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Entretien avec Patrice Bert, président de la section Allemagne des conseillers du commerce extérieur de la France

Le Moci. Trop de PME se préparent mal pour aborder l’Allemagne, marché hyperconcurrentiel où le prix est déterminant. Quels conseils leur donneriez-vous pour capter les opportunités générées par la montée de la consommation privée dans le pays ?

Patrice Bert. Tout d’abord, il faut être sûr de posséder un bon produit, de bonne qualité et très compétitif, sachant que le facteur prix est effectivement déterminant en Allemagne dans beaucoup de branches. Il faut, ensuite, être bien préparé, même avec une petite équipe et aller sur le marché allemand, par exemple au début avec un Volontaire international en entreprise (V.I.E) parlant bien la langue pour démarcher. Bien sûr, il faudra viser à terme toute l’Allemagne, compte tenu de son potentiel, mais le pays étant décentralisé, il est possible pour une petite entreprise de commencer par une région en choisissant par exemple une des régions importantes à fort potentiel économique, la Bavière ou le Bade-Wurtemberg qui ont une taille supérieure à la Suisse ou la Belgique. Ou, par exemple, la région rhénane, plus proche culturellement de la France pour lancer un produit alimentaire. Compte tenu de la taille des grandes villes dans le pays, une stratégie axée uniquement sur plusieurs grandes villes peut s’avérer également très efficace, avec peu de moyens, pour des produits de consommation distribués à travers le commerce de détail indépendant. Ou si le produit est adapté, la vente online très développée en Allemagne comme en France. Le cas échéant, un référencement dans une ou deux centrales de grande distribution peut permettre d’ouvrir le marché.

 

Le Moci. Les salons demeurent-ils un instrument privilégié pour entrer sur le marché allemand ?

P.B. Oui, sans conteste. Avant d’aller sur le terrain, le premier pas doit être de se rendre sur le salon de sa profession, qui, en général, est aussi le plus important de la scène internationale. Si une PME dispose de moyens restreints, elle doit faire appel à son syndicat professionnel ou à Business France pour préparer le premier salon. À côté des salons professionnels, il y a également en Allemagne de nombreuses foires régionales, générales ou spécialisées par produit, qui permettent aux entreprises de s’adresser directement au consommateur final. Mais, ce n’est pas la bonne solution, si l’on veut établir un réseau de distribution.

 

Le Moci. Avec le déclin démographique qui paraît inexorable, le marché allemand ne va-t-il pas devenir moins intéressant pour les entreprises françaises ?

P.B. Attention aux statistiques qu’on nous présente parfois. Le taux de fécondité est certainement supérieur à ce qu’il y paraît et devrait remonter, passant ainsi de 1,38 enfant par femme à 1,5-1,6 à terme selon des études récentes. Malgré leur besoin de sécurité et leur prudence, il faut aussi faire confiance au dynamisme et à la réactivité des Allemands. L’industrie aura toujours besoin de personnel bien formé et saura attirer la main-d’œuvre étrangère.

 

Le Moci. Oui, mais l’Allemagne n’est pas très « sexy »…

P.B. Je pense exactement le contraire. Nos compatriotes ne connaissent souvent pas bien le pays. Certaines régions sont magnifiques, et pas seulement la Bavière, la vallée du Rhin ou Berlin, et les rapports de travail y sont de grande qualité. Les Allemands ont l’habitude de travailler de façon concertée, ils discutent beaucoup pour parvenir à un consensus et les relations dans les entreprises y sont souvent plus faciles, car on ne remet pas toujours en cause les décisions prises.

 

Le Moci. En raison de l’instauration d’un salaire minimum et la poursuite des hausses salariales, êtes-vous de ceux qui craignent pour la compétitivité de l’économie et de l’industrie allemandes ?

P.B. De l’industrie, non, car les salaires y sont supérieurs au salaire minimum. Ce sont les petites entreprises de service qui auront des difficultés d’adaptation. Mais, à mon avis, cela ne changera rien à la compétitivité globale de l’économie allemande. Quant aux hausses de salaires, il y a eu une longue période de modération et il est normal qu’il y ait actuellement une phase de rattrapage dans les branches dynamiques. L’avantage compétitif, certes, va diminuer, mais regardez, dans ma filière, le meuble (Patrice Bert dirige la filiale allemande de Ligne Roset, NDLR), la pression importante des importations en provenance d’Asie ou d’Europe centrale, ne permet pas des augmentations de salaires importantes.

 

Le Moci. Vivant en Allemagne depuis 30 ans, vous habitez Stuttgart, une ville a priori peu séduisante…

P.B. En fait, j’habite avec ma femme, qui est allemande, à Fribourg en Brisgau, une ville très attirante du pays de Bade au bord de la Forêt Noire, très appréciée des visiteurs étrangers et de nombreuses startups dans les domaines des énergies nouvelles ou de la médicine. Quant à Stuttgart, on peut ne pas être attiré par cette ville, comme on peut l’être par Berlin ou Munich. Il faut cependant apprendre à connaître cette ville tournée vers le travail, à connaître les habitudes d’une région qui est l’un des plus grands viviers de brevets de la planète et pas seulement dans l’automobile parce que Porsche ou Mercedes Benz y sont nés. Les Souabes sont de très bons ingénieurs et techniciens. Ils possèdent une mentalité d’inventeurs d’objets parfaits (Tüftler, en allemand) et sont à l’origine de nombreux produits pratiques de la vie quotidienne. Le premier abord n’est pas toujours facile, mais, en réalité, ils sont très sympathiques et fiables. N’oublions pas aussi la situation de Stuttgart au milieu de belles collines couvertes de vignes et de villas, et également les vins de la région et une vie culturelle intense propres à faciliter les contacts.

Propos recueillis à Stuttgart par François Pargny

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