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Sénégal, vers une nouvelle dynamique de croissance

Dans des conversations privées à Dakar, les bailleurs de fonds le disent unanimement : il faut que le président Macky Sall fasse preuve « de courage politique ». Ils sont, certes, satisfaits de la stabilité politique et de l’alternance au Sénégal – le chef de l’État a été élu en mars 2012 (avec 65,84 % des suffrages) aux dépens de son prédécesseur Abdoulaye Wade (2000-2012) – mais, pour eux, l’urgence, c’est la réforme de l’énergie et de la Société nationale d’électricité (Senelec), sans laquelle « il ne peut être question de relance économique ».

« Chaque semaine, les retards dans les nouveaux investissements de production s’accumulent. Ce sont ainsi des millions, des milliards de francs CFA qui sont perdus », déplore Valeria Fichera, représentant résident du Fonds monétaire international (FMI). Les pertes techniques et les vols représenteraient ainsi 20 % de la totalité de l’électricité produite. De façon très claire, les institutions multilatérales pointent l’inefficacité de la dépense publique. L’État injecte des milliards tous les ans dans la production et la distribution électriques, en vain. La situation empire.

D’autant que les tarifs sont administrés, ce qui fait que les comptes de la Senelec demeurent dans le rouge et que la société publique ne peut pas investir. « Il nous faut gagner de points de rendement et on n’a jamais mis les moyens pour y parvenir en 25 ans », convient Bakary Diop, directeur des Etudes générales à la Senelec et ex-directeur de la Production. Le changement serait pour demain ?

Confiants mais attentifs, les bailleurs de fonds exercent une pression discrète, persuadés qu’il faut encourager l’État à améliorer sa gouvernance.

En attendant, ils ont aussi accepté de soutenir la restructuration du domaine énergétique. La Banque africaine de développement (Bad) et l’Agence française de développement (AFD), notamment, sont très impliquées dans la production. La distribution fait aussi l’objet de toutes les attentions. L’IDA, guichet concessionnel de la Banque mondiale, apporterait ainsi 88 millions de dollars pour une ligne sur Thiès et le réseau dakarois ; l’Eximbank of China est prêt à verser 518 millions d’euros dans la réhabilitation et l’extension du réseau de Dakar ; s’agissant de l’Allemagne, la KfW instruit un dossier de 29 millions d’euros, portant sur l’extension et la diversification des réseaux régionaux à Kaolack, Ziguinchor, Saint-Louis, Fatick et Louga. L’État sénégalais a lui-même promis d’injecter 305 millions dans l’extension et la diversification électriques dans les autres villes et les villages du pays. Bakary Diop estime qu’il faudra attendre quatre ans pour bénéficier d’un service de distribution électrique performant. À cette date, le taux d’électrification devrait passer de 54 % en 2013 à 70 % dans le pays (de 24 à 50 % en milieu rural, de 89 % à 95 % en zone urbaine).

Quatre ans encore à attendre, alors que l’homme de la rue comme le chef d’entreprise doit subir régulièrement des coupures d’électricité. Ce mal endémique de la mauvaise gouvernance et de la crise énergétique est d’autant plus préoccupant que le tourisme, autre pilier de l’économie, s’est aussi essoufflé. La faute au président Wade, qui n’y croyait pas, dit-on à Dakar. « Il nous faut une compagnie aérienne nationale recapitalisée, avec un secteur privé majoritaire, et qui offre des tarifs promotionnels », assure Hamidou Diop, le secrétaire général du Conseil national du patronat du Sénégal (CNP Sénégal), la principale organisation patronale du (70 % du secteur formel).

« Le gouvernement s’est attaqué à des priorités sociales, poursuit le dirigeant du CNP. Il a, notamment, mobilisé des crédits agricoles pour le monde rural. Il faut maintenant que l’État relance l’économie. Les Sénégalais doivent travailler plus et mieux. Notre taux de productivité est inférieur de 20 % par rapport à certaines nations de la région et 70 % par rapport au Maroc. Et l’État doit aussi définir des politiques sectorielles pour relancer la filière agricole, dans la tomate, le sucre, l’oignon et créer des emplois durables ».

Des investisseurs internationaux sont intéressés à développer des projets d’horticulture le long du Fleuve Sénégal et d’autres zones du pays. Par ailleurs, la bonne pluviométrie a contribué à l’élévation de la croissance économique. Selon le FMI, après + 3,5 % en 2012, l’activité devrait monter encore à + 4 % cette année et 4,6 % en 2014. « Le Sénégal bénéficie dans le cadre du programme américain Millenium Challenge Corporation (MCC), d’un fond de 500 millions de dollars entre 2010 et 2015, qui a permis d’entamer des travaux de construction de routes, de ponts, de systèmes d’irrigation dans les zones rizicoles du nord et dans le sud ou des projets d’agriculture de substitution et d’exportation », expose Valeria Fichera.

Par ailleurs, ajoute-t-elle, « il y a tous les chantiers miniers en cours le long de Grande Côte dans le zircon ou dans le Sud oriental autour de la mine d’or de Sabodala ». Enfin, il y a l’autoroute à péage en construction entre Dakar et Diass, où sera construit le nouvel aéroport international de la capitale. « Le premier tronçon jusqu’à Diamniadio sera terminé en août », annonce Gérard Sénac, PDG d’Eiffage Sénégal, qui a obtenu la concession de l’ouvrage pendant 30 ans. « C’est la première concession privée de ce type en Afrique de l’Ouest », se félicite ce patron français, qui précise que « l’État détient 60 % du projet, Eiffage Sénégal 37,63 % et que toute une série d’établissements et d’institutions ont suivi, comme Société Générale et BNP Paribas, la Bad, la Société financière internationale (SFI), l’AFD ou la BOAD ».

Le deuxième tronçon entre Diamniadio et Diass « doit faire l’objet d’un marché complémentaire avec le concessionnaire pressenti », précise Gérard Sénac, c’est-à-dire Eiffage Sénégal. À Diamniadio, sera érigé un Palais des Congrès flambant neuf pour accueillir le Sommet de la francophonie en novembre 2014.

« En outre, une nouvelle zone économique spéciale doit y ouvrir, expose Philip English, économiste en chef au bureau régional de la Banque mondiale, à Dakar. Elle pourrait couvrir 14 000 hectares (ha) au total, mais au départ seul 50 ha seraient exploités, puis par la suite 800 ha. Des facilités seraient offertes (accès à la terre, à l’énergie, à l’eau, guichet unique…) et, à la différence des zones franches (taux d’exportation obligatoire de 80 %), les sociétés implantées pourraient choisir librement de vendre sur le marché domestique ou international.
L’autoroute et le futur l’aéroport, prévu en 2015, vont permettre de désengorger la presqu’île de Dakar qui est asphyxiée et d’irriguer la région touristique de Petite Côte au sud de Dakar. Pour autant, ils ne peuvent à eux seuls relancer l’économie. L’État a ainsi prévu toute une série d’initiatives, comme le port minéralier de Bargny et le port céréalier de Kaolack. La relance du chemin de fer permettrait également de faciliter les échanges avec le voisin malien. Et l’État pourrait profiter aussi du rapprochement actuel avec la Gambie pour soutenir le développement au sud de la Casamance, dont le potentiel agricole et touristique est avéré. Des projets qui méritent aussi l’attention des investisseurs français.

De notre envoyé spécial François Pargny


Les trois grands projets de la ville de Dakar

• Les travaux de voies secondaires d’un montant de 1,2 million d’euros, financés par la BOAD, portant à la fois sur la réhabilitation de routes et la construction de nouveaux axes.
• Le tramway. Voté sous l’ancien président, il n’en est plus question. La municipalité recherche des solutions originales et peu coûteuses.
• Le programme Dakar Municipal Finance Project (DMFP).
La municipalité, après soumission auprès de la fondation Gates, a reçu un fond de 5 millions de dollars pour la réalisation du DMFP comprenant deux phases, la première concernant le renforcement des équipes internes et externes (consultants), la conception de projets. La préparation du DMFP pour 500 000 dollars est déjà engagée. Quant à la seconde phase du programme, la Ville de Dakar émettra des obligations à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) qui se trouve à Abidjan.

F. P.


Chiffres clés


Superficie
: 197 000 km2
Population : 12,4 millions d’habitants
Indicateurs de croissance 2013 e (1) :
PIB (milliards USD) : 14,39
PIB par habitant (USD) : 1 068,35

Indicateurs du commerce extérieur 2012 (2) :

Importations de biens (millions USD) : 6 440
Exportations de biens (millions USD) : 2 510
Importations de services (millions USD) : 1 111
Exportations de services (millions USD) : 941

Sources : (1) Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et estimations et projections des services du FMI ;

(2) OMC – Organisation Mondiale du Commerce ; Banque Mondiale


Agriculture, mines, grands travaux

Le chantier le plus symbolique est l’axe autoroutier entre Dakar et Diass, siège du futur aéroport international Blaise Diagne (AIDB) en 2015. De la capitale sénégalaise et de Petite Côte (zone côtière au sud de Dakar), l’autoroute permettra de parvenir à l’AIDB en 35 et 20 minutes respectivement. Ce chantier va être complété par un Palais des Congrès à Diamniadio.

Parmi les secteurs porteurs, figurent les mines et l’agriculture. La région du Fleuve Sénégal attire les investisseurs. Des industries agroalimentaires – huilerie d’arachide, raffinerie de sucre, fabrication de concentré de tomates – se sont développées et l’État voudrait créer un port céréalier à Kaolack, centre de transit de l’arachide le long du fleuve Saloum. Dans les mines, les principaux pôles sont concentrés autour des ressources aurifères du gisement de Sabodala dans le Sud oriental, du zircon et de l’ilménite sur la zone côtière au nord de Dakar, appelée Grande Côte, et des phosphates dans le nord à la frontière avec la Mauritanie dans la région de Matam. L’État souhaite aussi la réalisation d’un port minéralier à Bargny. À proximité de cette ville, au sud à Siendou, la Bad soutient la réalisation d’une centrale à charbon.

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