grosso modo, plus personne ne les utilisait. J’ai simplifié massivement tout le système, je l’ai construit avec les entreprises, et tout le monde s’en loue maintenant. Après, cela dépend bien entendu de chaque cas mais quand par exemple vous êtes en nouvelle Aquitaine avec Alain Rousset, qui est très pro-entreprise, je suis convaincu qu’on doit avoir dans cette Région des systèmes efficaces.

 

Le Moci. Il y a eu des petits couacs dans le processus, notamment de grandes métropoles comme Marseille ou Lyon qui estiment avoir leur mot à dire. De votre point de vue, quelle peut être la place des métropoles dans cette politique ?

Hervé Morin. Il n’y a pas tant de métropoles de cette envergure en France, il n’y en a que deux. Et c’est sûr que lorsque vous êtes une métropole comme Lyon ou Marseille, il y a une logique à s’intéresser à ces sujets. Mais le soutien export n’est pas de leur compétence et je ne vois pas en quoi la métropole se grandit à refuser d’intégrer un dispositif régional. Tout cela n’a pas de sens.

 

Le Moci. L’annonce par le gouvernement de coupes sombres dans les budgets des CCI ne perturbe-t-elle pas la mise en place de la réforme ?

Hervé Morin. Là le risque, c’est que je ne sais pas ce que vont devenir les CCI, ça va être un débat. Si j’en crois ce que l’on me raconte, il est évident que l’équation va devenir extrêmement compliquée. Si les CCI sont dans l’état financier qu’elles disent être à l’issue des futures coupes budgétaires, il y aura probablement besoin de repenser le système, c’est clair.

 

Le Moci. En tant que président de Régions de France, vous ne souhaitez absolument pas influencer ou donner de directives à vos collègues. Quel peut être le rôle de cette organisation ?

Hervé Morin. Je crois aux libertés locales, et si un président de Région considère que sa priorité ce n’est pas l’internationalisation des entreprises, ce n’est pas moi qui vais lui expliquer le contraire. Régions de France a vocation à porter la mise en place du dispositif, l’affirmation du chef de filat avec un dialogue très facile avec Jean-Yves Le Drian parce qu’il a été président de Région et qu’il comprend bien que c’est là où ça doit se faire. Mais après, chaque Région gère les choses comme elle l’entend, c’est le bonheur de la démocratie locale.

Propos recueillis par Christine Gilguy

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